samedi 27 novembre 2010

L'homme qui valait trois milliards

"Le dernier de son espèce" Andreas Eschbach. Roman. Librairie L'Atalante, 2006.



Enfant, Duane Fitzgerald rêvait de devenir Steve Austin, l'homme qui valait trois milliards.
Quelques années plus tard, lorsque le premier volet de Terminator est sorti au cinema, Duane, devenu un jeune homme, s'est identifié au personnage, copiant le look et la démarche du cyborg incarné par Arnold Schwarzenegger.
Ce que Duane ne savait pas, c'est que, en s'engageant dans le corps des Marines, son rêve d'enfant allait un jour être exaucé. 
A la fin des années 80, le président Reagan donna son feu vert à un projet ultra-secret qui consistait en la création d'une unité expérimentale de super-soldats dotés d'un appareillage électronique impressionnant.

Sélectionné avec quelques autres camarades, Duane va accepter avec enthousiasme de participer à ce projet. Il subira de très nombreuses opérations chirurgicales qui vont faire de lui un autre homme.
Son corps sera modifié en profondeur, et de nombreuses parties de son anatomie seront désormais constituées de titane et de teflon. Dotés d'une vision infrarouge ainsi que de nombreux autres capteurs, Duane et ses camarades sont devenus des surhommes prêts à se lancer sur les champs de bataille.
Mais l'aventure va tourner court sous l'administration Bush. Trop cher, basé sur des technologies devenues obsolètes au fil des ans, le projet va être abandonné.

Voici donc nos surhommes mis au rancart, dispersés aux quatre coins des États-Unis, tenus au secret absolu sur les modifications anatomiques dont ils ont été pourvus. Bénéficiant à vie d'une rente modeste, ces hommes sont toutefois toujours surveillés par les responsables du projet qui surveillent leurs faits et gestes et leur procurent aussi régulièrement de la nourriture. En effet, leurs tubes digestifs ayant été réduits à leur minimum afin de laisser place à de multiples implants, les cyborgs ne peuvent plus ingérer d'aliments normaux et reçoivent par colis une nourriture spécialement concoctée à leur intention. Cette dépendance alimentaire permet ainsi aux responsables de garder un oeil sur ces quelques hommes et de s'assurer leur docilité et leur dépendance.

Contrairement à ses camarades, Duane n'est pas resté aux États-Unis. C'est en Irlande qu'il s'est installé depuis une dizaine d'années, dans la péninsule de Dingle. Il vit là en solitaire, n'ayant de contacts locaux qu'avec les employés de la bibliothèque, le postier chez qui il retire ses colis destinés à l'alimenter, et le médecin généraliste du village qui est le seul à qui Duane a confié son secret. Les années passant, les nombreuses pièces et composants dont est truffé le corps de Duane ont tendance à s'enrayer. Ne souhaitant pas retourner aux États-Unis pour faire réparer les pannes de plus en plus nombreuses qui affectent son organisme, Duane s'est confié au Dr. O'Shea, un praticien très discret qui assure désormais – dans la mesure de ses capacités face à un être humain composé de chair et de composants électroniques – la maintenance de ce patient pas du tout comme les autres.
Le reste de son temps, quand sa santé le lui permet – les pannes sont de plus en plus fréquentes - Duane le passe à se promener dans les alentours ou encore à emprunter des livres à la bibliothèque. Pris de passion pour les écrits de Sénèque et la philosophie stoïcienne, il garde auprès de lui un exemplaire des Lettres à Lucilius, tentant d'appliquer à lui-même les préceptes du penseur romain.
Duane vit donc paisiblement dans ce coin d'Irlande, dans l'attente du moment où une panne plus importante que les autres mettra fin à sa vie de paria.
Mais voilà que tout à coup sa tranquillité semble menacée : un inconnu le recherche activement, interrogeant avec insistance les villageois. Et que penser de tous ces 4x4 aux vitres fumées d'où sortent tous ces hommes en costumes et lunettes noires, téléphones portables vissés sur l'oreille ?
Duane a semble-t-il de bonnes raisons de s'inquiéter, d'autant plus qu'autour de lui les cadavres semblent se multiplier.

Andreas Eschbach a connu le succès avec un space-opera « Des milliards de tapis de cheveux » qui a acquis une renommée internationale. Il nous livre ici un ouvrage qui tient du roman d'anticipation et du thriller. Écornant le mythe du surhomme, il nous fait entrer dans la peau d'un personnage dont les rêves d'enfant furent à la hauteur de sa désillusion face à la réalité. Sous ses aspects de récit d'anticipation, ce roman nous met face à nous-mêmes, face à notre devenir qui irrémédiablement se soldera par le dépérissement et la mort. 
Face à ce destin inéluctable, nous pouvons, soit fermer les yeux et nous masquer l'évidence, soit, comme le héros de ce récit, accepter son destin et méditer, par exemple sur cette phrase tirée des Consolations à Marcia, écrite par un certain Lucius Annaeus Seneca au 1er siècle après J.C. « La mort signe la disparition de toutes les souffrances, elle constitue une limite que ne franchissent pas nos malheurs et elle nous rend à la tranquillité dans laquelle nous baignions avant notre naissance. »  




mardi 16 novembre 2010

Le Futur pour les nuls

"Le grand livre du Futur" Emmanuel Prelle et Emmanuel Vincenot.  Editions Mille et une nuits - Arthème Fayard


Je l'avoue, je suis profondément déçu.
Déçu qu' Emmanuel Prelle et Emmanuel Vincenot – ces deux modernes Rouletabille – ne se soient pas vus décerner le Prix Pulitzer ou le Prix Albert Londres afin de célébrer comme il se doit leur dernier reportage. 
Bravant de nombreux dangers, nos deux reporters se sont rendus dans le futur afin de nous éclairer sur ce qui nous attend dans l'avenir, alors que nous, pauvres ignorants, sommes incapables de déterminer si « Plus belle la vie » sera encore diffusée en 2012.
En effet, nous, pauvres citoyens lambda, ne savons rien sur ce que nous réserve le futur. L'avenir sera-t-il meilleur ou pire que ce que nous connaissons actuellement ?
« On nous répète constamment que tout va bien se passer, que nous n'avons rien à craindre de l'avenir. « Il reste largement assez d'oxygène sur Terre pour plusieurs semaines ! », se réjouissent les scientifiques. « Grâce au réchauffement climatique, on pourra enfin partir en vacances en Bretagne ! », se félicite le ministre du Tourisme. « Votre troisième testicule a une taille tout à fait normale », nous rassure notre médecin. Pourtant, chacun constate dans sa vie quotidienne que tout va de plus en plus mal. Le prix du paquet de 250 g de tortellinis a considérablement augmenté, il n'y a toujours que 75cl dans un litre de vin, et surtout, de multiples indices laissent à penser que la fin du monde est pour bientôt. »
C'est donc afin de dissiper tous ces fantasmes et toutes ces craintes qu'Emmanuel Prelle et Emmanuel Vincenot se sont rendus dans le futur et en ont rapporté de nombreuses notes, illustrations et photographies qui nous permettront enfin d'en savoir un peu plus sur notre société dans les années et les siècles à venir.
On y apprendra ainsi que beaucoup de choses vont changer dans notre vie quotidienne : par exemple, « La longueur du mètre sera fixée à 3,78 mètres, ce qui permettra de mesurer des objets plus longs. » Nous pourrons, si nous avons égaré notre GPS, utiliser un localisateur de GPS qui fonctionnera grâce à la technologie GPS. La technologie sans fil ne sera pas en reste puisque – malgré les échecs de la balançoire sans fil et du ski nautique sans fil – un astucieux ingénieur inventera le string sans fil.

Mais je ne voudrais pas trop en révéler sur cet indispensable ouvrage qui ouvrira au lecteur les portes du futur. Sachez seulement que cet intéressant opuscule, vendu à un prix modique, éclairera vos lanternes sur de très nombreux domaines, tels que la politique, l'éducation, la culture, la santé, les sports, etc...
Doté d'une abondante iconographie, ce précieux opuscule nous permettra d'admirer de futures améliorations technologiques comme la télé 3 en 1, le casque anti-météorites, ou encore la machine à détricoter les 35 heures.
Les croyants ne seront pas oubliés puisque nous apprendrons le retour de Jésus, ses futurs miracles ainsi que son programme politique (il se présentera même aux élections cantonales de Lourdes).

Bref, après avoir lu ce livre vous saurez Tout sur Tout (et son contraire) de ce que sera l'avenir de l'humanité. Ainsi vous ne pourrez pas vous plaindre de ne pas avoir été prévenus lorsque il n'y aura plus de pétrole ou lorsque vous serez mordus par un robot.

Décalé et jubilatoire, « Le grand Livre du Futur » nous livre une (ou plutôt des) vision(s) décapante et hilarante de l'avenir en pointant du doigt notre société actuelle et ses multiples travers.
Comme pour leur précédent opus : « l' Anticyclopédie Universelle », Emmanuel Prelle et Emmanuel Vincenot ont pris le parti de nous faire travailler les zygomatiques et c'est encore une fois réussi ! Un petit conseil : ne lisez pas ce livre dans les transports en commun, des personnes mal informées pourraient croire en effet que vous avez abusé de substances psychotropes en voyant votre face congestionnée et en entendant vos gloussements répétés.
On ne peut, une fois refermé ce livre, qu'espérer que Prelle & Vincenot nous livrent bientôt un prochain ouvrage tout aussi réjouissant. Rassurons-nous : grâce au « Grand Livre du Futur » nous apprendrons que sortira en 2036 le « Grand livre du Passé ». Patience !

                
Dans le futur, on tournera même un remake du "Secret de Brokeback Mountain"