jeudi 30 octobre 2008

La Voie de l'Encre et du Pinceau







"Passagère du Silence" Fabienne Verdier. Récit. Albin-Michel, 2003.






C'est à l'âge de seize ans, au milieu des années 70, qu'une jeune fille, jusqu'ici sans histoires, prend une décision qui va bouleverser sa vie. Cette jeune fille s'appelle Fabienne Verdier et sa décision est de consacrer sa vie à la peinture.


Elle quitte alors sa mère ainsi que son école catholique d'Asnières pour retrouver son père dans la région de Toulouse. Ce choix n'est pas fortuit, son père a suivi des études d'art et vit retiré à la campagne. Elle espère trouver auprès de lui un appui et faire ses premiers pas dans le monde de la peinture. Mais très rapidement elle s'épuise entre les travaux de la ferme, les séances de dessin que son père lui impose, la solitude et l'isolement de cette maison perdue au fond de la campagne.
Elle décide alors d'entrer à l'École des Beaux-Arts de Toulouse mais n'y éprouvera finalement que des désillusions :


« L'enseignement à l'École des Beaux-Arts m'a déçue. On n'étudiait plus les maîtres, il n'existait plus de modèles sur lesquels s'appuyer, les élèves n'avaient plus le droit de pénétrer dans l'atelier de Léonard de Vinci ; on n'apprenait plus la pratique des techniques, ni aucune expression picturale. « Enfermez-vous dans une pièce et exprimez-vous ! » nous répétaient les professeurs. La psychanalyse avait fait des ravages au sein de l'Éducation nationale. Le problème de savoir s'exprimer quand on n'a pas appris diverses sortes de langages pour y parvenir me rendait folle. À quoi servaient donc les enseignants ? Restaient quelques cours de dessin classique devant un nu, une nature morte ou un plâtre. Pas très excitant pour l'esprit ! Ce qui m'intéressait, c'était le vivant, le trait qui saisit la vie. Les cours de peinture étaient désespérants. Le professeur, machiste, détestait les femmes, ce qui ne facilitait pas les choses. Mais cela importait peu. Le plus redoutable était qu'il nous exhortait à nous « exprimer » sans savoir s'exprimer lui-même. Il peignait ce qu'il nommait une « forme d'abstraction lyrique ». « Il faut un beau jeté », répétait-il, et il admirait les étudiants qui se lançaient dans dans un idéal gestuel sans aucune préparation ni aucune technique de composition. Le « n'importe quoi » était érigé en art du Beau. »


Pourtant, une matière réussit à capter son intérêt :


« Un cours m'intéressait, celui de calligraphie, occidentale évidemment. Par chance, je me trouvais dans la seule institution de France où il existait encore : cette tradition était tombée aux oubliettes. Mon professeur, M. Bernard Arin, était sympathique et ne manquait pas de courage ; il en fallait, dans l'ambiance régnante, pour réapprendre humblement à écrire, à dessiner une lettre, un alphabet. Différents styles étaient à l'étude : la rustica, la quadrata, pour laquelle j'avais un faible, la capitale romaine, l'onciale latine primitive, la cursive romaine des Vie-VIIe siècles, la mérovingienne, la wisigothique. De la chancellerie du XVe siècle et la bâtarde, jusqu'à la didone et l'alinéale du XXe siècle, nous revisitions l'histoire de l'écriture. Nous dessinions des pages et des pages d'associations de capitales et de minuscules, sur papier droit ou incliné, pour donner une pulsion différente à l'interprétation de la lettre. Tout tenait dans l'angle d'attaque de la plume. Nous avions souvent des crampes, car les exercices exigeaient de la patience et une extrême rigueur d'exécution.
Je calligraphiais des textes classiques écrits par les vieux sages grecs que nous choisissions ou qui nous étaient imposés. On nous donnait des modèles d'écriture à copier et à recopier sans cesse : la caroline primitive sur des fragments de l'Ancien Testament de l'époque de Pépin le Bref ; l'humanistique du XVe siècle que nous travaillions à la plume d'oiseau sur des textes de Sénèque ; des ex-libris en gothique bâtarde flamande, extraits de fragments de manuscrits anciens, ou même, pour nous divertir un peu, des menus d'autrefois que nous nous amusions à calligraphier. Mon goût pour les courtes maximes philosophiques qui aident à sublimer le quotidien est né alors. Je prenais un grand plaisir à calligraphier des phrases comme : « L'éclosion reste cachée », d'Héraclite (extraite de ses fragments, n° 123) ou encore : « Toute beauté est joie qui demeure », de John Keats.
Grâce à ces modestes plaisirs, commençait à s'ancrer en moi la conviction que, dans l'art calligraphique, se profilait aussi un art de vivre. »

Une discussion avec son professeur de dessin, la lecture de « Le Vide et le Plein » de François Cheng, la peinture d'Hokusaï puis de celle des grands maîtres chinois et japonais, vont bientôt orienter Fabienne Verdier vers l'Orient et la découverte de la peinture chinoise.

Après de nombreuses démarches, elle arrive à Pékin en septembre 1983, bénéficiant d'un échange entre étudiants chinois et français organisé par la mairie de Toulouse. Dans ses bagages, un seul ouvrage pour tout viatique : « Les propos sur la peinture du Moine Citrouille Amère » de Shitao, traduit et commenté par Pierre Ryckmans. On lui propose d'étudier à Pékin, à la rigueur dans la ville de Hangzhou, mais la jeune femme n'a qu 'un seul but : se rendre à l'institut des beaux-arts de Chongqing, dans la province du Sichuan. Malgré les réticences de l'ambassadeur de France, elle atteindra son but, après six jours de voyage dans une ville grise et polluée, accueillie par des officiels du parti qui lui ont réservé un banquet de bienvenue à base d'alcool de riz... et de sauterelles grillées.


C'est ainsi que pendant dix ans, jusqu'aux évenements de la place Tian-An-Men en 1989, Fabienne Verdier va vivre et partager le sort des étudiants chinois, dans un décor sordide, au sein d'une université où les conditions de vie sont déplorables, la nourriture exécrable, l'hygiène plus que douteuse. Elle va pourtant s'accrocher, malgré l'incompréhension des autres étudiants, convertis au réalisme socialiste qui ne comprennent pas que l'on puisse s'intéresser à ces formes d'art décadentes et poussiéreuses que sont la peinture et la calligraphie traditionnelles. Elle va suivre, dans une semi-clandestinité, les enseignements d'un maître calligraphe : maître Huang.



Mais l'apprentissage est long et difficile, il faut s'armer de patience et de sérénité pour accéder au savoir de ces vieillards qui pour la plupart ont été victimes de la Révolution Culturelle. Peu importe! La jeune femme, douée d'une volonté de fer, réussira à gagner la confiance du maître et à suivre ses enseignements, malgré la fatigue, les remarques acerbes de ses camarades étudiants, les obstacles dressés par les cadres du parti et enfin la maladie qu'elle va contracter, maladie qui mettra gravement sa vie en danger.

C'est cette quête du savoir que nous relate Fabienne Verdier dans ce très beau récit qui nous plonge dans la Chine d'après la mort de Mao Zedong, une Chine où la Révolution Culturelle a fait des ravages, un état totalitaire où chacun est l'espion de son prochain et où la discipline du parti règne sur la communauté. Bien sûr, tout n'est pas si sombre dans ce récit et les moments douloureux cèdent la place à des instants de grâce, quand Fabienne Verdier retrouve les vieillards de la maison de thé de Jiu Long Po, quand elle va à la rencontre des minorités ethniques : Miao, Yi, Buyi... C'est aussi un voyage au Tibet où elle visitera le monastère de Shigatse, une excursion avec son maître sur le mont Emei Shan, mais aussi les rencontres émouvantes avec les anciens maître de peinture et de calligraphie, vieillards ayant eu à subir toutes sortes d'avanies lorsque la Révolution Culturelle s'abattit sur eux.
Formidable récit, témoignage précieux, « Passagère du Silence » est un ouvrage qui se lit comme un roman d'aventures, une aventure humaine vécue par une femme hors du commun, dont la détermination n'a peut-être d'égale que celle d'une autre « passagère » qui emprunta les mêmes chemins, dans des condition qui, bien que différentes furent aussi extrêmes : Alexandra David-Néel.
Un très beau livre qui nous permet d'approcher et de saisir les motivations et les sources d'inspiration d'une grande artiste contemporaine.

Magnifique.


mercredi 29 octobre 2008

En ascèse de peinture





Entre Ciel et Terre" Fabienne Verdier.

Texte de Charles Juliet.
Photographies de Dolorès Marat et Naoya Hatakeyama.
Albin Michel, 2007.


« Il (maître Huang) m'a d'abord appris à broyer mes bâtons d'encre sur la pierre à encre, à profiter de ce rituel, du geste répétitif qui prépare l'artiste à l'art de peindre. Une manière de quitter le monde des hommes et de faire le vide en soi. Il m'a aussi appris à charger d'encre le pinceau car, dans son manteau de crins, se trouve une réserve intérieure qu'il faut apprendre à maîtriser à la verticale. Il s'agit de prendre conscience de la pesanteur et de la gravitation universelle, le pinceau devenant alors un véritable pendule, un lien entre l'univers et le centre de la Terre. Il m'a enseigné l'attitude du corps : les deux pieds fermement ancrés à terre pour se nourrir des énergies du sol. Je devais m'entraîner à rester bien droite pour que le courant d'énergie entre le Ciel et la Terre passe à travers moi. Devais-je me transformer en paratonnerre pour capter les puissances telluriques ? Et ce n'était pas une blague ! L'idée peut paraître simple mais elle n'était certes pas facile à pratiquer. J'étais perdue et loin de penser que, pour manier un pinceau et inscrire un trait sur une feuille blanche, il fallait avoir compris intuitivement les grandes lois de la physique fondamentale. »


Ces quelques lignes tirées de « Passagère du Silence » évoquent l'une des premières leçons de calligraphie chinoise que Fabienne Verdier a reçue auprès d'un maître calligraphe dans la province du Sichuan. La verticalité du peintre et de son pinceau est en effet l'un des enseignements primordiaux que se doit d'acquérir tout étudiant en calligraphie. Et c'est cette verticalité – qui n'est pas seulement une posture mais avant tout un état d'esprit qui trouve ses racines dans le taoïsme et le bouddhisme Chan – qui donne son titre à ce magnifique ouvrage consacré à l'oeuvre picturale de Fabienne Verdier.


On y trouvera bien sûr de superbes reproductions des peintures de l'artiste, oeuvres propices à la contemplation et à la méditation, mais aussi, à travers l'objectif des photographes Dolorès Marat et Naoya Hatakeyama, des vues de l'atelier où l'artiste donne naissance à ses oeuvres ainsi qu'à ses carnets dans lesquels elle consigne idées et citations d'auteurs. On verra également des clichés pris lors des séances de peinture, clichés qui permettent de mieux comprendre sa technique picturale, notamment la peinture sur une toile posée au sol (à la manière de Jackson Pollock) et à l'aide du grand pinceau, un instrument d'une soixantaine de kilos fixé au plafond par un cordage de huit à dix mètres.






Ces photographies et reproductions sont accompagnées en exergue de citations de peintres et d'auteurs qui invitent le lecteur à la contemplation silencieuse de la démarche et du travail de l'artiste. On y trouvera entre autres des écrits de Verlaine, de Grégoire de Nysse, de Saint-Bernard de Clairvaux, d'Héraclite, Debussy, Scriabine, etc...
Mais la plus grande partie est consacrée à un dialogue entre Fabienne Verdier et l'écrivain et poète Charles Juliet, dialogue au cours duquel l'artiste revient sur ses motivations, sur son apprentissage mais surtout sur l'état d'esprit qui est le sien lorsque elle réalise ses oeuvres. On y découvre alors tout un cheminement inspiré de la tradition des grands maîtres peintres et calligraphes chinois, cheminement aux implications spirituelles bien éloigné des mondanités et du mercantilisme trop souvent attachés à l'art contemporain.

Car le travail de Fabienne Verdier est avant tout une ascèse, un moment de recueillement où le silence et un esprit détaché des contingences de ce monde préludent à l'acte de création, un moment où l'artiste ne fait plus qu'un avec son instrument, le support sur lequel elle peint, et l'univers qui l'entoure.

« Fabienne se prépare à peindre. Cet instant a été précédé par une méditation qui lui a permis de se rassembler, de s'unifier, de rejoindre sa source. Hissée à la pointe d'elle-même, concentrée et détendue, intense et détachée, libre de la crainte d'échouer et de la volonté de réussir, elle enchaîne avec maïtrise et sang-froid une succession de gestes qui libèrent l'énergie amassée. L'encre a fait apparaître des formes qui ne tolèrent aucune reprise, des figures elliptiques et vigoureuses dans lesquelles elle a coulé son ascèse, sa liberté, son innocence, sa connaissance, sa sérénité, sa clairvoyance, les richesses qu'elle a tirées de ses rencontres, de ses lectures, de sa fréquentation des oeuvres du passé, de son amour et de sa contemplation de la nature, à quoi s'ajoute sa recherche de l'excellence, de la perfection, de l'impérissable – une quintessence de haute densité où brûle en secret la flamme voilée de son incandescence. »



vendredi 24 octobre 2008

L'unique trait de pinceau




"Les propos sur la peinture du Moine Citrouille Amère" Shitao


Traduit et commenté par Pierre Ryckmans. Essai. Plon, 2007.





S'il existe dans l'Histoire une figure emblématique de la peinture chinoise, c'est bien celle de Shitao (1641? 1642 ? - 1707), moine bouddhiste, poète, calligraphe et surtout peintre de grand talent qui exprima par le biais d'un traité ses théories picturales en composant « Les propos sur la peinture du Moine Citrouille Amère ».
Ce moine dénommé « Citrouille amère » n'est que l'un des multiples surnoms qu'aimait à se donner Zhu Ruoji, alias Shitao, ( Shitao est d'ailleurs l'un de ses surnoms qui signifie « Vague de pierre ») dont les plus connus sont « Le Vieillard de Qingxiang », « Le Disciple de la Grande Pureté », « Le Vénérable Aveugle », etc...

C'est donc à la découverte de ces « Propos sur la peinture » que nous convie Pierre Ryckmans, en nous offrant cette magnifique traduction des écrits de Shitao, écrits richement commentés afin de mieux nous faire saisir la pensée de l'artiste.
Car il faut dire que cette lecture, même si elle s'avère passionnante, ne se laisse pas apprivoiser avec facilité. La peinture traditionnelle chinoise qui est l'objet de ces « Propos » est avant tout une forme d'art dévolue aux nobles lettrés.
Héritière de nombreuses générations d'artistes de grand talent, elle obéit à des normes et des codes solidement établis dont il est fortement déconseillé de s'écarter. Cette peinture distingue deux sortes de sujets, le premier considéré comme inférieur : les architectures, les objets, les personnages et les animaux ; la catégorie supérieure, elle, englobe tous les éléments ayant trait à la composition d'un paysage : les montagnes, les arbres, l'eau, les nuages...
À cet académisme pesant, Shitao va apporter sa touche personnelle et, tout en respectant les principes picturaux de son époque, va cependant élaborer une théorie laissant libre cours à son individualité.
Le trait majeur de cette « révolution » s'exprimera par la théorie de « L'unique trait de pinceau », théorie très largement inspirée de la doctrine taoïste et du bouddhisme Chan, qui veut que de l'Un naisse le Multiple et donc que le premier trait de pinceau contienne en lui la totalité de l'oeuvre à venir.

Ces notions, qui nous apparaissent plus philosophiques que picturales, sont en effet bien éloignées de nos propres conceptions occidentales. C'est en effet en découvrant peu à peu ces « Propos » que l'on en vient à saisir le discours qui émerge de ces écrits : la peinture chinoise , dans sa conception, n'est pas une recherche basique du beau et de la ressemblance absolue, elle est avant tout une démarche spirituelle, une méditation qui vise à créer l'harmonie entre le paysage observé, le paysage peint sur le papier, la main du peintre, le peintre lui-même, puis en dernier lieu le spectateur.

Démarche mystique donc, inspirée du confucianisme, du taoïsme et du bouddhisme, au service d'un art qui, même s'il évoque à nos yeux d'occidentaux un sentiment d'harmonie et de sérénité, est avant tout un chemin spirituel où le peintre trouve sa liberté dans la contrainte et où la poésie émerge d'un trait de pinceau trempé dans l'encre.
On trouvera donc dans les « Propos » des considérations philosophiques mais aussi des conseils techniques destinés aux adeptes de cette forme d'art : Shitao y évoque les mouvements du poignet (ou comment tenir le pinceau à main levée), ainsi que les règles de composition d'un paysage, comment suggérer le relief des sujets représentés suivant leur texture et l'atmosphère dans lequel ils baignent (on trouvera dans les notes de Pierre Ryckmans, (Note 1 du chapitre XIV, p.107) la classification des différents phénomènes atmosphériques à représenter suivant les saisons : paysage nuageux au début du printemps, brume du matin sur les montagnes en été, pluie abondante avec vent faible, etc...)

« Les propos sur la peinture du Moine Citrouille Amère » est un ouvrage de référence, assez ardu à comprendre dans sa totalité pour qui n'est pas familier de cette forme d'expression qu'est la peinture chinoise traditionnelle mais l'on peut se rassurer en lisant ces quelques lignes de Pierre Ryckmans dans la Note 6 de l'Introduction : « La préface de l'édition critique du manuscrit Hua Pu (Shanghai 1962) constate : « Ce traité qui sans nul doute constitue une des oeuvres les plus éminentes de la littérature esthétique de notre pays est bien digne de notre étude attentive ; mais son texte est obscur et le lecteur peut difficilement en atteindre une compréhension approfondie ; et pour ce qui est de certains termes, leur interprétation varie d'un commentateur à l'autre. Les commentaires que nous donnons ici pourront sans doute aider considérablement le lecteur à pénétrer le sens de l'original, mais il n'en subsiste pas moins de nombreux endroits qui restent irréductibles à l'analyse. C'est pourquoi le lecteur devra s'armer de patience ; ce n'est qu'au bout d'une étude minutieuse et attentive qu'il finira par pouvoir en saisir intuitivement l'esprit essentiel. »
Le même avertissement est certainement nécessaire, a fortiori, pour le lecteur de cette traduction ; et si, au terme de son étude, bien des points lui restent encore obscurs, qu'il ne s'en étonne pas trop puisque Yu Jianhua, l'un des meilleurs spécialistes en la matière, confesse lui-même : « Dans la littérature esthétique de l'époque Qing, le traité de Shitao est considéré, de l'avis général, comme le texte le plus difficile (...) ; plusieurs endroits m'en sont encore inintelligibles et je me sens fort en peine de leur fournir un commentaire... »

Ainsi, même s'il n'est pas acquis d'appréhender dans sa totalité le discours de Shitao, la lecture des « Propos » offrira au lecteur un regard particulièrement nouveau sur la manière de contempler et de comprendre la peinture chinoise dans toutes ses implications esthétiques et philosophiques.




Peinture de Shitao

mercredi 22 octobre 2008

Que du bonheur !



"A Mélie, sans mélo" Barbara Constantine. Roman. Calmann-Lévy, 2008.





Elle, c'est Amélie (mais tout le monde l'appelle « Mélie ») et elle a soixante-douze ans.


En ce début d'été, elle vient de recevoir une enveloppe contenant ses résultats d'analyses sanguines. D'après son médecin (qui est aussi son ex-beau-fils) les conclusions à en tirer semblent assez préoccupantes.


Mais Mélie n'en a cure, elle verra tout cela plus tard. Ce qui importe, pour l'instant, c'est l'arrivée pour les vacances d'été de sa petite-fille Clara.
Et il n'y a pas de temps à perdre, la petite arrive aujourd'hui même par le train de 15H12. Mais la voiture est en panne (encore une fois!) et il y a environ douze kilomètres entre la maison et la gare. Qu'à cela ne tienne ! Mélie enfourche sa vieille mobylette, attelle la remorque pour y transporter le vélo de Clara, et la voilà partie !
C'est qu'elle y tient, Mélie, à sa petite Clara, sa « Clarinette », sa « pépette », une petite colombienne adoptée par sa fille Fanette. Et ce n'est pas une histoire de bilan sanguin qui va empêcher Mélie de s'occuper de sa petite-fille pendant ces deux mois de vacances.

Alors Mélie va se mettre en quatre pour la petite. Ensemble, elles vont s'amuser à regarder pousser les bambous en écoutant des airs d'opéra, à observer des araignées tisser leurs toiles, pêcher dans la rivière, guetter les étoiles filantes...

Au début, Clara pense s'ennuyer, d'autant plus que sa Playstation ne fonctionne plus. Que faire ? Les journées ne vont-elles pas paraître trop longues dans ce petit coin perdu de campagne ? Mais c'est sans compter sur le défilé incessant de personnages qui vont se retrouver chez Mélie. Il va y avoir Antoine, le petit copain de Clara qui va venir les retrouver pour échapper quelques temps à l'ennui qu'il éprouve chez ses grands-parents, mais aussi Marcel, un vieil ami de Mélie, ancien garagiste, qui perd peu à peu le moral dans sa maison de retraite, et puis aussi Bello, le parrain de Clara, un ex de Fanette, célibataire de quarante-sept ans, un peu bohême, contrebassiste dans un groupe de jazz manouche et qui collectionne les « fieuls »
Et il y a aussi Pépé, l'infirmier espagnol qui accompagne Marcel quand il est invité chez Mélie, il y a Mine et Raymond, des amis d'enfance de Mélie qui aiment à se retrouver pour évoquer leur jeunesse, sans oublier la petite chatte baptisée Léon (« George Sand, elle avait bien un nom de garçon ? Alors, pourquoi pas Léon ? »)

Il va s'en passer des choses, durant cet été chez Mélie. Des couples vont se défaire, d'autres vont retrouver un deuxième souffle, tout cela sous l'oeil amusé et un tantinet complice de Mélie et de Clara. Des souvenirs enfouis vont remonter à la surface, souvenirs douloureux ou attendrissants, et Marcel, qui ne pourra plus feindre, va devoir faire une révélation...
« À Mélie, sans mélo » est le deuxième roman de Barbara Constantine, après « Allumer le chat ». Elle nous présente ici des personnages un peu moins singuliers que dans son premier roman mais qui sont tous ici croqués avec la même tendresse qui avait prévalu dans « Allumer le chat ».
Les deux romans ne sont pas d'ailleurs sans quelques points communs : la vie à la campagne, une galerie de personnages attachants, des dialogues savoureux, une volonté d'évoquer certains sujets graves sous le couvert d'une feinte légereté, des chapitres courts et percutants au service d'un récit qui embarque le lecteur dans un florilège d'anecdotes, de petits faits apparemment anodins mais chargés de sens qui donnent au texte un attrait et un sentiment de véracité tout simplement jubilatoires.

Et l'on s'en donne à coeur joie, de découvrir au fil des pages tous ces personnages qui se livrent à nous en toute simplicité et nous font partager leurs vies avec tout ce qu'elle contient de tracas mais surtout de petits bonheurs décelés dans les moindres recoins de l'existence.
Et l'on se prend à rêver – à la lecture de cet ouvrage – de retrouver nos douze ans et de passer un été chez Mélie, à faire des balades en vélo, à construire des cabanes dans les arbres, à apprendre la mécanique avec Marcel, à confectionner des confitures de prunes et, le soir venu, rêver en contemplant la campagne qui s'endort. Que du bonheur !


Une interview de Barbara Constantine par Michel Field ICI




dimanche 19 octobre 2008

Le livre de sable




"Le désert de Lop Nor" Raoul Schrott. Roman. Actes Sud, 2001.


Traduit de l'allemand par Nicole Casanova.





« Du désert de Lop, on dit : si des voyageurs le traversent la nuit et que l'un d'eux tombe de cheval et tente ensuite de rattraper la caravane, il entendra des esprits parler et il es prendra pour ses compagnons de route. Souvent, ils l'appellent par son nom et lui font quitter son chemin ; beaucoup ont déjà péri ainsi.
Parfois, des voyageurs perdus entendent aussi quelque chose comme un martèlement de sabots et les voix mêlées d'une horde de cavaliers, loin du bon chemin, et ils les suivent ; mais au lever du jour, ils s'aperçoivent que tout n'était qu'illusion, et leur situation devient fâcheuse.
Pendant le jour aussi, on entend les démons, le cliquetis des armes, souvent aussi divers instruments de musique dont ils jouent, pour la plupart toutefois des roulements de tambour. On peut aussi les voir, leurs bannières flottantes et le scintillement de leurs épées, tandis que vous poursuivent des mots chuchotés : N'aie pas peur ! N'aie pas peur !
En traversant le désert de Lop Nor, les voyageurs s'efforcent donc de ne pas se perdre de vue ; on attache au cou des animaux de petites cloches, pour que la caravane ne se disperse pas. Et c'est devenu un usage, avant même de dresser le camp, de marquer d'un signe la direction que l'on doit prendre le lendemain. »

Raoul Louper est un globe-trotter d'un genre assez particulier. Il parcourt le monde, de la Haute-Asie au continent américain, en passant par l'Afrique, afin de satisfaire sa passion pour le sable.
Ce n'est pas le sable des plages à touristes qui l'intéresse, non, c'est le sable qui, sous l'action du vent, a formé de par le monde des dunes, ces collines mouvantes au relief en perpétuel mouvement.

Ainsi, de Sand Mountain (Nevada) aux dunes de Korizo (Libye) et Ming-sha-shan (Chine), Raoul Louper traverse le monde afin d'écouter les bruissements du sable qui s'écoule le long des pentes, bruissements qui, selon le lieu, forment une musique particulière, évoquant ici un coup de canon, là des roulements de tambours, parfois le son de « la corde grave d'un violoncelle ou d'une contrebasse ».

C'est en Égypte, à quelques kilomètres d'Alexandrie, que Raoul Louper a posé ses valises et loué un appartement. Il y a entreposé quelques souvenirs, objets ramenés de ses pérégrinations : « une pomme de pin, un gri-gri et une pierre. »
Dans un coffre, il a enfermé « trois douzaines de bocaux et de bouteilles remplis de sable, blanc, noir, toutes les teintes de rouge. »

Avec Török, un professeur hongrois marié à une égyptienne, Louper revient sur ses voyages, égrenant le passé par petites touches, évoquant les lieux qu'il a visités dans sa quête de la musique du sable, souvenirs auxquels se mêle l'évocation de trois femmes qui ont traversé son existence, trois femmes qui ont maintenant disparu de sa vie, comme du sable qui vous coule entre les doigts.
Que reste-t-il de tout cela ? Quelques objets, souvenirs et témoins muets de relations à jamais révolues ? Quelques dizaines de bocaux remplis de sable, échantillons amassés aux quatre coins du monde ? Louper raconte, dans la fraîcheur du soir, quand la chaleur du jour accorde une pause. Il évoque, pour lui seul ou en compagnie de Török, les jours enfuis, les paysages traversés, la courbe d'une dune, celle de la hanche d'une femme...

Méditation sur le passé, sur l'impermanence, « Le désert de Lop Nor » est une déambulation poétique où chaque mot, chaque phrase, résonne en chacun de nous et nous invite à nous recueillir sur l'éphémère beauté de chaque instant.
Entre carnet de voyage et journal intime, le roman de Raoul Schrott, composé de 101 courts chapitres traduits avec talent par Nicole Casanova, nous offre un récit empreint de nostalgie, émaillé d'anecdotes scientifiques ou de légendes traditionnelles des pays traversés.

Récit contemplatif, composé d'une mosaïque de textes courts, sans unité de lieu ni de temps mais d'où ne se dégage que l'essentiel. « Le désert de Lop Nor » est de ces romans déroutants, de ces romans « pas comme les autres » dont l'écriture, poétique et sensuelle, prime sur les codes narratifs traditionnels de l'écriture romanesque. Un livre qui incite à la solitude, à la contemplation et au recueillement.

vendredi 17 octobre 2008

17 octobre : Journée Mondiale du refus de la misère, la France donne l'exemple !


Alors que la pauvreté ne cesse d'augmenter en France et partout dans le monde (avez-vous remarqué tous ces banquiers, tous ces traders, qui dorment dans nos rues ?), notre Président a décidé (avec l' immense compassion envers le genre humain qui le caractérise) de tout mettre en oeuvre pour éradiquer de notre beau pays le spectre de la misère.

On le dit "Bling-Bling", ami des riches et des puissants, que nenni ! Notre vaillant caudillo (dans un élan d'altruisme qui ferait pâlir de jalousie Mère Thérésa si elle était encore des nôtres) a donc donné l'exemple aux grands de ce monde en augmentant l'année dernière les salaires de ses "collaborateurs" (le terme est bien choisi) de 26,8%. Mieux encore, une annexe au projet de loi de finances prévoit pour 2009 une nouvelle gratification de 20% !

C'est donc une augmentation de salaire de près de 50% qu'auront acquis en moins de deux ans certains kollaborateurs de notre Guide Suprême (personnages dont on ne connaît ni le nombre, ni l'identité, ni s'ils sont fonctionnaires ou contractuels) et ceci en toute transparence ! Qui dit mieux ? Les dépenses du personnel de la Cour : 70 millions d'euro pour 1031 personnes (chiffre non vérifiable) représentent à elles seules le budget d'une ville de 100 à 150 000 habitants.


Mais tout ceci n'est qu'un grain de sable dans la machine présidentielle dont il est annoncé que les frais de fonctionnement devraient connaître l'an prochain une hausse de 11,4%.


Heureux peuple de France ! Tu ne peux que te réjouir face à cette mesure qui fera que, grâce à l'argent de tes cotisations, un millier de tes compatriotes n'aura pas, l'an prochain, à chercher sa nourriture dans les bennes à ordures de Super-U !

En France, on lutte efficacement contre la misère... Et comme "Charité bien ordonnée commence par soi-même"...


Photo: Raymond Depardon

mardi 14 octobre 2008

Pax Romana




"L'empire Gréco-Romain" Paul Veyne. Essai. Editions du Seuil, 2005.





Paul Veyne, archéologue, historien, professeur honoraire au Collège de France est l'un des plus éminents spécialistes contemporains de la Rome antique.
Dans cet ouvrage, il nous invite – par le biais de différentes thématiques – à découvrir ce qui fut peut-être la première tentative de « mondialisation » politique, économique et culturelle de l'Histoire.
Cette mondialisation, qui ne fut tout de même restreinte qu'à l'Europe et à l'Asie mineure – ce qui n'est pas négligeable pour l'époque – est la conséquence de l'expansion militaire romaine. Elle naît et se répand sur tout le bassin méditerranéen, englobant progressivement tous les pays bordant les rivages, s'enfonçant dans les terres, repoussant peu à peu les frontières jusqu'à devenir cette immense entité qui s'étendra bientôt du sud de l'Angleterre jusqu'aux avant-postes de l'empire Perse.
Cette domination de Rome sur ces immenses territoires va être l'occasion d'apporter une certaine unité politique à des pays aussi différents que peuvent l'être par exemple la gaule et l'Égypte. Unité politique et économique, mais aussi culturelle par un apport qui va être déterminant dans toute l'histoire de l'empire romain : celui de la Grèce.

La Grèce, vaincue, devenue province romaine, ne cesse et ne cessera pourtant d'exercer son influence sur Rome. La langue de l'empire – le Latin – qui est utilisée dans toute la partie occidentale de la méditerranée, ne pourra jamais s'installer de manière prégnante dans la partie orientale. Ici, la langue grecque prédomine, preuve d'une pénétration et d'une influence culturelle beaucoup plus forte que celle des nouveaux conquérants. Les romains eux-mêmes ne peuvent qu'être fascinés par cette culture hellénique. Ils en copient l'art et l'architecture, leur panthéon est peuplé des mêmes dieux et la Grèce, forte de son prestigieux héritage, de pays conquis devient le modèle à suivre en toutes choses.

Mais si la Grèce fascine, elle inquiète aussi. Sa conquête n'a pas éradiqué le sentiment de supériorité des Grecs sur les Romains. Vaincus par les armes, les Grecs considèrent leurs nouveaux maîtres comme des lourdauds qui tentent maladroitement de les imiter. Les érudits, par exemple, ne citeront jamais un seul auteur romain dans leurs écrits. Il ne faut bien sûr pas interpréter ces faits comme une manière de résistance à un occupant, résistance qui tendrait dans l'absolu à reconquérir par les armes une indépendance territoriale et politique. Les Grecs se sentent citoyens romains et cette citoyenneté, ils le reconnaissent, leur apporte la paix, paix qu'ils étaient loin de connaître à l'époque des cités-états rivales et des incursions perses. Les Grecs, pragmatiques, acceptent l'occupant car il leur apporte une certaine sécurité, mais n'ont finalement que mépris pour ces étrangers mal dégrossis qui tentent de copier leurs usages.


Cet étrange couple – que Paul Veyne a baptisé du nom d'empire Gréco-Romain – va pourtant perdurer au fil des siècles jusqu'à la scission entre les empires d'Orient et d'Occident en 396. Cet empire romain d'Orient verra l'extinction de Rome en 476 et perdurera jusqu'en 1453, date à laquelle les ottomans mettront fin à la partie grecque de l'empire.
C'est au travers de différents sujets que Paul Veyne nous permet d'appréhender cette entité bicéphale que fut cet empire gréco-romain : comment se représentait-on la société dans la Grèce de Socrate ? Existait-il une classe moyenne dans l'Antiquité ? Quel était le statut de l'empereur ? L'art était-il destiné à la propagande ou seulement à exalter le faste de ses commanditaires ? Comment rendait-on hommage aux dieux et pourquoi ? Quelles étaient les réactions, dans l'antiquité païenne, puis chrétienne, face à la gladiature et aux jeux du cirque ? Pourquoi l'art gréco-romain a-t-il disparu ?
Au fil de ces différents thèmes, Paul Veyne dessine les contours d'une civilisation qui a profondément marqué notre Histoire et qui, aujourd'hui encore, influence nos manières de vivre, de penser et d'appréhender le monde qui nous entoure. Constitué de treize chapitres, cet ouvrage permet au lecteur contemporain de mieux cerner, par les divers thèmes abordés, quel regard posaient les hommes de l'antiquité sur le monde, la politique, la société, le sentiment religieux, la mort, l'art, le pouvoir... questions qui, malgré les siècles qui nous séparent de ces hommes et de ces femmes du passé, restent toujours au coeur de nos préoccupations les plus profondes.





Mosaïque romaine de Baalbek (Liban)

dimanche 5 octobre 2008

Pink's not dead !


"Le carrousel de l'amour" Barbara Cartland. Editions J'ai lu, 1991.

Traduit de l'anglais par Jacqueline Susini.


À vous qui allez lire ces lignes, si vous en avez le courage, je tiens tout d'abord à vous rassurer. Non, je ne suis pas devenu fou, ni atteint de sénilité (enfin, je crois...). La vérité, il faut que je l'avoue, c'est que j'ai été victime d'un odieux complot.
En effet, en avril dernier, les membres du forum « Parfum de livres... parfum d'ailleurs » se sont réunis pour quelques jours à Moulins (préfecture de l'Allier). Au cours d'un repas (délicieux et bien arrosé) servi au Grand Café, la gent féminine a posé comme défi aux membres masculins de cette livresque confrérie d'accomplir un acte des plus redoutables qui soient : lire un ouvrage de Barbara Cartland !

Je ne vous cache pas que face à cette menace, nous, les hommes, avons tous blêmi, nous regardant les uns les autres en nous demandant ce que nous étions venus faire dans cette galère et qui, d'entre nous, serait la première victime ?

Heureusement, je ne fus pas désigné ce soir là et je me fis très discret sur ce sujet dans les mois qui suivirent afin de ne pas attirer l'attention sur moi.

Peine perdue ! Un matin du mois d'août, le facteur déposa dans ma boîte aux lettres une petite enveloppe soigneusement cachetée. Je l'ouvris et, Ô rage, Ô désespoir! me trouvais en possession de l'un des 723 romans de la dame en rose, roman dont le titre : « Le carrousel de l'amour » me donna des sueurs froides.
Quant à la couverture dudit roman... je vous laisse juges.

J'eus beau tenter de retarder l'échéance, il fallut bien me résoudre à mon triste sort et c'est par un après-midi (pluvieux) de ce même mois d'août que, prenant mon courage à deux mains, j'ouvris cet effrayant objet de 157 pages. Volets et portes closes, à l'abri des regards moqueurs, honteux comme un adolescent feuilletant son premier Penthouse, je fis face à mon effroyable destin...

Je me retrouvai dans l'Angleterre du XIXème siècle, plus exactement dans la bibliothèque de Stephen Levington, marquis de Troon. Celui-ci s'entretient avec son ami, le capitaine Weyborne et lui annonce qu'il a « pris une décision d'une considérable importance » : il a décidé de se marier, mettant fin à la sulfureuse réputation qui l'entoure :
« C'était l'homme le plus séduisant de Londres depuis le départ de Lord Byron. Cependant, son expression empreinte de dureté et d'un certain cynisme l'empêchait d'apparaître comme l'égal d'un dieu grec, malgré les affirmations de certains. D'autres ne voyaient en lui qu'un débauché. Et il était vrai qu'il avait pour les femmes un regard sombre d'aventurier. »
Pourquoi cette subite décision ? Afin de contrer les sombres desseins de son jeune frère Lionel, acquis au parti radical et qui, (l'odieux personnage) envisage s'il hérite de la fortune de son aîné de donner les terres à de pauvres paysans (quelle honte!)
Le marquis de Troon souhaite donc, après avoir mené une vie de bâton de chaise, se marier et enfanter un héritier qui protègera les biens familiaux. Mais qui sera donc l'heureuse élue ? Son coeur penche pour Lady Dilys, mais son ami Weyborne l'en dissuade très vite : Dilys est une intrigante, et pour parler crûment, il n'y a que le train qui ne lui est pas passé dessus. D'ailleurs Weyborne l'avoue à son ami, lui aussi a profité des faveurs de Lady Dilys. Il va falloir trouver quelqu'un d'autre afin de supplanter cette Carla Bruni de l'époque victorienne.

Mais qu' importe! Le marquis de Troon a décidé d'enterrer sa vie de garçon et pour fêter cela, il décide d'organiser avec ses amis un steeple-chase nocturne où les cavaliers auront un bras attaché et un oeil bandé. Weyborne joue cettefois-ci encore le trouble-fête : l'épreuve est dangereuse pour les hommes et les chevaux. De plus, la décision d'inviter Sir Charles Lingfield à participer à cette épreuve semble déraisonnable. Le pauvre Sir Lingfield est quasiment un vieillard et ne résisterait pas à l'épreuve : il faut dire qu'il a atteint l'âge vénérable de ... quarante ans! Mais qu'à cela ne tienne ! Le marquis de Troon (quel boute-en-train!)proposera aux participants de rédiger leur testament avant de s'engager dans l'épreuve.
Et ce qui devait arriver arriva. Sir Charles Lingfield décède peu après le steeple-chase, victime d'une crise cardiaque. L'homme avait cependant rédigé son testament, conformément à la plaisanterie du marquis, et a fait de celui-ci le tuteur de sa fille : Valeta ( mais où BC allait-t-elle chercher des noms pareils ? ).
Evidemment, elle est belle (et blonde, de surcroît!):
« Dans son visage en forme de coeur, ses grands yeux gris étaient ourlés de longs cils noirs. Sa peau translucide évoquait une délicate porcelaine. Et ses cheveux d'un blond très clair captaient les reflets du soleil qui brillait sur les fleurs du jardin. »
Voilà un morceau de choix pour le marquis de Troon! Mais malheureusement pour lui, Valeta n'éprouve que de la haine pour ce débauché qui a été la cause de la mort de son père et qui de plus est devenu son tuteur.
Mais la haine laissera-t-elle place à l'amour ? Et Stephen Levington réussira-t-il à sauver Valeta, « exposée à un sort plus terrible que la mort »?


Si vous voulez en savoir plus, libre à vous de vous lancer dans la lecture du « Carrousel de l'amour ». Mais ne comptez pas sur moi pour vous raconter la suite. L'épreuve a été suffisamment pénible et il m'a fallu deux mois pour me remettre de cette lecture et en rédiger le commentaire. Car une fois le livre refermé je suis tombé dans un coma profond et j'ai frisé de peu la mort cérébrale. Réanimé de justesse, je garde encore de profondes séquelles et mes nuits sont peuplées de cauchemars dans lesquels une vieille dame vêtue de rose me poursuit dans les corridors d'un manoir anglais.
J'envisage actuellement de suivre une thérapie.
Mais je tiens quand même à vous rassurer, dans le cas où il vous viendrait l'idée saugrenue de tenter pareil défi : les romans de Barbara Cartland ne sont finalement pas plus dangereux (ni plus nuls, d'ailleurs) que ceux d'Alexandre Jardin, de Marc Lévy ou de Guillaume Musso. Ils ont au moins le mérite de ne pas prétendre être de la littérature, ce qui n'est pas le cas de certains de nos auteurs contemporains.
Mais je m'égare, le temps presse, et je dois vous quitter : je ne voudrais pas manquer « Les feux de l'amour » sur TF1.



mercredi 1 octobre 2008




"Il meurt à juste titre dans le déshonneur celui qui n'aime pas les livres et n'a pas confiance en eux."
(Anonyme - Le Roman de Renart)