C'était beau l'An 2000


"Mes plus beaux souvenirs, ce sont ceux du futur" (Salvador DALI)

Qu’ il semblait beau l’An 2000 quand j’avais dix ans. Je dévorais des comics de science -fiction que je me procurais sur les étals des bouquinistes du marché. Dans la majorité de ces publications ,on me décrivait un avenir radieux qui commencerait , croyais-je naïvement, au matin du 1er janvier 2000. Dans ce monde utopique, mes frères humains et moi vivions tous dans de grands appartements au sommet de tours vertigineuses et translucides. Nous portions tous des vêtements semblables, curieux hybrides de pyjama et de combinaison spatiale. Tout le monde vivait en harmonie mais nous avions quand même, attaché à notre ceinture, un pistolet à rayon laser au cas où viendraient à débarquer de redoutables extra-terrestres macrocéphales aux yeux globuleux et dotés généralement d’une carnation de teinte verdâtre. Bref, nous portions une arme afin de bien faire comprendre à d’éventuels agresseurs que nous vivions ,certes , dans la paix et l’harmonie, mais que cela ne faisait pas de nous pour autant des lopettes.
Nous étions tous très beaux, la trentaine athlétique,sportifs et cultivés. Pas de vieillards, sauf bien évidemment les savants et les vieux sages à barbe blanche qui, eux, portaient une toge. Les conditions requises pour être l’un de ces derniers étant bien évidemment d’être sage donc vieux... et vice-versa.
Nous passions la majeure partie de nos journées mollement étendus sur de larges banquettes à visionner des programmes de télé holographique tandis qu’un androïde discret et dévoué nous servait des cocktails tout en passant l’aspirateur , en préparant le prochain repas et en répondant au téléphone. C’était merveilleux, personne ne travaillait. Cette tâche dégradante était désormais dévolue aux robots, ces prolétaires du XXIè siècle.
S’il nous prenait envie de partir en promenade, un petit tour d’aéronef et nous pouvions pique-niquer au sommet du Kilimandjaro ou au Grand Canyon.
L’An 2000, c’était le bonheur.
Malheureusement, dans la réalité, il en a été tout autrement.
2001, qui (si j'en crois mes classiques) aurait du être l’Odyssée de l’Espace et qui devait nous ouvrir les portes du deuxième millénaire, restera dans la mémoire collective l’année où se sont imposées sur les écrans de télé de toute la planète les images du World Trade Center pulvérisé en l’espace de quelques heures.
La grande fraternité de l’espèce humaine que nous avions imaginé, cette « mondialisation » des esprits dont nous avions rêvé, cette utopie où nous étions tous égaux et tous frères n’était somme toute que naïveté de notre part. Le communautarisme refait surface et les intégristes de tout poil,qu’ils soient chrétiens ou musulmans affûtent leurs couteaux en prévision d’une confrontation à côté de laquelle les croisades médiévales ressembleront à un concours de broderie.
Finalement,de tous nos fantasmes sur l’An 2000, une seule chose s’est avérée en partie vraie: nous sommes de moins en moins nombreux à travailler. Le problème, c’est que nous ne l’avons pas voulu, ce désoeuvrement. Alors à qui la faute? Sûrement pas aux entreprises qui délocalisent à tout va, ni à la mondialisation, et encore moins aux politiques. Non, si deux millions de personnes se retrouvent sans emploi,c’est parce qu’elles ne sont pas assez « flexibles »,pas assez « mobiles », pas assez « réactives ». Alors que faire? Peut être accepter les tâches que nous pensions réservées aux androïdes, nos ex-futurs amis corvéables à merci . Alors ne parlons plus de robots , plus la peine, nous avons le CPE , le CESU et les CES.
Bref, il est bel et bien mort et enterré l’An 2000 que j’imaginais dans mes jeunes années et j’ai bien peur que- à l’heure où 48% des français ,d’après un récent sondage, pensent qu’ils pourraient un jour devenir SDF, j’ai bien peur donc que les grandes tours de verre des cités futuristes de mon enfance ne se métamorphosent en bidonvilles.

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