samedi 28 juin 2008

Le Saviez-vous ? : Il y a de l'huile de moteur dans votre assiette !



On peut bien bouffer de l'huile de bagnole !




Rappelons brièvement les faits : La société Saipol, propriétaire de la marque Lesieur, et grossiste en huile, a acheté à vil prix un lot de 40 000 tonnes d'huile de tournesol ukrainienne. Exerçant son métier, cette société a revendu avec profit cette huile à d'autres multinationales de l'agroalimentaire.

Un contrôle a posteriori a mis en évidence la présence frauduleuse, dans ce lot, d'huile minérale destinée à la lubrification des moteurs.


Même s'il n'est pas établi que ce mélange peu ragoûtant soit méchamment toxique, eussions nous eu affaire à des gens responsables que ce lot eût immédiatement rejoint la seule destination qui lui seyait : la poubelle.
Que croyez-vous qu'il arriva ? Ces empoisonneurs dont l'avidité autant que la veulerie sont sans limite, ont néanmoins décidé d'utiliser sciemment cette huile pour composer leurs produits de merde.

Le pire, c'est qu'ils ont eu l'accord des autorités (françaises et européennes) qui ont décrété que tant que les produits n'en contenaient pas plus de 10%, personne ne devait tomber trop malade.

Ils ont 40000 tonnes à écouler, un peu plus de 5000 pour la seule France. Cela fait environ 100 grammes de saloperie par habitant à faire ingurgiter !
La Grèce, dont les autorités semblent moins irresponsables que les nôtres, vient de réagir et d'interdire l'utilisation de tous les lots depuis le 1er janvier.
Mais chez nous, dans nos hypermarchés, il y a donc en ce moment, des produits contaminés à l'huile de moteur ! C'est le Canard Enchaîné qui a révélé l'affaire il y a 2 semaines, avec des reprises le jour même dans la presse nationale. Puis plus rien, tout le monde s'en fout ?
La semaine dernière, le Canard a publié une liste des marques et des types de produits concernés. Aucune réaction cette fois.
Enfin hier, le Canard publie des notes internes de l'ANIA (Association Nationale des Industries Alimentaires), qui montrent l'envers du décor, comment les industriels vivent la crise, en chiant dans leur froc et priant que l'info ne soit pas reprise et que le temps efface rapidement cette histoire.
"Il a été décidé hier en réunion de crise à l'ANIA de ne pas répondre au Canard enchainé formellement. Un projet de communiqué de presse, préparé la semaine dernière, a été réactualisé. Le communiqué de presse ne sera pas diffusé en proactif. Nous attendons la prochaine parution du Canard Enchaîné et les éventuelles reprises par la presse pour réagir.
Par rapport à l'article de mercredi dernier, cette nouvelle parution n'apporte pas d'éléments clés supplémentaires et n'est pas à la Une du journal.
En revanche, de nombreuses marques sont citées, ainsi qu'une liste à la Prévert de nombreux produits incorporant de l'huile de tournesol, ce qui n'était pas le cas la semaine dernière mais que l'on craignait."

Ces gens là sont capables d'importer n'importe quelle denrée alimentaire de l'autre bout du monde, dans le seul but de gagner de l'argent. Ils n'ont plus la moindre emprise sur la 'traçabilité' des produits qu'ils achètent ainsi, qui peuvent être trafiqués, bourrés de pesticides ou de n'importe quelle autre merde. Et qu'ils ne viennent pas prétendre le contraire, puisque cette sombre affaire en fournit une preuve éclatante.
D'ailleurs un produit importé au prix le plus bas est une quasi certitude de mauvaise qualité doublée d'exploitation des humains qui ont servi à le produire, triplée d'une pression sur l'emploi et le salaire des salariés français.
Ce sont les mêmes qui vendent leurs produits au prix fort en geignant sur la hausse des matières premières, et nous gavent de pubs ineptes avec enfants blonds et mamans épanouies qui éprouvent un plaisir intense à bouffer leurs saloperies suremballées dans d'affriolants plastiques aux couleurs vives.


Comme on l'a vu, leur plus grande trouille est que le nom des marques s'ébruite, ce qui pourrait occasionner une baisse de leurs ventes et de leurs sacro-saints profits, qui les aveuglent à un point tel qu'ils sont capables pour cela d'empoisonner leurs clients sans remords.

Alors dénonçons les, ces sinistres pleutres ! Et vous camarades lecteurs, relayez l'information ! Selon vos moyens, parlez-en autour de vous, dans vos blogs, dans vos journaux, et surtout, CITEZ LES MARQUES, c'est de ça dont ils ont la trouille !

Les marques concernées, à boycotter d'urgence et durablement, sont les suivantes :

Lesieur, bien évidemment, puisque leur avidité est à l'origine du problème et toutes les marques du groupe :


Fruit d'or


Epi d'or


Frial


Isio 4


Oli


Carapelli


Saupiquet




Toutes les marques du groupe Unilever , par exemple :


Amora


Planta Fin


Maille


Knorr


Magnum


Miko


... tous les produits sont sur leur site


Les produits les plus susceptibles de contenir de l'huile empoisonnée sont les suivants :


Mayonnaise


Tarama


Sauce Béarnaise


Chips


Vinaigrette allégée


Surimi


Céleri Rémoulade


Soupe de poisson en conserve


Poisson pané


Paupiettes de veau


Thon et sardines à l'huile


Pates à tartiner chocolatées


Gaufrettes à la confiture


Barres céréalières et sucrées pour les enfants


Cookies...




Merci d'avance, et faites tourner !


Plus d'infos sur le site de : NaturaVox


dimanche 22 juin 2008

Nicotine







"Fume et tue" Antoine Laurain. Roman. Editions Le Passage, 2008



Fabrice Valantine, la cinquantaine, exerce l'activité de chasseur de têtes au sein de la société HBC Conseils. Fumeur invétéré, sa vie – jusqu'ici sans histoires – va être profondément bouleversée lorsque prendra effet en 2007 la loi anti-tabac qui interdit aux adeptes de la cigarette d'exercer leur vice sur leur lieu de travail. Pour lui, comme pour beaucoup d'autres, cette mesure gouvernementale est une atteinte à la liberté de chacun, un pas de plus vers une aseptisation de la société.

« Les doux vices – porte-jaretelles, champagne, volutes, cigares, blondes en guêpière ou en paquet de vingt – finissent sur le bitume, à côté des poubelles, avec l'Ētat dans le rôle du grand éboueur. Les cauchemars des auteurs de science-fiction sont les rêves de nos dirigeants : un monde dans lequel personne ne fume, personne ne boit, dans lequel tous les hommes sont des cadres dynamiques aux dents blanches et longues, dans lequel toutes les femmes sont souriantes, ont un métier épanouissant et 2,5 enfants chacune. Les lois morales pour le bien de tous construisent brique après brique un monde triste, uniforme, javellisé. »


Marié à la rédactrice en chef d'un magazine spécialisé dans l'art contemporain (et non-fumeuse), père d'une jeune fille d'une vingtaine d'années, Fabrice Valantine mène sa carrière avec brio, ce qui lui vaut l'estime de son patron, Hubert Beauchamps-Charelliers, fondateur de l'entreprise. La réussite professionnelle du couple se traduit par des dîners mondains et des inaugurations d'expositions d'art moderne, mode d'expression auquel Fabrice Valantine reste irrémédiablement hermétique. C'est au cours de l'un de ces dîners qu'il décide de sauter le pas, encouragé par sa femme : il va arrêter de fumer.

L'un des convives, un galeriste parisien, l'oriente vers un thérapeute qui saura le débarasser de son vice grâce à l'hypnose. Malgré une bonne dose de scepticisme, Fabrice Valantine va se rendre au cabinet de l'hypnotiseur et va pouvoir constater, à sa grande surprise, que la thérapie fonctionne. Il n'éprouve plus l'envie de fumer.
Fier et heureux de retrouver son indépendance, de n'avoir plus à déformer les poches de ses vestes avec les paquets de cigarettes et les briquets, de n'avoir plus à traverser Paris en pleine nuit pour rechercher un tabac ouvert quand le manque commence à se faire ressentir, Fabrice Valantine est à l'aube d'une nouvelle vie.
Cette nouvelle vie ne durera malheureusement que deux semaines. Lorsqu'il apprend la mort subite de son patron, Fabrice – profondément affecté par la disparition de Hubert Beauchamps-Charellier ainsi que par la décision du conseil d'administration d'élire à la tête du groupe un nouveau dirigeant, un jeune prodige aussi dynamique qu'antipathique – va chercher à se détendre en prenant une cigarette. Stupéfaction ! L'envie de fumer lui est revenue mais le plaisir éprouvé à griller une cigarette a complètement disparu. Que faire ? Retourner voir l'hypnotiseur. Malheureusement, quand il se rend au cabinet de celui-ci, il apprend que le thérapeute vient d'être incarcéré pour escroquerie et blanchiment d'argent. Comment faire, alors, pour vivre avec cette perpétuelle envie de fumer tout en sachant que le plaisir ne sera pas au rendez-vous ?

C'est un évenement fortuit qui va donner la réponse à Fabrice. Agressé sur un quai de métro par un zonard, il va malencontreusement provoquer la mort de celui-ci. Suite à cet épisode perturbant, il va allumer une cigarette et – Ô Miracle – constater que le plaisir est revenu !
Commettre un meurtre serait-il la seule solution lui permettant d'éprouver la volupté de déguster une cigarette ?

Mais peut-on devenir un assassin du jour au lendemain, cela pour la seule satisfaction de griller une cigarette et ressentir le frisson de la nicotine ?
À moins, évidemment, d'avoir quelques comptes à régler avec certaines personnes...
Et cela tombe très bien. Fabrice Valantine a justement dans son entourage quelques individus avec qui il souhaiterait en découdre...

Le deuxième ouvrage d'Antoine Laurain (après « Ailleurs si j'y suis », Prix Drouot 2007) nous offre un récit caustique et jubilatoire, un roman noir empreint d'humour et d'ironie qui jette un regard acerbe sur les travers de notre société contemporaine où l'hypocrisie des relations a pour corollaire la dictature de la bien-pensance et le mythe du bien-être.
Aussi addictif qu'une cigarette, « Fume et tue » est de ces romans qui ne se lâchent plus une fois que le lecteur en a entamé les premières pages, un récit captivant qui vous laissera à peine le temps de prendre une pause pour aller en griller une.





vendredi 20 juin 2008

Le 6ème Prix des Lecteurs du Télégramme : le résultat !






La nouvelle vient de me parvenir : le 6ème Prix des Lecteurs du Télégramme a été attribué à :


MARIE SIZUN
pour son roman "La femme de l'Allemand" publié aux éditions Arléa.




Félicitations à Marie Sizun pour ce très beau roman.

Il ne me reste plus qu'à filer ce soir au siège du Télégramme à Morlaix pour assister à la remise du Prix en présence de la lauréate, des partenaires, du comité de sélection et des lecteurs tirés au sort.

jeudi 19 juin 2008

Les Bégonias











"Nous vieillirons ensemble" Camille de Peretti. Roman. Editions Stock, 2008.


En ce dimanche 1er octobre, c'est une journée comme tant d'autres qui s'annonce à la maison de retraite des Bégonias, quelque part en région parisienne. Il est 9h00 du matin quand nous nous retrouvons à l'accueil, en compagnie d'un couple – Jean-François et Aline – venu se renseigner auprès du directeur de l'établissement des modalités d'inscription en prévision du placement de la mère de Jean-François.
Quelques instants plus tard, nous nous retrouvons dans la salle d'activités où sont réunies trois pensionnaires des Bégonias : Mme Alma, Mme Buissonette et Mme Barbier.

Mme Alma est au centre des préoccupations de ses deux comparses. Cette femme distinguée, âgée de quatre-vingt treize ans, est en effet très courtisée par les deux autres vieilles dames qui souhaitent s'accaparer son amitié. Entre Mme Buissonette et Mme Barbier, une rivalité s'est instaurée, attisée par Mme Buissonette, veuve d'un pasteur protestant, qui considère Mme Barbier, ancienne buraliste, comme une femme vulgaire et de peu d'éducation.

À quelques mètres de là, Alphonse Destroimaisons est déjà au chevet de sa femme Geneviève, surnommée « la Baronne » par les autres pensionnaires. Geneviève Destroimaisons, femme de la haute-bourgeoisie, est la moins âgée des résidents des Bégonias. Atteinte précocément de la maladie d'Alzheimer, elle ne reconnaît plus son mari et prend celui-ci pour l'un de ses multiples amants passés, ce qui fait le désespoir d'Alphonse qui n'avait jamais soupçonné les infidélités de sa femme avant que la maladie de celle-ci ne lui fasse révéler ses liaisons extra-conjugales.

Dans le patio, assise dans son fauteuil roulant,Nini, une vieille dame rebelle et maniaco-dépressive, attend avec impatience la visite de sa nièce Camille en espérant que la jeune femme lui aura apporté des cigarettes.
Robert Leboeuf, quant à lui, est secrètement amoureux de Thérèse Leduc et cherche le moyen le plus approprié de déclarer sa flamme à l'élue de son coeur.
Mr. Picard, alias « le capitaine Dreyfus » prépare avec minutie son évasion des Bégonias afin d'embarquer sur le premier bateau qui le mènera à l'autre bout du monde.

Mais les pensionnaires des Bégonias ne sont pas seuls à avoir des états d'âme. Le personnel, lui aussi, vaque à ses occupations en tentant de gérer tant bien que mal les petits tracas de la vie quotidienne.
Philippe Drouin, le directeur, célibataire et philatéliste, tente d'enrayer une invasion de fourmis dans la chapelle – où repose le corps de Mme Paradis, décédée la veille – avant que la famille de la défunte ne se présente.
Christiane, l'infirmière de jour, tente de faire le point sur sa liaison sans avenir avec Jean-Pierre Picard, le fils du capitaine Dreyfus.
Josy, l'auxiliaire de vie antillaise, use de sa bonne humeur pour consoler les uns et les autres.
Isabelle, la toute jeune infirmière de nuit, a, quant à elle, une grande nouvelle à annoncer à son petit ami Désiré.


C'est ainsi que nous allons suivre, tout au long de cette journée, en de multiples va-et vient et interactions, tous les personnages qui évoluent au rez-de-chaussée des Bégonias. Nous allons les suivre dans les chambres et les couloirs, apprendre à les connaître, nous immiscer dans leurs pensées, leurs espérances, leurs soucis, leurs souvenirs et leurs regrets, au cours de ce dimanche consacré aux visites des familles, à la messe télévisée du matin, au repas dominical et à la lenteur d'un après-midi qui n'en finit pas.

Sans sombrer un seul instant dans le pathos ou la caricature, le roman de Camille de Peretti est un petit chef-d-oeuvre d'humour et de tendresse. Avec talent, elle nous fait pénétrer dans l'intimité de ces multiples personnages attachants, drôles, graves aussi, mais avec une subtilité et une lucidité qui font de ce roman un émouvant et irrésistible moment de lecture.
Sous son aspect de roman fourre-tout où l'on semble déambuler au hasard des pièces et des couloirs, le texte de Camille de Peretti est en fait secrètement et habilement construit. Dans le « cahier des charges » qui se trouve en annexe du roman, on découvre que l'auteure s'est inspirée, pour charpenter son ouvrage, de la méthode utilisée par Georges Pérec pour construire ce fabuleux roman qu'est « La Vie, mode d'emploi », en utilisant des figures telles que la polygraphie du cavalier et le carré latin orthogonal. Nous sommes donc loin d'un texte plus ou moins improvisé et soumis au hasard des caprices de l'auteure mais en face d'un roman remarquablement bien construit et agencé, selon des normes rigoureuses, sans pour cela que cette construction transparaisse lourdement aux yeux du lecteur qui se laisse entraîner avec bonheur et émotion dans un récit passionnant et jubilatoire.
L'avis de Arsenik, et de Cathulu



" Tant que la lecture est pour nous l'initiatrice dont les clefs magiques nous ouvrent au fond de nous-mêmes la porte des demeures où nous n'aurions pas su pénétrer, son rôle dans notre vie est salutaire."


( Sur la lecture ) Marcel Proust

mardi 17 juin 2008

1er Prix Landerneau : "And the winner is..."


Voilà, ça y est ! Le Prix Landerneau, organisé par les libraires des Espaces Culturels Leclerc a été décerné aujourd'hui.

Huit auteurs avaient été sélectionnés, dont je rappelle les noms ci-dessous :


Joseph Bialot, Le jour où Albert Einstein s’est échappé, (Métailié, 2008)

Antoni Casas Ros, Le théorème d’Almodovar, (Gallimard, 2008)

Yasmine Char, La Main de Dieu, (Collection Blanche, Gallimard 2008)

Michèle Halberstadt, L’Incroyable Histoire de Mademoiselle Paradis,(Albin Michel, 2008)

Antoine Laurain, Fume et tue, (Le Passage, 2008)

Véronique Ovaldé, Et mon coeur transparent, (L’Olivier, 2008)

Camille de Peretti, Nous vieillirons ensemble (Stock, 2008)

Claire Wolniewicz, Le temps d’une chute, (Viviane Hamy, 2008)


Après délibération du jury présidé par Jean Rouaud, le Prix Landerneau a été attribué à ...


(roulements de tambours)





Je me réjouis de cette nomination car le roman de Yasmine Char (dont je viens tout juste d'achever la lecture) est un pur moment de grâce, une oeuvre forte et émouvante qui mérite amplement l'attention du public.

Je parlerais plus longuement de ce roman dans les prochains jours, mais en attendant, je félicite le jury d'avoir fait un si beau choix.

Ghost for sale







"Le Costume du Mort" Joe Hill. Roman. Editions Jean-Claude Lattès, 2008.



Traduit de l'américain par Valérie Rosier.



Justin Cowzynski, alias Judas Coyne, cinquante-quatre ans, est une star vieillissante de la scène Heavy Metal. Retiré dans sa ferme de l'état de New-York, il occupe son temps à composer de nouveaux titres pour un futur album et partage son habitation avec son agent Danny Wootten et sa petite amie du moment, Georgia.
Jude est un collectionneur. Il collectionne les groupies avec qui il vit quelques temps et qu'il baptise selon l'état dont elles sont originaires. Mais comme tout amateur de Hard-Rock, il est attiré par les objets morbides. Ainsi, sa collection recèle le crâne d'un paysan trépané au XVIème siècle pour en faire fuir les démons, des dessins réalisés par un serial-killer célèbre, la confession d'une sorcière du XVIIème siècle, un noeud coulant qui servit à pendre un homme en Angleterre au début du XXème siècle, un échiquier ayant appartenu à Aleister Crowley, ainsi qu'un Snuff-Movie mettant en scène l'assassinat d'un couple de jeunes gens.

Aussi, quand une annonce sur un site d'enchères du web lui propose de faire l'acquisition du dernier costume d'un homme mort, ainsi que du fantôme qui l'accompagne, Jude n'hésite pas une seconde. Un fantôme serait sans nul doute la pièce maîtresse de sa collection !
La transaction s'accomplit et quelques jours plus tard, enveloppé dans une boîte noire en forme de coeur, le costume du mort lui est livré.
Mais ce qui se présentait au départ comme une fantaisie peu crédible va très rapidement tourner au cauchemar. Le costume est effectivement accompagné d'un fantôme, celui d'un vieil homme adepte du spiritisme : Craddock James Mc Dermott.
Bien loin d'être un esprit inoffensif, le fantôme de Craddock semble n'avoir qu'un seul but : éliminer Jude et ses proches. Quels sont les motifs secrets qui poussent cet homme mort à désirer la mort de ses nouveaux hôtes. Il semblerait qu'il soit animé par un sentiment de vengeance et Jude aura toutes les peines du monde à comprendre pourquoi l'esprit de ce vieil homme souhaite le pousser, lui, Georgia et Danny, vers une mort atroce.

Qui se cache derrière Craddock James Mc Dermott ? Quelles sont les raisons de cette vengeance aveugle d'un fantôme déterminé à tuer par tous les moyens mis à sa disposition ?
Pour Jude et Georgia commence alors une longue fuite qui les mènera jusqu'en Floride et en Louisiane afin de comprendre les motivations du fantôme qui ne cesse de les talonner et de tenter de les assassiner.

Road-movie surnaturel et sanguinolent, bercé par les standards du Heavy-Metal, « Le costume du mort » est de ces thrillers américains qui se lisent d'une traite, sans temps mort. L'amateur de Stephen King que je suis salivait d'avance à la vue de ce roman dans l'idée de découvrir en celui-ci quelque chose de nouveau dans la littérature spécialisée dans les romans de terreur. Ayant refermé ce livre, j'ai eu l'impression d'avoir regardé un bon film de série B, où tout n'est pas à jeter mais où il manque quand même l'étincelle qui fait vibrer le lecteur et le transporte dans un univers inquiétant. Bien sûr, les références sont nombreuses, on pense immédiatement à « Shining » à « Ça » et à « Christine » de Stephen King, mais aussi à des films tels que « Duel » de Steven Spielberg ainsi qu'à « La Nuit du Chasseur » de Charles Laughton où le personnage inquiétant de Craddock évoque le révérend Harry Powell, magistralement interprété par Robert Mitchum.

Bref, c'est efficace, ça tient la route, mais je n'ai pas éprouvé le grand frisson auquel je m'attendais.
Peut-être est-ce du à mon manque d'empathie envers le personnage principal (je suis allergique au Heavy-Metal) ou plus simplement au fait que je crois avoir plus à craindre des vivants que des morts.
Mais tout ceci n'est que mon humble avis et « Le costume du mort » ravira, j'en suis sûr, toutes celles et tous ceux qui voudront s'offrir lors des prochaines vacances une bonne séance de lecture sur la plage.



La Caverne




"QUINZINZINZILI" Régis Messac. Roman. Editions de l'Arbre vengeur, 2008.





Qui, de nos jours, connaît encore cet auteur atypique que fut Régis Messac ?
Né en Charente-Maritime en 1893, fils d'instituteur, il deviendra à son tour enseignant après avoir été blessé d'une balle dans la tête lors de la première guerre mondiale.
De 1923 à 1929, il s'expatrie d'abord en Grande-Bretagne puis au Canada où il occupe un poste de progfesseur à l'Université Mc Gill de Montreal.
De retour en France, il devient chroniqueur pour de nombreuses revues littéraires, syndicales et pacifistes. C'est au cours des années 30 qu'il crée la revue « les Hypermondes » où il met en avant un genre littéraire jusqu'ici boudé par le public : la Science-Fiction.
Car Régis messac est un précurseur; déjà, en 1929 il soutient une thèse sur « le Detective Novel » et l'influence de la pensée scientifique qui mettra en avant – avec le succès qu'elle connaît depuis – la littérature policière.
Mais ses réflexions anti-conformistes (pour l'époque) sur la pédagogie lui vaudront d'être écarté du monde de l'enseignement après qu'il ait signé en 1933 un pamphlet intitulé « A bas le latin! »
Désormais marginalisé, Régis Messac va se consacrer à l'écriture, notamment de romans de science-fiction dans lesquels transparaît son pessimisme radical sur l'avenir de l'espèce humaine avec « Quinzinzinzili », « La Cité des Asphyxiés » et « Valcrétin », roman posthume dans lequel s'exprime le constat qu'il dresse de la société de son époque: « Où est le bonheur ? Dans l'accord avec son milieu. Si nous vivons parmi les Crétins, soyons crétins. » Constat qui est hélas! aujourd'hui encore d'actualité puisque Martin Page en a décliné le thème il y a quelques années avec son roman « Comment je suis devenu stupide. »

Lorsque l'Allemagne envahit la France en 1940, Messac l'insoumis, le pacifiste, l'ennemi de toutes les dictatures, qu'elles soient politiques, religieuses ou culturelles, participe à un réseau visant à faire évader des jeunes enrôlés de force pour le S.T.O. De plus en plus investi dans la Résistance, il est arrêté le 10 mai 1943 à Coutances.
Condamné par un tribunal militaire, il est incarcéré à Fresnes puis au camp de Struthof (Alsace) avant d'être déporté en Silésie et en dernier lieu dans le camp de concentration de Gross-Rosen. On suppose qu'il a été déplacé au cours des « marches de la mort » en 1945 vers le camp de Dora puis vers Bergen-Belsen.
La date de sa dispartition a été fixée au 15 mai 1945.

Dans « Quinzinzinzili », roman de science-fiction apocalyptique écrit en 1935, Régis Messac prévoit déjà la catastrophe que sera la seconde guerre mondiale ainsi que l'invention et l'utilisation d'armes de destruction massive quinze ans avant que la première bombe atomique ne ravage la ville d'Hiroshima.
Les causes de la guerre imaginée par Régis Messac ne sont bien évidemment pas celles qui ont effectivement entraîné le monde dans un conflit meurtrier qui durera six ans. Messac imagine que le Japon met le feu aux poudres en envahissant la Chine. Les grandes puissances : Russie, Allemagne, France, Royaume-Uni, Etats-Unis, choisissent leur camp et c'est très rapidement l'escalade.
Cette guerre, commencée de manière conventionnelle, prendra un tour nouveau avec la mise au point d'une arme absolue réalisée par un scientifique japonais, une sorte de super-bombe qui décompose l'atmosphère, la rend irrespirable, et élimine ainsi tous les êtres vivants se trouvant à proximité.

Le narrateur, Gérard Dumaurier, est précepteur des deux enfants d'un homme d'affaires enrichi par le commerce des armes. Au moment où l'apocalypse est sur le point de se déclencher, Dumaurier et ses deux élèves se trouvent en Lozère dans un sanatorium, le cadet des deux frères étant légèrement atteint de tuberculose. Parti en excursion en compagnie de ses protégés ainsi qu'avec cinq autres garçons et une petite fille, Dumaurier décide d'explorer une grotte à flanc de colline.
Alors que tous s'amusent à visiter la caverne dans une joyeus insouciance, un grondement soudain venu du dehors attire leur attention. Ce qu'ils croient être un banal orage est en fait la catastrophe annoncée. Partout, de par le monde, les super-bombes ont explosé et ont ravagé la surface de la Terre, ne laissant pour seuls survivants que cette poignée d'enfants accompagnés d'un seul adulte.

Dumaurier, à l'instar de l'auteur, n'espère rien de la capacité de la race humaine à corriger ses défauts et à construire un monde meilleur que celui qui vient d'être anéanti. Il va donc se poser en observateur et étudier cette horde d'enfants livrés à eux-mêmes. Il va très rapidement constater que cet embryon de société va reproduire les tares et les excès de l'humanité disparue. Redevenus sauvages, les enfants vont réinventer un langage sommaire, une sorte de babil enfantin où le vocabulaire est déformé et simplifié à l'extrême. Ils vont se créer un dieu tout-puissant : « Quinzinzinzili », déformation de « Pater Noster / Qui es in coelis » mais aussi – ce qui est plus grave encore – la domination des plus forts sur les plus faibles, l'intimidation de l'autre par le biais de la violence et enfin le meurtre et le viol sur la personne de la seule fillette rescapée.
Profondément dégoûté par cette attitude, Dumaurier se dénommera désormais Eskhatos (d'après le mot d'origine grecque Eschatologie), « l'homme final, le dernier. »
Consignant ses mémoires dans un vieux carnet, Dumaurier/Eskhatos va décrire cette plongée dans la barbarie, observant ces enfants qui reproduisent à leur échelle les comportements qui ont conduit l'humanité vers son extinction.

D'un pessimisme effrayant, le roman de Régis Messac laisse peu d'espoir sur la capacité de l'être humain à se défaire de ses tares, condamné à reproduire indéfiniment les mêmes comportements brutaux et sordides. Entre « Ravage » de Barjavel et « Sa majesté des mouches » de Golding, « Quinzinzinzili » s'inscrit dans cette lignée de romans qui nous présentent des contre-utopies et jettent un regard désabusé sur la capacité de l'espèce humaine à trouver une quelconque forme de rédemption.
En cela, Régis Messac ne se sera pas trompé, lui qui disparaîtra en 1945, victime de la folie meurtrière de ses frères humains.




lundi 16 juin 2008

Les liaisons dangereuses




"Inconnu à cette adresse" Kressmann Taylor. Nouvelle. Editions Autrement, 2001.


Traduit de l'américain par Michèle Lévy-Bram.





Le genre littéraire qu'est la nouvelle, marginalisé en France, a acquis outre-Atlantique ses lettres de noblesse depuis bien longtemps déjà avec des auteurs tels que Washington Irving ou plus près de nous J.D. Salinger et Hubert Selby Jr.


Ces courts récits que sont les nouvelles ont parfois une portée et un impact bien supérieur au roman par leur concision et l'extrême concentration du discours qui, réduite à l'essentiel, apporte au propos une énergie et un rythme décuplés par rapport à une écriture romanesque qui peut se donner le temps de la digression et s'offrir grâce à cela une plus grande complexité du tissu narratif.
La nouvelle se doit d'être percutante à tous points de vue, que ce soit au niveau de la forme ou au niveau du fond. Le genre n'admet pas la dilution du récit dans toute une série d'effets littéraires destinés à poser le décor ou à décrire la psychologie des personnages ainsi que leurs motivations. Pourtant, il serait fallacieux de penser que ce genre littéraire se présente comme le parent pauvre de la littérature, un sous-groupe qui se confinerait dans une sorte de simplisme à l'usage de lecteurs pressés et peu regardants quant à la qualité de ce qu'ils lisent. Car la grande force de la nouvelle, c'est qu'elle va à l'essentiel et qu'elle ne s'embarrasse pas de fioritures pour exprimer ce qu'elle détient.

Il en est ainsi de la nouvelle écrite par Kressmann Taylor en 1938, une nouvelle qui, par sa forme, appartient également au genre de la littérature épistolaire. Ce récit d'à peine soixante pages se présente en effet sous la forme d'une correspondance entre deux amis, deux marchands de tableaux. L'un est juif américain, l'autre est Allemand. En ce début des années 30, Martin Schulse décide de rentrer en Allemagne afin de renouer avec son pays d'origine et faire connaître à ses enfants le pays qu'il a quitté pendant plusieurs années afin de mener ses affaires aux Etats-Unis. Mais nous sommes en 1933 et le 28 janvier Adolf Hitler devient chancelier. Martin Schulse ne semble pas inquiet de ce qui se prépare dans cette Allemagne dont il espère qu'elle redressera enfin la tête après l'humiliation du Traîté de Versailles. Max Eisenstein, lui, ne peut cacher son inquiétude face aux rumeurs qui circulent à propos de la brutalité et de la montée de l'anti-sémitisme qui sévit et semble s'aggraver de jour en jour dans cette lointaine Allemagne où est reparti son meilleur ami.

Très vite, entre les deux hommes une fracture va se creuser. Martin Schulse est de plus en plus convaincu des bienfaits du national-socialisme sur la société allemande et ne va pas tarder, à l'instar de nombre de ses compatriotes, à trouver chez la population juive le bouc émissaire idéal. Effaré par ce revirement – Martin n'a-t-il pas failli épouser sa jeune soeur Griselle? – Max Eisenstein va tenter de raisonner son ami au nom de leur indéfectible amitié. Peine perdue, il sera éconduit par celui envers qui il avait accordé toute sa confiance, cet ami qui aujourd'hui lui reproche sa judéité. Le lien sera non seulement rompu entre les deux hommes mais l'horreur viendra s'ajouter à cette rupture quand Schulse commettra un acte où s'exprimeront toute la haine et la lâcheté d'un homme acquis aux sinistres préceptes du nazisme.
Devant tant de bassesse et de barbarie, Max Eisenstein, ulcéré, révolté par la conduite de celui qu'il avait jusqu'alors considéré comme un frère, va se décider à exercer sa vengeance et à punir celui qui a trahi avec tant de cruauté la confiance qu'il lui avait accordée. Pour s'opposer à l'intolérance et à la haine, il va user des propres armes de celles-ci afin de faire éprouver à Schulse toute l'horreur de son comportement.
Max Eisenstein n'aura que ses mots comme seules armes, mais il sait que les mots peuvent s'avérer plus redoutables encore que les fusils.

Au travers d'un échange de correspondance composé de dix-huit lettres et d'un cablogramme, échangés entre le 12 novembre 1932 et le 3 mars 1934, Kressmann Taylor réussit la gageure de nous faire ressentir toute l'abjection d'une époque par l'entremise d'une amitié qui se délite et se se mue en une détestation. Sentiment de haine qui ne trouvera sa conclusion que par la disparition de l'un des deux correspondants.

Derrière cette histoire de deux hommes, c'est toute la grande Histoire qui transparaît en filigrane, l'Histoire d'une époque où l'intolérance et la haine raciales ont été portées jusqu'à leur comble, à savoir la destruction quasi-industrielle de six millions d'êtres humains. Cette nouvelle qui, rappelons-le, a été écrite en 1938, portait déjà en elle un aspect visionnaire pour avoir su, avec une talentueuse économie de moyens, prédire et dénoncer la catastrophe qui était en train de s'abattre sur la vieille Europe.

D'une sobriété et d'une efficacité en tous points remarquables, le texte de Kressmann Taylor est de ces oeuvres qui font date, de ces oeuvres d'une portée universelle qui recentrent le lecteur vers les noirceurs et les abimes de l'âme humaine afin de l'exhorter à ne pas négliger les principes de tolérance et de fraternité qui sont les plus sûrs antidotes que l'homme ait à sa disposition pour contrer les assauts de la barbarie.




Walem Olum ("Chronique de la Migration")




"Heq - le chant pour celui qui désire vivre" Jørn Riel. Roman. Gaïa Editions, 1995


Traduit du danois par Inès Jorgensen.





Il y a plus de vingt mille ans, des peuplades de chasseurs originaires de Sibérie qui suivaient vers l'est le gibier, franchirent un pont de terre émergée suite à une baisse du niveau des océans. Ce pont de terre – aujourd'hui connu comme étant le détroit de Béring – permit à ces chasseurs d'investir un nouveau et immense territoire de chasse : le continent américain.
Quelques milliers d'années plus tard, ces peuplades auront essaimé de l'extrême-Nord jusqu'aux confins de la Patagonie, formant une mosaïque de peuples et de civilisations d'une extraordinaire diversité ayant réussi à s'adapter aussi bien aux grands froids polaires qu'aux touffeurs des forêts équatoriales.
C'est dans les régions polaires de l'Alaska et du grand Nord canadien que se déroule le roman de Jørn Riel, aux alentours de 500 av. J.C.

Alors que dans une autre partie du monde les romains chassent du pouvoir le dernier roi étrusque Tarquin le Superbe et fondent la République romaine et qu'en Ionie les villes grecques se révoltent contre l'empire Perse de Darius 1er, les peuples de l'Arctique, descendants de ces chasseurs qui franchirent le détroit de Béring, vivent toujours à l'âge du Néolithique.

Pourtant, ici comme ailleurs, les passions humaines sont semblables : on convoite les biens de son prochain, on se jalouse, on assassine, on se venge. Ici bien sûr, ce n'est pas la guerre de Troie : on règle les différends à coups de harpon et la guerre ne met en scène tout au plus que quelques dizaines d'intervenants.
Mais on retrouve dans ces confins glacés les mêmes préoccupations que celles qui animeront l'ensemble de l'humanité, toutes époques confondues, à savoir les conflits de territoires, la lutte pour la possession de richesses (ici, la nourriture et les femmes), et surtout cette irrépressible envie d'aller toujours plus loin, voir si le monde est meilleur au bout de la route, si le gibier y est plus abondant, si les habitants ne s'avéreront pas hostiles, si le climat y sera plus clément, éléments qui permettront au groupe de survivre et surtout de se multiplier.

Le récit de Jørn Riel débute sur les rivages de ce détroit de Béring, tête de pont de la dissémination des groupes humains sur l'ensemble du continent américain. Ici vit le grand chaman et chasseur Heq, au camp de Nunavik. Les membres de la communauté vivent dans une certaine opulence, le gibier est abondant et les chasseurs sont adroits. Shanuq, la fille de Heq, n'a jamais connu la faim, et la richesse du clan attire bien des convoitises. Ce seront les « Itqillits » ( les indiens) qui donneront l'assaut. Heq sera tué en défendant sa famille et Shanuq sera enlevée par les indiens Kutchin qui l'emmèneront vers le Sud où elle deviendra l'une des femmes du chef Shapokee. De cette union naîtra un fils. Shapokee l'appellera Haeto, « Celui qui mène » mais pour Shanuq il sera Heq, comme son grand-père.
L'histoire souvent se répète et Shanuq sera de nouveau enlevée, cette fois par des indiens Cree. Elle leur échappera et après un terrible périple dans les solitudes glacées avec son enfant en bas-âge, elle trouvera refuge dans la communauté inuit de Nunaqtyak. Elle s'y trouvera un pourvoyeur (un mari) avec qui elle enfantera le demi-frère de Heq : Tyakutyik, ainsi que sa demi-soeur Pukiq.
Shanuq verra grandir ses enfants au cours des années. Heq, comme son grand-père, deviendra un habile chasseur et Tyakutyik, l'homme-femme, l'homme à la double nature, deviendra le pourvoyeur de Tewee-Soo, une Itqillit enlevée de sa tribu par les indiens Kutchin et recueillie par Heq.
Ainsi Shanuq verra-t-elle sa famille s'agrandir et ses enfants lui donner des petits-enfants. Mais le destin du groupe sera encore une fois de prendre la route vers d'autres cieux en quête de gibier. La migration de Heq, de Shanuq, de Tyakutyik les mènera vers un autre territoire jusqu'alors inconnu : le Groënland.


C'est cette traversée du continent américain d'Ouest en Est, du détroit de Béring vers le Groënland, que nous conte Jørn Riel dans cette épopée arctique, le récit de la colonisation d'immenses territoires hostiles par quelques groupes humains adaptés aux conditions de vie extrêmes qui sévissent sous ces latitudes. Et c'est bien d'une épopée dont il s'agit, avec ses guerres, ses meurtres, ses vengeances, ses luttes contre une nature sauvage et impitoyable. Nous suivrons ainsi Heq le chasseur, à la poursuite de sa vision de l'ours noir, animal fabuleux aperçu lors d'une transe chamanique et qui scellera son destin après que le groupe ait enfin atteint les vastes étendues glacées du Groënland, havre de paix et terre riche en gibier de toutes sortes.
C'est à cet endroit même que, plus de mille ans plus tard, un autre chasseur, Arluk, fera la rencontre d'une peuplade inconnue, des hommes aux cheveux jaunes et à la figure couverte de poils, naviguant dans de grands bateaux : les scandinaves.
Mais cela, c'est une autre histoire...




jeudi 12 juin 2008

Le naufrage annoncé du "Bateau-Livre"


C'est avec une grande consternation que j'ai reçu hier ce message en provenance du Cabinet de Curiosités d'Eric Poindron. En voici la teneur :


« Il faut s’entraider, c’est la loi de la Nature. » Jean de la Fontaine
« Je n'ai jamais eu de chagrin qu'une heure de « Bateau-livre » n'ait dissipé. » Anonyme.


Reçu hier cette lettre de Frédéric Ferney animateur du « Bateau–Livre » sur France 5. Je vous laisse juge de réagir et surtout de soutenir cette belle cause....
N'hésitez pas à laisser vos commentaires et vos messages de soutien que nous ferons parvenir à Frédéric Ferney.
Une émission littéraire qui disparaît, contrairement au train, n'en cache pas forcément une autre. Alors restons vigilants et continuons de soutenir ceux qui donnent envie de lire ailleurs que sur les autoroutes culturelles...
MERCI DE RELAYER L’INFORMATION ET DE LAISSER UN MESSAGE SUR CE BLOG :
http://blog.france3.fr/cabinet-de-curiosites
Votre dévoué, Eric Poindron

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Paris, le 4 juin 2008
Monsieur le Président et cher Nicolas Sarkozy,

La direction de France-Télévisions vient de m’annoncer que « Le Bateau-Livre », l’émission littéraire que j’anime sur France 5 depuis février 1996, est supprimée de la grille de rentrée. Aucune explication ne m’a encore été donnée.
Si j’ose vous écrire, c’est que l’enjeu de cette décision dépasse mon cas personnel. C’est aussi par fidélité à la mémoire d’un ami commun : Jean-Michel Gaillard, qui a été pour moi jusqu’à sa mort un proche conseiller et qui a été aussi le vôtre.
Jean-Michel, qui a entre autres dirigé Antenne 2, était un homme courageux et lucide. Il pensait que le service public faisait fausse route en imitant les modèles de la télévision commerciale et en voulant rivaliser avec eux. Il aimait à citer cette prédiction : « Ils vendront jusqu’à la corde qui servira à les pendre » et s’amusait qu’elle soit si actuelle, étant de Karl Marx. Nous avions en tous cas la même conviction : si l’audience est un résultat, ce n’est pas un objectif. Pas le seul en tous cas, pas à n’importe quel prix. Pas plus que le succès d’un écrivain ne se limite au nombre de livres vendus, ni celui d’un chef d’état aux sondages qui lui sont favorables.
La culture qui, en France, forme un lien plus solide que la race ou la religion, est en crise. Le service public doit répondre à cette crise qui menace la démocratie. C’est pourquoi, moi qui n’ai pas voté pour vous, j’ai aimé votre discours radical sur la nécessaire redéfinition des missions du service public, lors de l’installation de la « Commission Copé ».
Avec Jean-Michel Gaillard, nous pensions qu’une émission littéraire ne doit pas être un numéro de cirque : il faut à la fois respecter les auteurs et plaire au public ; il faut informer et instruire, transmettre des plaisirs et des valeurs, sans exclure personne, notamment les plus jeunes. Je le pense toujours. Si la télévision s’adresse à tout le monde, pourquoi faudrait-il renoncer à cette exigence et abandonner les téléspectateurs les plus ardents parce qu’ils sont minoritaires? Mon ambition : faire découvrir de nouveaux auteurs en leur donnant la parole. Notre combat, car c’en est un : ne pas céder à la facilité du divertissement pur et du ''people''. (Un écrivain ne se réduit pas à son personnage). Eviter la parodie et le style guignol qui prolifèrent. Donner l’envie de lire, car rien n’est plus utile à l’accomplissement de l’individu et du citoyen.
Certains m’accusent d’être trop élitaire. J’assume : « Elitaire pour tous ». Une valeur, ce n’est pas ce qui est ; c’est ce qui doit être. Cela signifie qu’on est prêt à se battre pour la défendre sans être sûr de gagner : seul le combat existe. La télévision publique est-elle encore le lieu de ce combat ? Y a-t-il encore une place pour la littérature à l’antenne ? Ou bien sommes-nous condamnés à ces émissions dites « culturelles » où le livre n’est qu’un prétexte et un alibi ? C’est la question qui est posée aujourd’hui et que je vous pose, Monsieur le Président.
Beaucoup de gens pensent que ce combat est désespéré. Peut-être. Ce n’est pas une raison pour ne pas le mener avec courage jusqu’au bout, à rebours de la mode du temps et sans céder à la dictature de l’audimat. Est-ce encore possible sur France-Télévisions ?
En espérant que j’aurai réussi à vous alerter sur une question qui encore une fois excède largement celle de mon avenir personnel, et en sachant que nous sommes à la veille de grands bouleversements, je vous prie de recevoir, Monsieur le Président, l’assurance de mon profond respect.
Frédéric Ferney
P.S. « Le Bateau-Livre » réunit environ 180 000 fidèles qui sont devant leur poste le dimanche matin à 8h45 ( ! ) sur France 5, sans compter les audiences du câble, de l’ADSL et de la TNT ( le jeudi soir) ni celles des rediffusions sur TV5. C’est aussi l’une des émissions les moins chères du PAF.
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POUR EN APPRENDRE D’AVANTAGE, MERCI DE LAISSER UN MESSAGE DE SOUTIEN SUR
LE BLOG DE ERIC POINDRON
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mardi 10 juin 2008

La Veuve

"Les 76 jours de Marie-Antoinette à la Conciergerie" Paul Belaiche-Daninos.
Roman. Actes Sud, 2006.


Tome I : "La conjuration de l'Oeillet"

Tome II : "Un procès en infamie"









Le vendredi 2 août 1793 à trois heures du matin, le personnel de la prison de la Conciergerie est sur le pied de guerre. Il faut dire que la prisonnière qui va bientôt faire son entrée sous les voûtes de l'ancien palais des rois de France (de Hugues Capet à Charles V, qui s'installera au Louvre suite aux émeutes menées par Etienne Marcel en 1358) n'est autre que celle que l'on désigne maintenant sous l'appellation de la veuve Capet : Marie-Antoinette, dernière Reine de France.

Détenue à la prison du Temple en compagnie de ses enfants depuis le 11 août 1792, la Reine a d'abord vu sous ses fenêtres, lors des massacres de septembre, le peuple brandir au bout d'une pique la tête de son amie la Princesse de Lamballe, tandis que ses viscères et ses parties intimes étaient promenées de par les rues par une foule en délire. C'est aussi au Temple qu'on lui enlèvera la garde de son fils, confié au cordonnier Simon, personnage brutal, pervers et alcoolique. C'est dans ce même lieu qu'elle verra partir pour l'échafaud son époux, le Roi Louis XVI le 21 janvier 1793.

La décision de transférer Marie-Antoinette de la prison du Temple à celle de la Conciergerie est l'initiative de Robespierre qui, face aux rébellions des royalistes vendéens et surtout à la progression des armées autrichiennes, décide d'exercer un chantage sur l'Empereur François II. Car être détenu à la Conciergerie signifie comparaître devant le Tribunal Révolutionnaire, ce qui équivaut à une condamnation à mort.
En menaçant de mort la reine de France, tante de l'empereur François II, Robespierre espère obtenir rapidement la paix avec les Autrichiens, ce qui lui laissera le temps d'assurer son emprise sur la République et d'éliminer les ennemis de l'intérieur en accentuant la Terreur.
Mais, devant le peu d'empressement des Autrichiens à cesser les hostilités, Maximilien Robespierre va devoir changer son fusil d'épaule. Afin d'intensifier sa politique d'épuration de la société française et de calmer l'opinion publique, quoi de mieux que d'inaugurer cette reprise en main par le procès public de la Reine Marie-Antoinette, procès qui devra être instruit rapidement car il serait dommage que l'accusée, dont la santé s'amenuise de jour en jour, meure avant de comparaître devant le Tribunal Révolutionnaire.

Marie-Antoinette sera donc incarcérée à la Conciergerie, la prison la plus sinistre du Régime. Ici sont détenus dans des conditions inhumaines ceux qui sont appelés à périr tôt ou tard sur l'échafaud : nobles, mais aussi gens du peuple ayant osé critiquer le Régime, généraux républicains vaincus par les troupes royalistes et condamnés à mort pour avoir échoué dans leur stratégie, etc...

La Reine Marie-Antoinette va donc se retrouver au cachot, surveillée jour et nuit par des gendarmes, présence qui laissera à celle-ci peu de place à l'intimité.
Deux hommes en particulier vont tenter de sortir la reine de cet enfer. C'est d'abord le baron Jean de Batz, qui mettra en jeu des sommes d'argent colossales afin d'acheter et de corrompre le plus grand nombre possible des membres de la Convention. Son but, dresser les Conventionnels les uns contre les autres afin de faire capoter le Régime et de le ridiculiser aux yeux du peuple. Mais cet argent dont dispose le baron sera aussi destiné à fomenter la Conjuration de l'Oeillet, projet destiné à faire évader Marie-Antoinette de la Conciergerie.
Afin de mener à bien ce projet d'évasion, de Batz va s'adjoindre l'intrépide Chevalier de Rougeville (personnage dont s'inspirera Alexandre Dumas pour « Le Chevalier de maison-Rouge ») ainsi que quelques personnages issus du peuple dont Jean-Baptiste Basset et les époux Lemille, royalistes convaincus. C'est l'organisation et la mise en oeuvre de cette « conjuration de l'Oeillet » (qui faillit bien réussir) qui constitue l'ensemble du tome 1.










Le cachot de Marie-Antoinette à la Conciergerie. Gravure de l'époque







Le deuxième tome de ce roman : « Un procès en infamie » s'articule autour de la deuxième tentative des royalistes – la conjuration de l'Oeillet ayant échoué – pour libérer la Reine. Cette fois-ci, le temps est compté, l'heure du procès approche et il est devenu impossible – suite à la première tentative d'évasion – de faire sortir Marie-Antoinette de la Conciergerie. Le baron de Batz échafaude alors le projet de faire transférer la Reine, dont la santé s'aggrave de jour en jour, vers l'Hospice National de l'Archevêché sur l'île de la Cité. De là, il sera plus aisé pour de Batz et ses complices de faire évader la Reine.
L'Hospice National de l'Archevêché est un hospice-prison. Ici sont détenues de nombreuses femmes enceintes dont on attend le jour de l'accouchement pour ensuite les mener à la guillotine. Le complot s'élabore minutieusement mais cette fois encore les conjurés joueront de malchance et la tentative d'évasion échouera cette fois encore.

Pendant ce temps, Robespierre et le Comité de Salut Public affinent leur stratégie pour mener à bien le procès de la Reine. Ne disposant d'aucun élément à charge contre l'accusée, ils vont lui faire endosser le même acte d'accusation, que celui utilisé quelques mois plus tôt contre Louis XVI. La Reine ne disposera pour sa défense que de deux avocats commis d'office qui n'auront que vingt-quatre heures pour affiner leur plaidoirie.

Un seul membre du Comité de Salut Public osera s'élever contre cette parodie de procès : Jacques-Alexis Thuriot de la Rozière (qui vota pourtant la mort de Louis XVI), député de la Marne et ami de Danton :

« -Vous m'aviez bien dit qu'Antoinette bénéficierait de la journée du 13 octobre pour organiser sa défense, n'est-ce-pas ? Vous accordez donc généreusement vingt-quatre heures à ses avocats pour la préparer ? Sur un ton ironique, il ajoute : Vous qui tenez tellement à donner un semblant de crédibilité à ce procès, n'estimez-vous pas que vingt-quatre heures, c'est trop ?
Vexé, Fouquier-Tinville répond :
- Je ne pense pas qu'il faille l'interpréter ainsi, citoyen conseiller...Nous estimons que nous n'avons pas à la juger mais à la combattre ! Offrir en outre deux jours de débat à notre pire ennemi démontre une grande mansuétude de notre part !
Thuriot se lève et s'adresse à tous avec son accent provençal :
- Sans doute ! Sans doute !...Soyez rassurés, personne ne mettra en doute l'immense mansuétude que vous aurez manifestée pour la prisonnière. Bon, eh bien, j'ai tout compris ! Maintenant que nous sommes entre nous et que personne ne nous écoute, on peut avouer que le procès que nous lui faisons n'est rien d'autre qu'un procès jugé d'avance puisque le verdict me semble prononcé avant même de l'avoir entendue.
- Ce n'est pas exact puisque rien n'est encore décidé, dit Robespierre.
- Admettons ! Je suis impressionné de voir le mal que vous vous donnez pour habiller ce procès d'un semblant d'honorabilité. Il semblerait que vous redoutiez l'infamie. Comme je vous comprends ! Il ne faudrait surtout pas qu'on découvre trop tôt que ce fut un procès truqué, n'est-ce-pas ?
Fouquier-Tinville, transfiguré en poisson carnivore et de plus en plus mal à l'aise, répond :
- Ce n'est pas exact, citoyen conseiller, puisque nous lui offrons les garanties d'un tribunal populaire ! Les jurés sont issus du peuple, et nous devons avoir confiance en la justice du peuple ! Thuriot, surpris, réplique sur un ton ironique :
- Vous prétendez que ces jurés ont été choisis par le peuple ? Alors, d'une bien drôle de façon ! Puis, sur un ton dur : Vous appelez cela de la justice, citoyen accusateur ? Plaisantez-vous ou êtes-vous cynique ? Vous qui exercez les fonctions de magistrat, qui prétendez-vous duper avec votre pantalonnade ? Il se tourne vers Robespierre et l'apostrophe : Dis-donc, toi le champion de la Vertu, comment peux-tu endosser la paternité d'une telle mascarade ! Fonderais-tu ta Vertu sur l'arbitraire, la malhonnêteté intellectuelle et l'injustice ? Nous qui jadis avons combattu cet arbitraire à la Constituante, nous qui avons été le premier peuple en Europe à déclarer les droits sacrés de l'homme, voici qu'au sommet de l'Etat aujourd'hui, ses chefs deviennent les artisans de la peine de mort, de l'infamie, du mensonge, de l'assassinat, des faux témoignanges, des jurés soudoyés, des faux témoins à charge, des avocats choisis d'avance et même des magistrats asservis au pouvoir... mais comment en sommes-nous arrivés là ? Toujours à Robespierre dont la pâleur est de cire : C'est cela, ta Vertu ? Et pour compléter ce tableau, nous avons en prime l'hypocrisie et la lâcheté ! Car il est de notoriété publique que la vue du sang te fait défaillir, n'est-ce pas ? Pour une fois, Maximilien, je t'en prie, exécute ta victime de tes propres mains, tire-lui un coup d'arquebuse dans la tête comme Brutus a fait justice lui-même en tuant le tyran ! Ne te réfugie pas derrière-nous pour éliminer tes ennemis. Non, mon cher, ne compte pas sur moi pour faire ce travail de boucher, car j'espère que vous avez tous compris que ce n'est pas spécialement Antoinette que je défends ici, mais que je m'insurge contre ce procès en infamie que vous lui faites ainsi que tous les autres qui attendent derrière. Même aux pires criminels, la République doit assurer les droits sacrés d'une justice équitable ! [...]

- Dis-moi, en toute sincérité, avec ton semblant de justice, vraiment Maximilien, tu penses abuser qui ? Le peuple que tu prétends chérir ? Et lequel ? Celui d'aujourd'hui ou celui de demain ? Si tu penses abuser le peuple d'aujourd'hui, tu pourras peut-être y parvenir, si tu vis assez longtemps pour le manipuler, mais le peuple de demain ? Quelle vision l'Histoire va-t-elle lui léguer ? Haïssable, probablement pour l'éternité. Ce n'est pas à toi que j'apprendrai que la mémoire des peuples outragés demeure irrémédiablement vengeresse et je crains fort qu'à ton endroit, cette mémoire ne soit plus faite de répulsion que d'oubli ! En histoire, le passé douloureux revient sans cesse. Il n'y a qu'une morale, Maximilien, c'est celle qui est inhérente à l'homme, et celle-là, elle est universelle. Ton discours fumeux sur la morale individuelle qui s'oppose à la morale collective n'est qu'une supercherie pour te débarasser de tes ennemis et pour asseoir ton pouvoir personnel ! Ce Comité de salut public qui est à ta botte étouffe les voix intérieures. Conclusion, Maximilien :j'ai très peur que les français ne te haïssent pour l'éternité !...
le visage de Robespierre est de plus en plus contracté et blanc, la description de ce visage par Mirabeau, « d'un chat qui aurait bu du vinaigre », s'adapte parfaitement à la situation. Sur ce masque sinistre, il tente pourtant d'inscrire un sourire qui se voudrait ironique : le résultat n'est qu'une horrible grimace. Il lui dit d'une voix aigüe avec l'intention d'être spirituel :
- Citoyen conseiller, aurais-tu par hasard terminé ta déposition ?
Mais personne ne rit.
- Oh oui ! J'en ai terminé. Et en même temps avec toi ! Mettant fin à mes fonctions dans cette maison, je me libère définitivement du Comité de salut public ! Vos objectifs, votre mode de fonctionnement et surtout vos options sont aux antipodes de ma conception de la Liberté, de la Justice et de la Morale... J'aime la Liberté, j'aime la révolution française, mais pas la tienne. S'il fallait un crime pour l'assurer, j'aime mieux me poignarder. Quant à votre prétendue Vertu républicaine, servie par un tribunal de sang, pardonnez-moi si je ne suis pas preneur ! Parce que vous comptez vraiment faire le bonheur du peuple avec cette utopie dégoulinante de ses larmes et de son sang ? J'espère au moins que vous êtes sincères, parec que seule une véritable conviction peut à la rigueur justifier vos crimes devant l'Histoire. Je tiens absolument à démissionner avant que vous ne décidiez de mettre à l'ordre du jour cette Terreur chère à votre coeur ! Puis il s'adresse directement à Labussière : Citoyen secrétaire, je désire obtenir le reçu de ma démission précisant la date et surtout l'heure de mon départ. Celle-ci doit obligatoirement précéder celle où les conseillers voteront le décret d'applicationde la loi instituant la Terreur. Il se fait ironique : Pardonnez-moi, mes « ex-collaborateurs », d'être si pointilleux, mais j'ai une famille et je ne veux pas que mes enfants et mes petits-enfants dédaignent ma postérité ou aient honte un jour de porter mon nom ! Il tend une feuille de papier à Barère : Voici ma lettre de démission ainsi que mon insigne du Comité.
Il enlève de son cou la plaque du Comité de salut public soutenue par un ruban bleu, blanc et rouge et la dépose sur la table. Constant Labussière lui remet le reçu de son désistement. Il part en disant :
- Je devrais normalement vous dire : Salut et fraternité, mais comme fraternité et Terreur sont incompatibles, je vous dirai seulement : Salut !
Il sort sans même refermer la porte derrière lui. Après son départ, on peut entendre des rires gênés autour de la table. Robespierre livide demande à Barère :
- Reprenons l'ordre du jour, s'il vous plaît !
Lindet ne résiste pas à faire un bon mot :
- Après ce que nous venons d'entendre, pouvons-nous encore mettre la Terreur à l'ordre du jour ?
Robespierre le foudroie du regard et s'adresse aussitôt aux conseillers :
- Il nous faut voter immédiatement les décrets d'application !
Il ouvre un dossier, en extrait une feuille, se lève, remonte ses lunettes dans ses cheveux et lit le document qu'il place à deux centimètres de ses yeux :
- Voici la résolution votée le 5 septembre par la Convention nationale que je vous propose de faire appliquer : « La Convention nationale décide qu'elle n'aura pas à juger seulement les nobles, les prêtres et les contre-révolutionnaires, mais tous les ennemis du peuple : les boutiquiers, les gros commerçants, les ci-devant procureurs, les huissiers, les valets insolents, les intendants et hommes d'affaires, les gros rentiers, et les chicaneurs par essence. » Alors, quels sont ceux qui sont pour l'application de ce texte ?
Tout le monde lève le bras.
- C'est parfait, voilà, c'est oui à l'unanimité ! La Terreur est donc décrétée ! Puis il s'adresse à Billaud-Varenne : Billaud, il serait utile que vous formuliez un discours musclé à la Convention et aux Jacobins pour annoncer que la justice se prononcera rapidement sur le sort d'Antoinette et n'oubliez pas de faire voter l'impression de votre discours ! Il se tourne vers Fouquier-Tinville : Pour désamorcer la fureur populaire, vous proclamerez le plus tôt possible que la veuve Capet est décrétée d'accusation et traduite devant le Tribunal révolutionnaire. Et voilà. Plus de questions ? Il demande à Barère : L'ordre du jour est-il épuisé ?
Barère fait signe que oui.
- Eh bien, la séance est levée ! »

Malgré le coup d'éclat de Thuriot, la machine à broyer des artisans de la Terreur va se mettre en marche et Marie-Antoinette comparaîtra devant le Tribunal révolutionnaire au matin du lundi 14 octobre 1793. Le procès durera deux jours et s'achèvera aux petites heures du mercredi 16. Cette parodie de justice – digne des procès staliniens ou de ceux de l'Inquisition – verra comparaître des témoins subornés par la clique de Robespierre et du sinistre accusateur public Fouquier-Tinville (surnommé "le boucher").
Les jurés également seront tous à la botte du Comité de salut public. Quant aux deux avocats de la défense : Chauveau-Lagarde et Tronçon-Ducoudray, tous leurs efforts pour épargner la Reine et susciter la compassion de l'assistance seront vains. Ils seront même arrêtés et emprisonnés dès leur sortie du Tribunal. Le verdict tombera lors du réquisitoire de la bouche même du président du Tribunal, Martial-Armand Herman : la mort !

Quelques heures plus tard, à onze heures du matin, la Reine Marie-Antoinette sort de la Conciergerie, les mains liées dans le dos, et est assise dans une charrette qui la mènera vers l'échafaud.
Pour les complices de Basset et des époux Lemille, c'est la consternation : leur ultime projet, enlever la Reine lors de son trajet vers la Place de la Révolution, a échoué une fois de plus. Trahis cette fois-ci par des agents infiltrés de la police de Robespierre, leur ultime tentative de sauver Marie-Antoinette se soldera par un échec. Les membres du complot seront rapidement arrêtés et seront exécutés peu après.
Quant à Marie-Antoinette, celle que l'on appelait auparavant « l'Autrichienne » mais que l'on dénomme maintenant « la veuve Capet », c'est peu après l'heure de midi, au milieu d'une place noire de monde, qu'elle gravit les degrés de l'échafaud pour se retrouver face à celle que l'on surnomme aussi « la veuve » : la guillotine.

L'imposant pavé de Paul Belaiche-Daninos (plus de 1500 pages) nous fait revivre une des périodes les plus noires de notre histoire : celle de la Terreur. S'appuyant sur une impressionnante documentation – tous les personnages, du plus célèbre au plus obscur ont réellement existés – il nous entraîne dans la moiteur et la puanteur des cachots de la Conciergerie et de l'Hospice National de l'Archevêché, il nous guide dans les rues du Paris cartographié par Turgot, il nous fait partager les espoirs et les craintes de tous ces condamnés à mort qui croupissent dans les geôles de la République, certains cherchant à échapper à la guillotine par tous les moyens alors que d'autres en appellent à une mort rapide qui les délivrera de leurs souffrances.
Du palais des Tuileries, où siège Robespierre, aux rues mal éclairées du quartier des Arcis, c'est tout un pan de la société révolutionnaire qui se livre à nos yeux, une vision dantesque d'un régime qui a cru quelques temps apporter la Liberté, l'Egalité et la Fraternité au peuple de France mais qui s'est rapidement métamorphosé en un délire paranoïaque et mortifère.
Même si Paul Belaiche-Daninos s'est rigoureusement appuyé sur les documents de l'époque, il n'oublie pas pour autant de sacrifier au romanesque dans quelques détails obscurs, lacunes historiques qui lui ont permis d'extrapoler sur certains personnages ou certaines situations. Ainsi, Elizabeth Lemille devient une fougueuse amazone,menée par l'esprit de vengeance, maniant avec brio toutes sortes d'armes à feu et prête à en découdre avec les séides de la Révolution qui entravent son chemin.
Malgré ces quelques concessions à l'esprit romanesque, l'auteur nous offre ici une fresque historique d'une très grande qualité, un panorama de la société française sous la Terreur qui se lit avec bonheur mais aussi avec effroi devant la barbarie des dirigeants de l'époque. Passionnant de bout en bout.







Les adieux de Marie-Antoinette à ses enfants, inscrits sur son livre de prières

Bibliothèque de Châlons-sur-Marne

dimanche 8 juin 2008

Un nouveau Prix dans le Landerneau littéraire



Un nouveau prix littéraire vient de voir le jour. Il s'agit du Prix Landerneau lancé à l'initiative des Espaces Culturels Leclerc.
Désireux de mettre en avant des auteurs peu ou pas connus du public, les 140 libraires des Espaces Culturels ont sélectionné huit romans parmi ceux qui les avaient plus particulièrement touchés cette année.
Soucieux d'apporter un éclairage particulier sur ces ouvrages, ils ont souhaité décerner le tout nouveau Prix Landerneau le 16 juin à l'un de ces huit romans.
Le jury, présidé par Jean Rouaud (Prix Goncourt 1990 pour « Les champs d'honneur »), sera composé notamment par Laurence Tardieu et Joël Egloff autour de Michel-Edouard Leclerc.
Les huit finalistes sont :


Joseph Bialot, Le jour où Albert Einstein s’est échappé, (Métailié, 2008)


Antoni Casas Ros, Le théorème d’Almodovar, (Gallimard, 2008)


Yasmine Char, La Main de Dieu, (Collection Blanche, Gallimard 2008)


Michèle Halberstadt, L’Incroyable Histoire de Mademoiselle Paradis,
(Albin Michel, 2008)


Antoine Laurain, Fume et tue, (Le Passage, 2008)


Véronique Ovaldé, Et mon coeur transparent, (L’Olivier, 2008)


Camille de Peretti, Nous vieillirons ensemble (Stock, 2008)


Claire Wolniewicz, Le temps d’une chute, (Viviane Hamy, 2008)



Bien, me direz-vous, mais pourquoi parler d'un enième prix littéraire ? Parce que, à l'instar d'autres bloggueurs et bloggueuses littéraires, j'ai aimablement été invité par Elodie de l'agence i&e Consultants – qui travaille pour les espaces Culturels Leclerc et qui oeuvre à la promotion du Prix Landerneau – à participer de mon côté à cet évenement.
Pour cela j'ai eu l'immense plaisir de recevoir les huit ouvrages sélectionnés. Libre à moi de les lire sans aucune contrainte de temps et de décerner mon propre Prix Landerneau, soit tout seul, soit en compagnie des autres bloggueurs sélectionnés qui sont :


À toutes et à tous, je souhaite de bonnes lectures et leur donne rendez-vous très bientôt pour comparer nos points de vue et procéder à l'élection notre propre Prix Landerneau.


Un grand merci à Elodie.




samedi 7 juin 2008

Des Anges et des Machines




"Les conjurés de Florence" Paul J. Mc Auley. Roman. Editions Denoël, 1999.

Traduit de l'anglais par Olivier Deparis et Marie-Catherine Caillava.





C'est dans les premières années du XVIème siècle que nous entraîne le roman de Paul J. Mc Auley, et plus précisément dans la République de Florence, perle de la Toscane.
Mais cette Florence là n'est pas celle que nous connaissons au travers de nos manuels d'Histoire.

En effet, dans cette vision décalée de l'Italie de la Renaissance, le grand Léonard de Vinci a renoncé à la peinture pour se consacrer entièrement à la réalisation de ses machines.
Grâce à lui, la République florentine vit sa première révolution industrielle, les rues de la cité voient circuler des véhicules à vapeur, le cours de l'Arno est sillonné par des bateaux à aubes et les machines de guerre créées par le grand inventeur ont fait de la ville une grande puissance économique et militaire qui attire bien des convoitises de la part de ses rivaux.
La confrérie des peintres – qui, dans notre Histoire a fait la célébrité de Florence – a ici cédé le pas devant celle des ingénieurs et des industriels appelés « artificiers ».

C'est cependant dans cette confrérie des peintres que Paul J. Mc Auley va nous introduire en la personne du jeune héros de ce récit : Pasquale, disciple de Giovanni Battista Rosso.

Au moment où débute le récit, la cité florentine est en effervescence à l'approche de la visite du Pape Léon X, second fils de Laurent le Magnifique.
L'évenement est de taille puisque le Pape est de la lignée des Médicis, chassés de Florence par les disciples de Savonarole quelques décennies plus tôt.
Cette visite annonce un assouplissement des relations entre Florence et Rome, devenues rivales suite à l'éviction des Médicis qui a eu pour conséquence un long conflit entre les deux cités, Florence l'ayant emporté grâce à la suprématie de son ingénierie militaire.
Rome et le Vatican ne sont pas seules à s'être opposées à la puissance florentine; le Royaume d'Espagne mène une guerre sans merci en Méditerranée contre la République, sous le commandement d'Hernan Cortès qui n'a pas pu débarquer au Nouveau-Monde, repoussé par les forces coalisées des florentins et des indiens.

À quelques jours de l'arrivée du Pape, arrive en avant-garde de celui-ci son ambassadeur, le peintre Raphaël. La ville s'apprête à accueillir le célèbre peintre lors de la procession de la Saint-Luc et Pasquale, fervent admirateur de celui-ci, ne cache pas son impatience de l'apercevoir et peut-être d'échanger quelques mots avec lui au cours de la cérémonie.
Mais les festivités s'achèveront sur une note dramatique par le mystérieux assassinat de Giulio Romano, l'assistant de Raphaël, puis par l'empoisonnement du maître lui-même.
Pasquale va alors se retrouver propulsé dans une enquête policière où il aura fort à faire pour démêler la vérité sur ces assassinats au sein d'une société florentine où fleurissent intrigues, complots et machinations de toutes sortes. Au péril de sa vie il va tenter de faire la lumière sur ces mystérieux évenements, aidé en cela par la sagacité d'un journaliste de La Gazette de Florence, un certain Niccolo Machiavel.

Avec ce roman, Paul J. Mc Auley nous livre avec talent une uchronie qui nous plonge dans un univers baroque et fascinant où de célèbres personnages historiques évoluent dans un monde qui aurait pu exister si le cours de l'Histoire avait été différent.On y côtoiera bien évidemment les personnages cités plus haut mais aussi une quantité d'autres dont Nicolas Copernic, Michel-Ange , ainsi qu' une certaine Mona Lisa Giocondo.
Remarquablement documenté sur les techniques picturales et sur les acteurs de l'époque, ce roman, situé dans un contexte fascinant et riche en images, souffre quand même d'une intrigue assez longue et alambiquée qui laisse le lecteur perplexe sur les motivations réelles de ces assassinats. Mais ce petit défaut est largement compensé par la profusion de personnages et rebondissements qui émaillent le récit.

Entre roman-policier, roman de science-fiction et roman historique, « Les conjurés de Florence » est un ouvrage débordant d'imagination qui malheureusement s'attarde sur une intrigue somme toute assez classique au détriment de la description d'un univers somptueux et fascinant.





Croquis de Léonard de Vinci

mercredi 4 juin 2008

Menace sur le prix unique du Livre


Initiales, le groupement des libraires indépendants, nous informe d'un amendement au projet de loi sur la modernisation de l'économie qui pourrait remettre en cause l'accès de chacun d'entre-nous à la lecture.

En voici la teneur :


Le député agenais M. Dionis du Séjour (Nouveau Centre) s’attaque au prix unique du livre.



Aujourd’hui et depuis la loi sur le prix unique du livre de 1981, un livre est au même prix partout à concurrence de 5% et les soldes sont autorisées deux ans après la parution.


M.Dionis du Séjour a déposé un amendement au projet de loi sur la modernisation de l’économie visant à raccourcir de 2 ans à 1 ans, le délai après lequel il est autorisé de pratiquer des rabais supérieurs à 5% sur le prix du livre.


Contrairement aux apparences, les conséquences d’une telle modification de la loi sur le prix unique du livre seraient pénalisantes pour les consommateurs et les lecteurs. En effet, comme cela s’est vérifié à l’étranger – au Royaume-Uni en particulier, où le prix unique a été supprimé en 1995 – la dérégulation du marché du livre entraînerait au moins trois effets négatifs :


- Un appauvrissement de l’offre éditoriale (suprématie des best-sellers, disparition d’éditeurs et diminution des auteurs publiés) ;

- Un accès plus difficile de tous aux livres entraîné par la fermeture de librairies ;

- Une augmentation du prix moyen du livre préjudiciable au pouvoir d’achat des lecteurs (les éditeurs seraient contraints de compenser le manque de recettes lié aux soldes par une augmentation globale de leurs prix).


Des livres en moins grand nombre, moins accessibles et plus chers, le consommateur, contrairement aux idées reçues, serait le premier lésé.


Vous aussi réagissez en relayant cette information auprès de votre député et de votre sénateur.


Leur adresse ici et ici.


Pour de plus amples informations : Le site d' Initiales

dimanche 1 juin 2008


"On fait un livre de ce que l'on sait et une bibliothèque de ce que l'on ignore."


(Anonyme)

Robertin Père & Fils




"L'invitée" Franck Bellucci. Théâtre. Editions Les Mandarines, 2008.





Nous sommes en 1985, dans une maison bourgeoise des bords de Loire. On se plaît à imaginer que l'action se déroule dans cette région de l'orléanais où vit et enseigne Franck Bellucci, l'auteur de cette pièce.



Quand le rideau se lève, Paul Robertin, professeur de lettres, 38 ans, arrive à l'improviste chez ses parents afin de leur présenter sa nouvelle compagne, Solange.

Anne-Marie et Claire, la mère et la soeur de Paul, sont quelque peu surprises et désappointées de cette visite impromptue. Paul, en effet, n'est pas du genre à rendre visite régulièrement à sa famille, ce que n'oublie pas de lui reprocher sa soeur. Mais Paul ne s'arrête pas à ces critiques et, manifestement amoureux et fier de sa nouvelle conquête, il ne cesse de cabotiner en dépit de l'atmosphère tendue qui règne sur la demeure familiale.

Car le père, Jean, médecin en retraite, est gravement malade. Atteint d'un cancer, il se sait condamné et ne peut plus compter que sur quelques mois avant l'échéance fatale. Confiné dans sa chambre, son épouse et sa fille se relaient à son chevet afin de l'assister dans cette épreuve.

Paul, lui, semble prendre tout cela à la légère et c'est au cours du dîner – alors que Jean aura fait l'effort de descendre de sa chambre pour prendre son repas en compagnie de son fils et de sa compagne – que les choses vont s'envenimer. Paul se rend rapidement insupportable et met le feu aux poudres en s'en prenant d'abord à sa soeur – à qui il reproche de lui renvoyer l'image de son propre égoïsme – et ensuite à son père, à qui il fait vertement remarquer que sa maladie et sa mort prochaine prennent – à son sens – un peu trop d'importance et alourdissent le climat familial. Le ton monte rapidement devant Solange, l'invitée, qui ne peut que rester coite devant un tel déballage de griefs familiaux.
Afin d'apaiser le débat et de détourner la conversation vers un sujet plus paisible, l'attention se porte sur Solange. Qui est-elle ? Que fait-elle dans la vie ? La jeune femme est historienne et travaille au CNRS où elle étudie l'histoire contemporaine, et en particulier l'époque de la Seconde Guerre Mondiale. Sans parents, sans attaches, c'est par hasard qu'elle a rencontré Paul quinze jours auparavant. La conversation continue, émaillée par les réparties de Paul, qui ne cesse d'ajouter de l'huile sur le feu et de se rendre odieux envers sa soeur et ses parents.
Puis vient l'heure où chacun doit se retirer pour aller dormir. Solange avoue ne pas avoir sommeil et décide de rester en compagnie de Claire. Paul et sa mère se retirent. C'est alors le début d'une longue et douloureuse nuit qui s'annonce. Au matin, quand Solange partira, après avoir révélé qui elle est réellement, la famille Robertin ne sera plus la même. Une lettre, ainsi qu'une vieille photo en noir et blanc, auront bouleversé tout l'échafaudage familial.


Avec « L'invitée » Franck Bellucci nous offre un drame familial où le jeu des apparences vient à se rompre lorsqu'un élément extérieur – Solange – vient mettre à bas l'ordre établi des choses en la personne du père irréprochable, de la mère exemplaire, du fils ingrat et de la fille dévouée. Chacun des personnages que nous découvrons au début de cette pièce dissimule en son coeur des choses inavouables aux autres membres de la famille. Certains ignorent même en leur for intérieur quelle est leur véritable nature, et c'est Solange qui va jouer le rôle de révélateur et apporter ainsi aux uns et aux autres la culpabilité, le poids des origines et le déchirement, mais aussi la liberté et la rédemption.
Huis-clos féroce, servie par des dialogues percutants, « L'invitée » de Franck Bellucci est une réflexion sur le poids du passé, sur la mémoire et le pardon, sur la piété filiale et sur l'ironie du sort,
une ténébreuse histoire de famille où les masques tombent les uns après les autres, révélant ainsi des abîmes insoupçonnés.
L'avis de Laurence du Biblioblog.