lundi 29 octobre 2007

Gouel al Levrioù e Breizh



Derrière chaque blog, il y a un ou plusieurs visages. Pour la plupart, ces visages resteront inconnus tant la blogosphère est vaste , tant les sujets abordés par ceux-ci sont variés et tant l'éloignement géographique des uns et des autres est un obstacle à des rencontres moins virtuelles que celles échangées quotidiennement sur la toile.
Mais il arrive que certains bloggeurs partagent la même passion, en l'occurrence la littérature, et que de plus, un heureux hasard fasse que ceux-ci ne soient éloignés dans l'espace que de quelques poignées de kilomètres. Ce fut le cas hier pour les bloggeurs de Bretagne qui se sont retrouvés hier au Festival du Livre de Carhaix.


L'idée de départ a été lancée par Majanissa et nous avons été plusieurs à répondre à son appel.
Rendez-vous avait donc été donné dimanche 28 octobre à midi devant l'espace culturel Glenmor de Carhaix.


Et c'est ainsi que se sont retrouvés pour la première fois, sans l'entremise des écrans et des claviers, Eireann, accompagné de Mme Eireann ( qui discrètement participe activement et avec talent au monde de la blogosphère littéraire), Majanissa, notre charmante organisatrice, la pétulante Joëlle de la Bibliothèque du Dolmen avec son mari Florian, Sylire qui anime le Club de lecture des blogueuses, ainsi que Chatperlipopette accompagnée de votre serviteur.


Les présentations faites, tout ce petit monde s'est dirigé vers l'excellente et accueillante crêperie Ty Gwenchall où nous avons pu faire plus ample connaissance.


De retour au festival ( après quelques bolées de cidre), chacun a pu se livrer à son vice favori : fouiner sur les étals des éditeurs, discuter avec les auteurs présents, faire dédicacer des ouvrages et surtout acquérir de nombreux bouquins.
Helas ! cette journée fut trop courte et c'est avec regret que nous avons du nous séparer en fin d'après-midi. Mais l'expérience fut extraordinaire et c'est avec grand plaisir que nous récidiverons, à Carhaix ou ailleurs.


Ce fut un enchantement pour moi de faire connaissance avec les bloggueuses et les bloggueurs de Bretagne.

Kenavo !



Pour plus de détails sur cette journée, passez donc chez Majanissa, chez Sylire, chez Joëlle (qui nous parle aussi du festival B.D. "Quai des Bulles" de St. Malo), chez Yvon et enfin chez Chatperlipopette.

samedi 27 octobre 2007

Addiction



MILLENIUM . Stieg Larsson. Roman. Actes Sud, 2007

1 : "Les hommes qui n'aimaient pas les femmes."
2 : "La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette."
3 : "La reine dans le palais des courants d'air."

Traduit du suédois par Lena Grumbach et Marc de Gouvenain.




Vous les avez sûrement déjà remarqués, ces trois pavés édités chez Actes Sud, dont les titres attirent immédiatement l'attention : « Les hommes qui n'aimaient pas les femmes – La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette – La reine dans le palais des courants d'air. »

On le sait, les polars scandinaves sont à la mode depuis quelques années, mode justifiée par la grande qualité de ces romans signés Mankell, Nesbo, Indridasson, etc... Et voilà qu'à tous ces auteurs reconnus vient s'ajouter le nom de Stieg Larsson. Hélas ! Malgré la grande qualité de son oeuvre, « Millénium » et ses personnages principaux resteront orphelins car Stieg Larsson est décédé d'une crise cardiaque à l'âge de 50 ans, peu après avoir bouclé le dernier tome de sa trilogie.
L'auteur n'aura donc malheureusement pas été témoin du succès phénoménal remporté par ses trois romans. Et ce succès est en tous points justifié car si vous faites partie de celles et ceux qui n'ont pas encore lu la trilogie « Millénium », je vous défie, une fois commencée la lecture du premier tome, de vous détacher de l'intrigue et de ne pas enchaîner immédiatement après avec les deux tomes suivants. Attention, la lecture de cette trilogie peut conduire à l'addiction !

Et pourtant nous sommes ici bien loin de l'univers des thrillers, de leur mécanique bien réglée, de leurs effets dramatiques destinés à captiver l'attention, de toute cette machinerie savamment huilée qui n'a pour seul but que de pousser le lecteur à tourner la page pour en savoir plus. Nous sommes ici en présence d'un polar beaucoup plus axé sur la psychologie de ses personnages que sur l'action pure ou les effets morbides et sanguinolents dont certains auteurs se sont fait une spécialité.
L'intérêt de la trilogie « Millénium » n'est pas là. Il est plutôt dans l'observation et la description de la société suédoise contemporaine, une société qui, par bien des aspects est comparable à la nôtre dans sa confrontation avec la délinquance en cols blancs, avec les accointances entre monde politique et haute finance, avec les conséquences de la fin de la guerre froide qui a boosté le marché du trafic d'êtres humains, avec la résurgence des vieux démons assoupis du nazisme et du fascisme, avec l'inféodation des médias aux grandes puissances économiques, etc...

Tous ces problèmes contemporains, si Stieg Larsson les évoque à un moment ou à un autre de sa trilogie, c'est avant tout parce qu'il a mené une carrière de journaliste, qu'il a enquêté et publié des essais sur l'économie, qu'il a réalisé des reportages sur divers conflits africains et aussi qu'il a été rédacteur en chef de la revue Expo, observatoire des manifestations ordinaires du fascisme dans la société contemporaine.
Ce n'est donc pas un hasard si le personnage central de son récit, Mikael Blomkvist, est lui aussi journaliste. Âgé d'une quarantaine d'années, Blomkvist travaille pour la revue mensuelle Millénium, revue d'investigation qui pointe du doigt les abus et les excès du monde politique et financier.

Au tout début du récit, Blomkvist vient de perdre un procès qui l'oppose à un grand requin de la finance suédoise. Ayant écopé d'une lourde amende et de quelques mois d'emprisonnement, le journaliste va vouloir prendre quelques distances avec la rédaction du journal afin, d'une part, de faire le point sur sa carrière et d'autre part de préparer sa revanche sur l'homme d'affaires qui l'a traîné au tribunal et dont il est pourtant profondément convaincu de la malhonnêteté. Mais c'est alors qu'il est contacté par un autre capitaine d'industrie qui désire l'employer afin d'enquêter sur un étrange cas de disparition d'une jeune fille survenu une quarantaine d'années plus tôt.
A partir de ce moment, tout va s'enchaîner et Stieg Larsson va nous entraîner dans un récit fleuve qui ne s'achèvera, au grand regret du lecteur, qu'au bout de trois tomes tous plus passionnants les uns que les autres. On verra apparaître au cours de ce récit une kyrielle de personnages à la psychologie remarquablement fouillée et décrite et dont l'exemple le plus emblématique n'est autre que Lisbeth Sallander, personnage qui, peut-être plus que Blomkvist, est au centre de toute la trilogie.
Car ce qui est la marque de fabrique de l'oeuvre de Stieg Larsson, c'est la place toute particulière faite aux femmes dans ses trois romans. Les femmes sont ici l'élément central du récit, actrices de leur destin, ou victimes de celui-ci, Stieg Larsson nous dresse ici plusieurs portraits féminins qui valent leur pesant d'or. Qu'elles soient journalistes, flics ou marginales, Larsson nous les décrit avec beaucoup de justesse, sans complaisance ni afféterie.
Les hommes, par contre, sont pour la plupart décrits comme des salauds, des machos, des obsédés sexuels, des tricheurs, et bien peu échappent au rouleau compresseur de l'auteur. Car les hommes qui n'aiment pas les femmes sont légion, et les bas instincts, la brutalité, la perversion et la soif de domination sont des sentiments encore bien ancrés dans les mentalités masculines.
Un seul, évidemment, semble échapper à ce jugement sans appel de Larsson, c'est Blomkvist bien évidemment. Son côté homme idéal, courageux, obstiné, ennemi de toutes les injustices, séducteur, amant expérimenté et infatigable, m'a un peu agacé (mais n'y voyez là que de la jalousie pure et simple) en ce sens qu'il m'est apparu un tantinet artificiel, trop lisse, trop parfait. Ceci dit, Mikael Blomkvist est tout de même un personnage auquel on s'attache (moins qu'à Lisbeth Sallander) et que l'on suit avec plaisir dans ses investigations, pour qui l'on tremble lorsque le danger menace et avec qui l'on se réjouit quand certains salauds se retrouvent hors d'état de nuire. Bref, sous la plume de Stieg Larsson les hommes en prennent pour leur grade et c'est tant mieux car ils l'ont bien mérité. Les femmes, quant à elles, en ressortent plus fortes même si leur calvaire et l'opression dont elles sont les victimes est loin de s'achever.

Je m'aperçois que je n'ai presque rien dit de la trame du récit qui s'étire sur ces trois tomes. Je n'en dirais toutefois pas plus de peur de déflorer l'intrigue et de gacher le plaisir de celles et ceux qui ont encore à découvrir cette oeuvre passionnante.
Mais je vous vois déjà avec le premier tome entre les mains, prêts à plonger tête baissée dans cette captivante histoire... Je me retire donc sur la pointe des pieds et vous souhaite une bonne lecture.

Les avis (et il sont trop nombreux et élogieux pour les mettre tous ici) du Blog des livres, de Startine, de Mimie, de Gachucha, de Nina, de Madison, etc...




vendredi 26 octobre 2007

Yourougou


"L'empreinte du renard" Moussa Konaté. Roman. Librairie Arthème Fayard, 2006



Rien ne va plus dans le village Dogon de Pigui. En l'espace de quelques jours se succèdent plusieurs morts suspectes. On a retrouvé les victimes au petit matin, le corps démesurément enflé, la bouche emplie de sang noir.


Dolo, le jeune maire du village, ainsi que trois autres conseillers municipaux, se sentent menacés à leur tour. C'est à Bamako,auprès du conseiller du ministre de la Sécurité intérieure, que Dolo va se rendre afin de demander l'assistance des autorités. Issa, le conseiller va pour cela faire appel au commissaire Habib Kéita et à son collaborateur, l'inspecteur Sosso Traoré.


Et voilà nos deux policiers en route pour le pays Dogon à bord d'un 4x4 en compagnie d'un chauffeur volubile et railleur.

Après maintes plaisanteries et de nombreux éclats de rire, Habib et Sosso arrivent à Bandiagara, chef-lieu du pays Dogon, dernière enclave de tradition animiste du Mali.

Ils vont avoir fort à faire pour élucider le mystère des morts mystérieuses de Pigui. Car ici, la logique et les méthodes d'investigation modernes doivent prendre en compte, voire même s'effacer, devant le poids des traditions séculaires, des rites magiques et des sortilèges.


Car comment expliquer ces morts mystérieuses et fulgurantes de jeunes gens en pleine santé quelques heures avant leur décès ? Pour certains, il faut y voir le châtiment d'Amma, l'ancêtre des Dogons, pour d'autres il s'agirait de la malédiction de Kansaye, un vieillard dont le neveu est mort récemment dans un duel l'opposant à un autre jeune homme du village. Qui est à l'origine de tous ces meurtres ? Peut-être que Kodjo « le Chat » , le devin du village, l'homme qui lit l'avenir dans les empreintes de renard, en sait quelque chose ?


Polar ethnique, « L'empreinte du renard » nous emmène dans un Mali hésitant entre tradition et modernité, un pays où la culture traditionnelle, qu'elle soit animiste ou musulmane, est en lutte contre ces fléaux hérités du colonialisme que sont la corruption et l'appétit de lucre.
Moussa Konaté nous décrit avec justesse et tendresse ce pays et ses habitants, pauvres mais dignes, dépourvus de biens matériels mais riches d'une humanité, d'une sincérité et d'une bonne humeur à toute épreuve.

Il nous dépeint une galerie de personnages tous plus attachants et exubérants les uns que les autres, et à travers eux c'est toute un pan de la société malienne qui se dévoile avec ses grands et ses petits fonctionnaires, ses paysans, ses anciens qui se réunissent pour palabrer, ses jeunes filles de Bamako qui rêvent d'un ailleurs, miroir aux alouettes inspiré de l'univers des clips video et des séries américaines...


D'une redoutable efficacité, « L'empreinte du renard » est un roman qui se lit d'une traite, un polar intelligent et dépaysant, peuplé de personnages hauts en couleurs, un récit passionnant qui n'offre pas de temps mort et dont la trame est traversée d'incessants éclats de rire. Un pur bonheur.
(Merci à Marie-Laure de "Parfums de livres..." qui m'a fait découvrir cet auteur.)

"L'origine de toute joie en ce monde

Est la quête du bonheur d'autrui ;

L'origine de toute souffrance en ce monde

Est la quête de mon propre bonheur."


SHANTIDEVA (687-763)

mardi 23 octobre 2007

Discours de la Méthode


"L' Echelle de Monsieur Descartes" Frédéric Serror & Herio Saboga. Editions Le Pommier/Fayard, 1999.



En ce printemps de l'année 1648, le philosophe René Descartes quitte les Pays-Bas pour ce qui sera le dernier voyage qu'il effectuera à Paris. S'il se rend au Royaume de France, c'est avant tout pour y revoir quelques amis chers à son coeur mais aussi dans l'éventualité de bénéficier d'une rente ou d'une charge de conseiller accordées par l'entourage de la régente Anne d'Autriche et le cardinal Mazarin.
Mais le hasard fait que la venue du philosophe coïncide avec un évenement qui va bouleverser la monarchie française pendant cinq années : la Fronde.


Le jour même de son arrivée à Paris, dans un appartement de la rue du Temple, un homme est assassiné. Cet homme, le chevalier de Blancmesnil est retrouvé la tête écrasée par une force invisible et surhumaine. Mais tout porte à croire que Blancmesnil n'était pas la victime désignée, mais qu'au contraire ce meurtre visait en premier lieu l'homme qu'il hébergeait : François de Bourbon-Vendôme, Duc de Beaufort, Frondeur notoire surnommé par les parisiens « Le Roi des Halles », et évadé du château de Vincennes où il était détenu depuis sa participation en 1643 à la "Conjuration des Importants".


La seule personne présente au moment du crime s'avère être une jeune femme, Madeleine d'Yonne, maîtresse du Duc de Beaufort. Très vite elle est soupçonnée du meurtre et ne doit son salut qu'à l'intervention d'un jeune homme intrépide, Gaëtan Tourneur.
Ce jeune homme – grand admirateur du travail de Descartes – a été présenté quelques heures plus tôt à celui-ci par le révérend père Marin Mersenne – ami du philosophe – et a obtenu l'insigne honneur d'être employé par Descartes lui-même en qualité de secrétaire.


Convaincu de l'innocence de Madeleine d'Yonne et très rapidement épris de cette jeune femme délaissée par le Duc, Gaëtan Tourneur va inciter Descartes à trouver le moyen d'innocenter Madeleine et par la même occasion de faire toute la lumière sur cet étrange assassinat qui défie les règles élémentaires de la logique.
Appliquant à la lettre les théories énoncées dans son « Discours de la Méthode » ainsi que ses écrits sur les lois du mouvement et des chocs, le célèbre philosophe, physicien et mathématicien du XVIIème siècle va tenter d'éclaircir – par les voies de l'intuition et de la déduction ainsi que par l'expérimentation – le mystère de l'assassinat de la rue du Temple.


Véritable « polar » historique, « L'Echelle de Monsieur Descartes » nous plonge dans une enquête menée tambour battant où les scènes d'action alternent avec les moments où le philosophe et ses compagnons échafaudent leurs théories sur la façon dont a pu être mené l'assassinat du chevalier de Blancmesnil.


Frédéric Serror et Herio Saboga, tous deux philosophes et spécialistes de l'oeuvre de Descartes, font revivre sous nos yeux le Paris du XVIIème siècle en proie à l'agitation populaire de la "Journée des barricades", en nous restituant avec talent le beau langage et le style de l'époque, en nous offrant une enquête haletante où le lecteur fera le rencontre de maints personnages historiques, acteurs ou témoins de cette époque troublée de la monarchie qui déterminera la politique de Louis XIV quand celui-ci accèdera au pouvoir en 1661.
Afin d'apporter plus d'éléments au lecteur, les auteurs ont ajouté en annexe du roman des extraits de textes choisis qui permettront aux curieux de parfaire leur connaissance des théories philosophiques et mathématiques de Descartes, et d'apporter d'intéressantes précisions aux raisonnements énoncés par le philosophe dans la partie romanesque de cet ouvrage.


« L'Echelle de Monsieur Descartes » est un livre qui réconciliera les amateurs de philosophie avec celles et ceux qui trouvent cette science rédhibitoire. Sous son aspect de roman-policier, ce récit est aussi une très bonne entrée en matière et une manière distrayante d'appréhender la pensée de Descartes.

lundi 22 octobre 2007

Le-Saviez-Vous ? Le plus jeune prisonnier de France est âgé de ... 3 semaines !




Arrêté avec ses parents sans-papiers, il est détenu depuis le 18 octobre dans le Centre de Rétention Administrative de Rennes.



Honte à notre pays !

C'est l' Histoire qu'on assassine !



« Notre » gouvernement ( qui décidément ne recule devant aucune bassesse ) s'apprête aujourd'hui encore – en encourageant la lecture dans tous les lycées français de la lettre d'adieu de Guy Môquet à sa famille – à piller éhontément la mémoire du peuple français et à instrumentaliser celle-ci dans un but de propagande.

Que dire des propos sirupeux de Messieurs Sarkozy, Guaino et Darcos à ce sujet ? Faire croire aux gens qui, dans ce pays possèdent encore une once de sens critique, que cet hommage à un jeune patriote fusillé à 17 ans par les forces d'occupation de l'Allemagne nazie relève d'une volonté de saluer l'esprit de résistance de la jeunesse face à toutes les formes d' oppressions, de redonner à celle-ci le respect de la Mère-Patrie (Cocorico !!!), n'est ni plus ni moins qu'une vaste supercherie, une honteuse tentative de manipulation de l'Histoire et des esprits dont le but non avoué est de servir les idéaux peu recommandables du pouvoir en place.


Comment ce gouvernement peut-il décemment s'arroger le droit de donner des leçons de patriotisme au peuple français alors que ses membres n'ont pour seule patrie que leur compte en banque et la préservation de leurs privilèges ? Comment peuvent-ils récupérer à leur profit l'image de la Résistance alors que s'ils avaient vécu soixante ans plus tôt, nos gouvernants actuels et leurs amis du MEDEF (ensemble tout est possible!) auraient offert un pont d'or à l'Allemagne nazie pour qu'elle vienne nous faire profiter de son idéologie mortifère ?


Et si en lieu et place de la lettre de Guy Moquet nous lisions ensemble l'Appel des Résistants aux jeunes générations du 8 mars 2004 ? Ce texte mériterait d'être lu par le plus grand nombre. Malheureusement il n'a pas été retenu par l'équipe gouvernementale. Pourquoi ? Il suffit de lire ce qui suit :


Appel des Résistants aux jeunes générations du 8 mars 2004 : texte complet et notice réactualisée des signataires(Appel à la commémoration du 60e anniversaire du programme du C.N.R. de 1944)


Cet important texte “testamentaire”, passage de témoin d’une génération aux suivantes, a été proclamé à Paris, maison de l’Amérique latine, le 8 mars 2004, à l’initiative du mouvement ATTAC, sous le titre originel de : “Appel à la commémoration du 60de anniversaire du programme du CNR” et fut suivi d’un colloque à Nanterre la semaine suivante en présence de nombreux vétérans de la Résistance, historiens et responsables associatifs ou syndicaux.

Dépassant son contexte d’origine de l’année 2004, cet Appel prend désormais l’appellation courante de : Appel des Résistants aux jeunes générations du 8 mars 2004.(version complète, suivie de la liste des signataires comportant pour chacun une courte notice biographique. Liste réactualisée à la date du 8 octobre 2007).



Appel des Résistants aux jeunes générations du 8 mars 2004(Appel à la commémoration du 60e anniversaire du programme du C.N.R. de 1944)


Au moment où nous voyons remis en cause le socle des conquêtes sociales de la Libération,nous, vétérans des mouvements de Résistance et des forces combattantes de la France Libre (1940-1945), appelons les jeunes générations à faire vivre et retransmettre l’héritage de la Résistance et ses idéaux toujours actuels de démocratie économique, sociale et culturelle.

Soixante ans plus tard, le nazisme est vaincu, grâce au sacrifice de nos frères et soeurs de la Résistance et des nations unies contre la barbarie fasciste. Mais cette menace n’a pas totalement disparu et notre colère contre l’injustice est toujours intacte.

Nous appelons, en conscience, à célébrer l’actualité de la Résistance, non pas au profit de causes partisanes ou instrumentalisées par un quelconque enjeu de pouvoir, mais pour proposer aux générations qui nous succéderont d’accomplir trois gestes humanistes et profondément politiques au sens vrai du terme, pour que la flamme de la Résistance ne s’éteigne jamais :


- Nous appelons d’abord les éducateurs, les mouvements sociaux, les collectivités publiques, les créateurs, les citoyens, les exploités, les humiliés, à célébrer ensemble l’anniversaire du programme du Conseil national de la Résistance (C.N.R.) adopté dans la clandestinité le 15 mars 1944 : Sécurité sociale et retraites généralisées, contrôle des ” féodalités économiques ” , droit à la culture et à l’éducation pour tous, presse délivrée de l’argent et de la corruption, lois sociales ouvrières et agricoles, etc. Comment peut-il manquer aujourd’hui de l’argent pour maintenir et prolonger ces conquêtes sociales, alors que la production de richesses a considérablement augmenté depuis la Libération, période où l’ Europe était ruinée ? Les responsables politiques, économiques,intellectuels et l’ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l’actuelle dictature internationale des marchés financiers qui menace la paix et la démocratie.


- Nous appelons ensuite les mouvements, partis, associations, institutions et syndicats héritiers de la Résistance à dépasser les enjeux sectoriels, et à se consacrer en priorité aux causes politiques des injustices et des conflits sociaux, et non plus seulement à leurs conséquences, à définir ensemble un nouveau ” Programme de Résistance ” pour notre siècle, sachant que le fascisme se nourrit toujours du racisme, de l’intolérance et de la guerre, qui eux-mêmes se nourrissent des injustices sociales.


- Nous appelons enfin les enfants, les jeunes, les parents, les anciens et les grands-parents, les éducateurs, les autorités publiques, à une véritable insurrection pacifique contre les moyens de communication de masse qui ne proposent comme horizon pour notre jeunesse que la consommation marchande, le mépris des plus faibles et de la culture, l’amnésie généralisée et la compétition à outrance de tous contre tous. Nous n’acceptons pas que les principaux médias soient désormais contrôlés par des intérêts privés, contrairement au programme du Conseil national de la Résistance et aux ordonnances sur la presse de 1944.


Plus que jamais, à ceux et celles qui feront le siècle qui commence, nous voulons dire avec notre affection :” Créer, c’est résister. Résister, c’est créer “.


Signataires : Lucie Aubrac, Raymond Aubrac, Henri Bartoli, Daniel Cordier, Philippe Dechartre, Georges Guingouin, Stéphane Hessel, Maurice Kriegel-Valrimont, Lise London, Georges Séguy, Germaine Tillion, Jean-Pierre Vernant, Maurice Voutey.


Les personnalités de la Résistance signataires de cet Appel du 8 mars 2004 sont :


Lucie AUBRAC, décédée le 14 mars 2007, enseignante, co-fondatrice du mouvement résistant « Libération », prend la tête d’un commando armé pour libérer son mari arrêté à Lyon par la Gestapo. A la Libération, elle est chargée de superviser l’installation des comités départementaux de Libération (notamment à Nantes).


Raymond AUBRAC, ingénieur, co-fondateur de « Libération-Sud », membre de l’Etat-major de l’Armée secrète, arrêté deux fois, commissaire de la République à Marseille (préfet régional) lors de la Libération.


Henri BARTOLI, reconnu “Juste parmi les nations” (pour avoir sauvé des Juifs), résistant alors qu’il est lycéen et étudiant, diffuse « Témoignage chrétien » clandestin et des faux-papiers, travaille au sein du CNR sur la politique économique d’après-guerre.


Daniel CORDIER, parachuté en France occupée, principal adjoint et secrétaire de Jean Moulin, fondateur du CNR (Conseil national de la Résistance)


Philippe DECHARTRE, résistant, membre des cercles de gaullistes historiques, plusieurs fois ministre et député après la guerre.


Georges GUINGOUIN, décédé le 27 octobre 2005, instituteur, résistant dès l’été 1940, prend la tête des maquis de la région de Limoges (jusqu’à 20 000 combattants), ville qui est libérée sans attendre les Alliés, maire de Limoges après la guerre.


Stéphane HESSEL, jeune allemand naturalisé français avant la guerre, rejoint de Gaulle en 1941, chargé de mission en France occupée, arrêté en juillet 1944 et déporté à Buchenwald puis Dora. Carrière d’ambassadeur après la guerre. Militant antiraciste.


Maurice KRIEGEL-VALRIMONT, décédé le 2 août 2006, syndicaliste avant la guerre, membre du Comité militaire du CNR, responsable militaire de la libération de Paris avec Rol-Tanguy. Député communiste après la guerre.


Lise LONDON, ancienne des Brigades Internationales dans l’Espagne républicaine, capitaine dans la Résistance, ancienne déportée à Ravensbrück, épouse d’Arthur London (ministre tchèque victime du stalinisme en 1952).


Georges SÉGUY, ouvrier-imprimeur, résistant au sein des Francs-Tireurs et Partisans Français, arrêté en 1944, déporté au camp de Mauthausen, dirigeant syndicaliste après la guerre.


Germaine TILLION, ethnologue spécialiste de l’Algérie avant la guerre, chef du réseau de Résistance du Musée de l’Homme, déportée à Ravensbrück, militante humaniste et anticolonialiste après la guerre.


Jean-Pierre VERNANT, décédé le 9 janvier 2007, grand historien spécialiste de la Grèce antique, étudiant antifasciste avant la guerre, résistant dès 1940, organisateur militaire, libérateur de Toulouse avec ses camarades.


Maurice VOUTEY, résistant, déporté à Dachau puis dans les camps du Neckar. Actuellement secrétaire général de la Fédération nationale des déportés et internés résistants patriotes (FNDIRP).


Merci de rediffuser cet important Appel autour de vous, et notamment auprès des jeunes générations.


samedi 20 octobre 2007

Bones


"La femme en vert" Arnaldur Indridasson. Roman. Editions Métailié, 2006

Traduit de l'islandais par Eric Boury.



C'est dans les fondations d'une maison en construction qu'un enfant de huit ans fait une étrange découverte : il s'agit d'un os humain.
Les autorités, aussitôt alertées, mettent peu de temps à découvrir la macabre réalité : un être humain a été enterré ici, et la position du corps laisse à penser qu'il ou elle a été enterré vivant. Qui a bien pu commettre cet assassinat ? Quand ? Et qui était la victime ?
C'est ce que va tenter de découvrir Erlendur, l'inspecteur de police dont nous avions pu faire connaissance dans « La cité des jarres ».

Aidé de ses collègues Elinborg et Sigurdur Oli, il va chercher à remonter la piste de cet assassinat dont il ne connaît ni le mobile, ni la victime, ni le coupable.

Car le travail d'investigation s'avère fortement ralenti du fait de l'intervention d'une équipe archéologique qui a été désignée pour dégager le corps de son linceul de terre. Les méthodes scientifiques étant beaucoup plus rigoureuses, et surtout beaucoup plus lentes que celles de la police criminelle, Erlendur va se perdre en conjectures et tenter de tirer ses conclusions à l'aide des maigres éléments en sa possession.


Mais quel est le rapport entre cette macabre découverte et l'histoire qui nous est décrite en contrepoint ?

Car parallèlement à l'enquête de l'inspecteur Erlendur, nous suivons le destin d'une femme dont le nom nous est inconnu. Cette histoire nous ramène dans le Reykjavik des années 40, au sein d'une famille dont la femme et les enfants sont sauvagement brutalisés par le mari de celle-ci. Cet homme, Grimur, est un véritable monstre qui n'hésite pas à insulter, menacer et battre sa femme, à terroriser ses enfants et à leur faire mener une vie d'enfer. Pervers et sadique, cet individu va sévir en toute impunité au cours des années sans que les autorités ne fassent le moindre geste pour protéger sa femme et ses enfants de son comportement brutal et de son influence pernicieuse sur le plus jeune de ses deux fils.


Quel est donc le rapport entre ces deux histoires ? Nul ne le sait, sauf peut-être cette mystérieuse femme au manteau vert dont la silhouette est évoquée par un vieillard mourant interrogé par Erlendur.
Voilà qui complique singulièrement la tâche de l'inspecteur, d'autant plus que pour ce qui est de sa vie privée, la situation s'aggrave de manière dramatique : sa fille Eva Lind, enceinte, a renoué avec la toxicomanie et est retrouvée plongée dans un coma dont personne ne sait si elle pourra en ressortir et si l'enfant qu'elle porte pourra survivre à cette épreuve. Au chevet de sa fille, Erlendur tentera de reprendre le dialogue avec elle, quitte pour cela à remuer les ombres d'un passé douloureux.


Avec « La femme en vert », deuxième opus des enquêtes de l'inspecteur Erlendur Svensson, Arnaldur Indridasson nous livre un roman qui transcende les limites du polar en nous faisant pénétrer plus avant dans la psychologie des personnages qu'il met en scène. C'est aussi l'occasion pour lui de nous livrer une page méconnue de l'histoire, celle de l'Islande au cours de la deuxième guerre mondiale.

Mais c'est surtout pour lui l'opportunité de dresser un réquisitoire sans appel contre les violences faites aux femmes, qu'elles soient d'ici ou d'ailleurs, qu'elles soient nos contemporaines ou des figures du passé.


« - [...] Je voulais vous demander... Je crois que j'étais en train de vous poser une question sur ces violences conjugales.
- Voilà un mot bien édulcoré pour décrire l'assassinat d'une âme. Un terme politiquement correct à l'usage des gens qui ne savent pas ce qui se cache derrière. Vous savez ce que c'est, de vivre constamment dans la terreur ?
Erlendur ne répondait rien.
- De vivre dans la haine chaque jour sans que cela ne s'arrange jamais, quoi qu'on fasse, et on ne peut d'ailleurs rien faire pour arranger ce genre de chose, jusqu'à ce qu'on perde toute volonté et qu'on passe son temps à attendre et à espérer que la prochaine raclée ne sera pas aussi violente et douloureuse que la dernière. »
Erlendur ne savait pas quoi dire.
- Petit à petit, les coups se résument à du pur sadisme parce que le seul pouvoir que l'homme violent détienne au monde, c'est celui qu'il exerce sur cette unique femme qui est son épouse, mais ce pouvoir n'a aucune limite puisque l'homme sait que la femme ne peut rien faire face à lui. Elle est totalement impuissante et complètement dépendante de lui parce qu'il ne se contente pas de la menacer elle, il ne se contente pas de la torturer avec la haine et la colère qu'il éprouve pour elle mais il la torture également avec la haine qu'il éprouve pour ses enfants en lui faisant clairement comprendre qu'il leur fera du mal si jamais elle essayait de se libérer de son emprise. Et pourtant, toute cette violence physique, toute cette souffrance et ces coups, ces os cassés, ces blessures, ces bleus, ces yeux au beurre noir, ces lèvres fendues, tout cela n'est rien comparé aux tortures que l'âme endure. [...] Alors son existence n'est plus que l'ombre de celle de son mari, poursuivit-elle. Toute résistance l'abandonne et avec la résistance, c'est aussi son désir de vivre qui s'évanouit, sa vie à elle se confond avec sa vie à lui, du reste, on ne peut plus dire qu'elle soit en vie car, en fait, elle est morte et elle erre, comme une créature de l'ombre à la recherche d'une échappatoire. Afin d'échapper aux coups, à cette torture de l'âme, et à l'existence de cet homme, parce qu'elle ne vit plus sa vie à elle et qu'elle n'existe plus qu'à travers la haine qu'il lui porte. Pour finir, c'est lui qui remporte la victoire. Parce qu'elle est morte. Et qu'elle est un zombie. [...] Y-a-t-il quelqu'un pour condamner le meurtre d'une âme ? Demanda-t-elle. Pouvez-vous me le dire ? Comment peut-on porter plainte contre un homme parce qu'il a assassiné une âme, est-il possible de le traîner devant un juge et de le faire reconnaître coupable ? »


« La femme en vert », plus que le précédent roman mettant en scène l'inspecteur Erlendur, est un roman policier chargé d'émotions puissantes et contradictoires qui – contrairement aux polars à la mode qui trop souvent se complaisent dans le registre du sordide et du sanguinolent – nous entraîne dans une intrigue où la psychologie des personnages prime sur l'action, où l' atmosphère pesante prend le pas sur l'intrigue, le suspense et même sur la résolution finale de l'enquête. Indridasson signe ici un grand roman dont les personnages – de par leur caractère universel et de par le long crescendo qui les mènera vers la conclusion de leur destin tragique – hanteront longuement le lecteur.

L'avis d'Ekwerkwe, de Sophie, de Netsuke, de BlueGrey, de Fereb, de Tirui, de Valdebaz, de Clarabel, de Sylvie, et de Chatperlipopette.

jeudi 18 octobre 2007

Deux veuves pour un cercueil


"Pissenlits et petits oignons" Thomas Paris. Roman. Editions Buchet/Chastel, 2005.



Tout commence par un détournement. Pas un détournement d'avion, ni d'autocar, ni même de mineur. Tout commence par un détournement de corbillard.

Mr. Koulechov et son employé Mosjoukine (Mr. Koulechov donne ce même patronyme à tous ses employés successifs), se voient contraints, sous la menace d'une arme à feu tenue par la veuve du défunt, de modifier l'itinéraire prévu pour l'enterrement. Au lieu d'être inhumé comme prévu au cimetière de Locmariaquer, Mme Anne-Marie Lecuyer, veuve d'Emile Lecuyer, souhaite que celui ci repose en paix à Guéméné-Penfao.

Pour le croque-morts – si soucieux de la qualité de ses prestations – et pour son employé, la situation est inédite.
Mais il faut dire que feu Emile Lecuyer, avant d'avaler son bulletin de naissance, menait une existence assez particulière, partageant sa vie entre deux femmes : son épouse officielle Anne-Marie Lecuyer, de Guéméné-Penfao, qu'il a quittée sans pour autant divorcer, et Eva Rouvière, avec qui il s'est installé à Locmariaquer.
Et voilà que les deux « veuves » d'Emile Lecuyer se disputent sa dépouille mortelle afin de déterminer où celui-ci devra être inhumé.

Partagé entre les vélléités contradictoires de celles-ci, à l'écoute de leurs arguments respectifs, Koulechov va tenter de démêler l'écheveau et d'apporter une solution à cette situation pour le moins embrouillée. Car le croque-morts – par conscience professionnelle et par respect envers les défunts qu'il accompagne dans leur dernier voyage – a pour habitude de rédiger un condensé de la vie de chacun de ceux-ci, résumé en quatre pages de la biographie de ses « clients », résumé qu'il numérote ensuite et qu'il archive. Mr. Koulechov va donc mener son enquête et tenter de faire la lumière sur le passé d'Emile Lecuyer. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le résultat de ses investigations s'avérera surprenant et déroutant.


Ce premier roman de Thomas Paris, que j'ai lu dans le cadre de l'opération du « Livre Voyageur »de la blogosphère littéraire, en a séduit, dérouté, et même agacé plus d'une et plus d'un au cours de ses pérégrinations. Les opinions à son sujet sont très partagées, certaines sont follement enthousiastes, d'autres beaucoup plus réservées, voire carrément désapprobatrices.


Et mon avis dans tout cela ? J'avoue qu'il est assez mitigé. Au vu du postulat de départ, de la quatrième de couverture, je m'attendais à tout à fait autre chose : un roman en forme de road-movie à mi-chemin de « Petits suicides entre amis » d' Arto Paasilinna ou de « Comment va la douleur ? » de Pascal Garnier. Mes idées préconçues furent vite balayées.

L'argument de départ de ce roman, ainsi que sa conclusion, déroutante et inattendue, m'ont bien plu. La partie centrale, par contre, m'a un tantinet ennuyé à cause des hésitations et de la versatilité des deux veuves, atermoiements qui plombent le récit, l'alourdissent sans rien apporter d'essentiel si ce n'est de tenter d'apporter une légère teinte de « nonsense » qui tombe un peu à plat.
La quatrième de couverture, qui propose – en regard du synopsis – l'avis d'une critique littéraire d'un magazine fort connu, nous promet que « Le lecteur, lui, se bidonne, séduit par tant de fraîcheur et d'allégresse. »
J'ai eu beau me forcer, je en me suis pas « bidonné » à la lecture de ce livre. Quant à la fraîcheur et à l'allégresse, je les cherche encore... C'est à se demander si certains critiques littéraires lisent les romans qu'ils sont censés chroniquer ou s'ils n'abusent pas un peu trop de substances psychotropes...


Pour conclure, « Pissenlits et petits oignons » est un ouvrage qui ne laisse pas indifférent, on aime ou on déteste, c'est selon. La chute du roman, stupéfiante, ravira les amateurs de casse-tête littéraires et leur donnera envie de reprendre le récit à la première page afin d'y rechercher les éventuels indices négligés lors d'une première lecture.
Rien que pour cela, « Pissenlits et petits oignons » est un livre qui mérite – quand même – d'être lu.


Les avis de Valdebaz, de Clarabel, de Flo, de Moustafette, de Cathulu, de Pitou, de Chatperlipopette.

mercredi 17 octobre 2007

Le-Saviez-Vous ? La réforme des régimes spéciaux, ce n'est pas pour tout le monde !

A l'heure où notre gouvernement souhaite en finir avec les régimes spéciaux, il existe une certaine catégorie de français qui ne seront aucunement concernés par cette mesure.
Les heureux bénéficiaires de ces régimes "très très spéciaux", ce sont nos élus.

Ipol.fr a mené une petite enquête, c'est édifiant ! Regardez plutôt.


Quant aux élus dits "de Gauche", ils méritent bien la palme de l'hypocrisie pour leur extrême discrétion sur ce sujet.

mardi 16 octobre 2007


"Qui que vous soyez qui voulez cultiver, vivifier, édifier, attendrir, apaiser, mettez des livres partout."
Victor Hugo

dimanche 14 octobre 2007

Photo(s) de famille(s)


"Allumer le chat" Barbara Constantine. Roman. Calmann-Lévy, 2007



« Il se plante devant la porte ouverte, jambes écartées, poings sur les hanches. Il hume l'air. La nuit s'annonce douce et tranquille. Mais d'un coup, ses sourcils se froncent, une ombre passe, et sans se retourner...
Passe moi le fusil, j'vais allumer le chat ! »


C'est ainsi que commence « Allumer le chat » , premier roman de Barbara Constantine, premier roman qui je l'espère ne sera pas le dernier.
Depuis sa sortie, ce livre a beaucoup fait parler de lui dans la blogosphère littéraire. Et à juste titre la grande majorité des lectrices et des lecteurs ont encensé ce roman. Et me voici donc, éternel retardataire, prêt à ajouter ma modeste contribution au concert de louanges qu'a reçu cet ouvrage.
Il faut dire que ce fut pour moi un vrai régal que de me plonger dans l'univers rural et délicieusement décalé de ce roman. J'y ai fait la connaissance d'une galerie de personnages qui, au départ peuvent apparaître un peu rébarbatifs mais qui s'avèrent finalement attachants et pittoresques, drôles et émouvants.
Ils me sont apparus comme des cousins éloignés de province, des oncles et tantes de la cuisse gauche que l'on a connu dans son enfance, puis que l'on a perdu de vue pendant longtemps, et que l'on redécouvre des années plus tard, à l'occasion d'un mariage ou d'un enterrement. Ces cousins et cousines, ces oncles et tantes, sous leur aspect un peu bourru nous apparaissent finalement comme des gens d'une profonde et sincère humanité, et l'on est surpris, en fin de compte, au moment des au-revoirs, de les quitter avec regrets.


C'est bel et bien cela que j'ai ressenti avec les personnages du roman de Barbara Constantine, avec Raymond, le grand-père ronchon aux talents de guérisseur, avec sa femme, Mine, dotée d'une bonne humeur inaltérable, avec le petit Rémi qui fait de l'eczéma et qui préfère le piano au foot. Mais aussi avec Josette et Edith qui découvrent le saphisme sur le tard, avec Pierrot, l'employé des Pompes-Funèbres qui se découvre un certain talent pour photographier les morts, avec Geneviève qui écrit des lettres enflammées à un détenu qu'elle ne connaît pas. Et puis aussi avec Momo le cantonnier qui va découvrir l'amour et la gastronomie sauvage. Avec Pierre, Paul et Jacques, les enfants du directeur des Pompes-Funèbres qui vont s'initier à la dégustation immodérée de grands crus. Et bien évidemment, Bastos, le chat philosophe et un rien pédant qui jette sur le monde un regard désabusé.


Mais « Allumer le chat » c'est aussi, en dehors de ses personnages hauts en couleurs, une histoire où chacun prend la parole tour à tour, un récit où tout le monde se raconte, humains et animaux, pour nous entraîner dans une aventure tendre, drôle et déjantée où l'on évoquera entre autres les auteurs de l'école du Montana, où l'on fera une rencontre "fracassante" avec un cerf, où l'on trouvera un moyen efficace de retrouver l'aspect originel d'une maison affreusement rénovée et où l'on s'initiera aux préparations culinaires tirées du Grand Livre des recettes sauvages de Marie-Rose.
Bref, c'est tout cela « Allumer le chat » et c'est même beaucoup plus tant ce livre regorge de personnages secondaires, de digressions, d'histoires parallèles, de situations étonnantes et rocambolesques.

Mais ce roman n'est pas, contrairement aux apparences, une farce campagnarde naïve et divertissante. Au travers des situations et des personnages rencontrés au fil du récit se dessinent en filigrane nombre de sujets graves et de questionnements propres à notre société contemporaine ainsi qu' à notre condition humaine. Car c'est bien de la vie dont nous parle Barbara Constantine dans ce roman : la vie dans tous ses états, avec ses hauts et ses bas, ses petites joies et ses gros chagrins, ses surprises et ses désillusions, ses rencontres et ses séparations, tous ces évenements qui accompagnent chacun, du berceau à la tombe, et qui font – n'en déplaise à ceux qui pensent que nos vies minuscules n'offrent aucun intérêt – que chaque existence, chaque histoire de vie, mérite de passer à la postérité.


Avec « Allumer le chat », ce livre pétulant et jubilatoire, Barbara Constantine nous offre une belle leçon de vie et d'optimisme, un conte moderne tout en humour et en finesse, un récit savamment orchestré en une polyphonie réglée comme du papier à musique, un puzzle délirant qui prend forme au fil des pages.

Un pur moment de bonheur à déguster comme une part de tartelette aux pets de lapin.


Les avis (ils sont nombreux) de Caro(line) , Amy, Cathulu, Clarabel, Papillon, Tamara, Cuné, Gachucha, Chatperlipopette et Bernard.

jeudi 11 octobre 2007

Prix Nobel de Littérature 2007

Le Prix Nobel de Littérature 2007 à été attribué à Doris Lessing.



Le prix Nobel de littérature a été attribué à la romancière britannique Doris Lessing, a annoncé jeudi l'Académie suédoise.Le comité Nobel a choisi de récompenser "la conteuse épique de l'expérience féminine, qui avec scepticisme, ardeur et une force visionnaire scrute une civilisation divisée", a indiqué dans un communiqué l'Académie suédoise pour expliquer son choix.
Doris Lessing aura 88 ans le 22 octobre. (AFP)

BIBLIOGRAPHIE :

- Le Carnet d’or. Éd. originale Albin Michel, 1976. / Livre de poche, 1999. Prix Médicis étranger en 1976.
-Les Enfants de la violence. Éd. originale Albin Michel, 1978/2000.
- L’Écho lointain de l’orage. Éd. Albin Michel, 1979.
- Nouvelles africaines. Éd. originale Albin Michel, 1980/2000/ Livre de Poche, 1990.
- L’Été avant la nuit. Éd. originale Albin Michel, 1981. / Livre de poche, 1992.
- Mémoires d’une survivante. Éd. originale Albin Michel, 1982. / Livre de Poche, 1996.
- Les Chats en particulier. Éd. originale Albin Michel, 1984. / Livre de poche, 2000.
- Journal d’une voisine. Éd. Albin Michel, 1985.
- Les Carnets de Jane Sommers. Éd. originale Albin Michel 1985. / Livre de poche, 1996.
- La Terroriste. Éd. originale Albin Michel, 1986. / Livre de Poche, 1997.
- Le Vent emporte nos paroles. Éd. originale Albin Michel, 1987/2000.
- La Descente aux enfers. Éd. Albin Michel, 1988.
- La Madone noire. Éd. Albin Michel, 1988.
- Le Cinquième Enfant. Éd. originale Albin Michel, 1990/2000/ Livre de Poche, 1993.
- L’Habitude d’aimer. Éd. originale Albin Michel, 1992. / Livre de Poche, 1994.
- Notre amie Judith. Éd. originale Albin Michel, 1993/2000/ Livre de poche, 1995.
- Rire d’Afrique. Éd. originale Albin Michel, 1993/2000.
- Dans ma peau. Éd. Livre de Poche, 1997.
- L’Amour encore. Éd. Livre de Poche, 1998. / Albin Michel, 2000.
- Vaincue par la brousse. Éd. 10/18, 1999.
- L’Ecclésiaste. Éd. Mille et une nuits, 2000.
- Nouvelles de Londres. Éd. originale Albin Michel, 2000. / Livre de poche, 2002.
- La Marche dans l’ombre. Éd. originale Albin Michel, 2000. / Livre de poche, 2001.
- Mara et Dan. Éd. Flammarion, 2001.
- Le Monde de Ben. Éd. Flammarion, 2001.
- Shikasta. Éd. Le Seuil.
- Un Homme et deux femmes. Éd. 10/18.
- Mariages entre les zones 3, 4 et 5. Éd. Le Seuil.
- Les grand-mères, Ed. Flammarion, 2005

Les âmes pures


"La petite fille de Monsieur Linh" Philippe Claudel. Roman. Editions Stock, 2005



« C'est un vieil homme debout à l'arrière d'un bateau. Il serre dans ses bras une valise légère et un nouveau-né, plus léger encore que la valise. Le vieil homme se nomme Monsieur Linh. Il est seul à savoir qu'il s'appelle ainsi car tous ceux qui le savaient sont morts autour de lui.
Debout à la poupe du bateau, il voit s'éloigner son pays, celui de ses ancêtres et de ses morts, tandis que dans ses bras l'enfant dort. Le pays s'éloigne, devient infiniment petit, et Monsieur Linh le regarde disparaître à l'horizon, pendant des heures, malgré le vent qui souffle et le chahute comme une marionnette. »


C'est ainsi que commence l'exil de Monsieur Linh. Dans sa valise, en plus de quelques vieux vêtements, se trouve un sac de toile renfermant une poignée de terre de son pays ainsi qu'une ancienne photo ternie le représentant dans sa jeunesse, posant en compagnie de sa femme aujourd'hui défunte.

Mais le trésor le plus précieux que détient Monsieur Linh, c'est le bébé qu'il porte dans ses bras, sa petite-fille. Il l'a trouvée un soir, miraculeusement indemne, au bord du cratère où gisaient les cadavres de son fils et de sa belle-fille.
N'ayant plus que cet enfant pour toute famille, Monsieur Linh a décidé de quitter son pays en guerre afin d'assurer à sa petite-fille un avenir où lui seraient épargnées les menaces perpétuelles dues au conflit armé qui fait rage depuis tant d'années.


Il a donc marché jusqu'à la mer, avec sa valise et son bébé dans ses bras. Comme tant d'autres, il a pris un bateau pour ailleurs, vers un pays inconnu qui pourra les accueillir, lui et sa petite-fille.
Il arrivera quelque part, après un long voyage, dans une grande ville occidentale où il sera pris en charge par les services de l'immigration qui le placeront dans un foyer.
Perdu dans un pays dont il ne connaît ni la langue ni les usages, Monsieur Linh va s'occuper avec une tendresse et une dévotion infinies du nourrisson dont il a la charge.


Contraint de sortir de son isolement afin d'aérer le bébé, Monsieur Linh va franchir les portes du foyer et faire quelques pas à l'extérieur pour tenter d'apprivoiser les méandres de cette ville inconnue qui l'a accueillie en son sein.
Il va peu à peu s'enhardir, allonger ses promenades et faire la rencontre d'un autre solitaire, Monsieur Bark, avec qui il va tisser progressivement des liens d'amitié. Les deux hommes ne parlent pas la même langue mais c'est avec le langage du coeur qu'ils sauront se faire comprendre l'un de l'autre.


Ainsi va commencer une histoire d'amitié exceptionnelle entre deux personnages qui à priori n'ont rien en commun. Mais toutes les belles histoires ont un revers et Monsieur Linh va devoir affronter l'indifférence et l'incompréhension de ses contemporains. Serrant sa petite-fille dans ses bras, il va devoir lutter pour obtenir le droit au bonheur, à la paix et à la liberté.


Pétri d'une humanité poignante,« La petite fille de Monsieur Linh » est un conte magnifique et bouleversant.
Philippe Claudel, avec ce roman, révèle une fois encore son immense talent à nous dévoiler des pans de l'humanité dans ce qu'elle a de plus profond et de plus émouvant. Il nous offre ici un conte universel sur l'exil, la solitude et les traumatismes que la guerre peut occasionner sur des âmes innocentes. En contrepoint, il nous livre un grand message d'espoir sur la complicité qui peut naître, par un simple regard ou par un geste désintéressé, entre des individus que séparent leurs cultures et leurs langues respectives.
Ouvrir un livre de Philippe Claudel, le lire, puis l'achever et le méditer, c'est faire un pas supplémentaire dans notre connaissance de la condition humaine, c'est accepter, c'est refuser, c'est sourire et c'est pleurer. C'est devenir plus humain.


L'avis de Moustafette, de Cathe, de Papillon, de Karoliina, de Rethymna.
Merci encore à Aériale de "Parfums de livres..." qui m'a gentiment prêté ce roman.

mardi 9 octobre 2007

En votre âme et conscience...


CONTRAT TACITE DES GENS QUI DORMENT


1) J'accepte la compétition comme base de notre système, même si j'ai conscience que ce fonctionnement engendre frustration et colère pour l'immense majorité des perdants.


2) J'accepte d'être humilié ou exploité à condition qu'on me permette à mon tour d'humilier ou d'exploiter quelqu'un occupant une place inférieure dans la pyramide sociale.


3) J'accepte l'exclusion sociale des marginaux, des inadaptés et des faibles car je considère que la prise en charge de la société a ses limites.


4) J'accepte de rémunérer les banques pour qu'elles investissent mes salaires à leur convenance, et qu'elles ne me reversent aucun dividende de leurs gigantesques profits (qui serviront a dévaliser les pays pauvres, ce que j'accepte implicitement). J'accepte aussi qu'elle prélèvent une forte commission pour me prêter de l'argent qui n'est autre que celui des autres clients.


5) J'accepte que l'on congèle et que l'on jette des tonnes de nourriture pour ne pas que les cours s'écroulent, plutôt que de les offrir aux nécessiteux et de permettre à quelques centaines de milliers de personnes de ne pas mourir de faim chaque année.


6) J'accepte qu'il soit interdit de mettre fin à ses jours rapidement, en revanche je tolère qu'on le fasse lentement en inhalant ou ingérant des substances toxiques autorisées par les états.


7) J'accepte que l'on fasse la guerre pour faire régner la paix.J'accepte qu'au nom de la paix, la première dépense des états soit le budget de la défense. J'accepte donc que des conflits soient créés artificiellement pour écouler les stocks d'armes et faire tourner l'économie mondiale.


8) J'accepte l'hégémonie du pétrole dans notre économie, bien qu'il s'agisse d'une énergie coûteuse et polluante, et je suis d'accord pour empêcher toute tentative de substitution, s'il s'avérait que l'on découvre un moyen gratuit et illimité de produire de l'énergie, ce qui serait notre perte.


9) J'accepte que l'on condamne le meurtre de son prochain, sauf si les états décrètent qu'il s'agit d'un ennemi et nous encouragent à le tuer.


10) J'accepte que l'on divise l'opinion publique en créant des partis de droite et de gauche qui passeront leur temps à se combattre en me donnant l'impression de faire avancer le système. j'accepte d'ailleurs toutes sortes de divisions possibles, pourvu qu'elles me permettent de focaliser ma colère vers les ennemis désignés dont on agitera le portrait devant mes yeux.


11) J'accepte que le pouvoir de façonner l'opinion publique, jadis détenu par les religions, soit aujourd'hui aux mains d'affairistes non élus démocratiquement et totalement libres de contrôler les états, car je suis convaincu du bon usage qu'ils en feront.


12) J'accepte l'idée que le bonheur se résume au confort, à l'amour, au sexe, et la liberté d'assouvissement de tous les désirs, car c'est ce que la publicité me rabâche toute la journée. Plus je serai malheureux et plus je consommerai: je remplirai mon rôle en contribuant au bon fonctionnement de notre économie.


13) J'accepte que la valeur d'une personne se mesure à la taille de son compte bancaire, qu'on apprécie son utilité en fonction de sa productivité plutôt que de sa qualité, et qu'on l'exclue du système si elle n'est plus assez productive.


14) J'accepte que l'on paie grassement les joueurs de football ou des acteurs, et beaucoup moins les professeurs et les médecins chargés de l'éducation et de la santé des générations futures.


15) J'accepte que l'on mette au banc de la société les personnes agées dont l'expérience pourrait nous être utile, car étant la civilisation la plus évoluée de la planète (et sans doute de l'univers) nous savons que l'expérience ne se partage ni ne se transmet.


16) J'accepte que l'on me présente des nouvelles négatives et terrifiantes du monde tous les jours, pour que je puisse apprécier a quel point notre situation est normale et combien j'ai de la chance de vivre en occident. je sais qu'entretenir la peur dans nos esprits ne peut être que bénéfique pour nous.


17) J'accepte que les industriels, militaires et politiciens se réunissent régulièrement pour prendre sans nous concerter des décisions qui engagent l'avenir de la vie et de la planète.


18) J'accepte de consommer de la viande bovine traitée aux hormones sans qu'on me le signale explicitement. J'accepte que la culture des OGM se répande dans le monde entier, permettant ainsi aux trusts de l'agroalimentaire de breveter le vivant, d'engranger des dividendes conséquents et de tenir sous leur joug l'agriculture mondiale.


19) J'accepte que les banques internationales prêtent de l'argent aux pays souhaitant s'armer et se battre, et de choisir ainsi ceux qui feront la guerre et ceux qui ne la feront pas. Je suis conscient qu'il vaut mieux financer les deux bords afin d'être sûr de gagner de l'argent, et faire durer les conflits le plus longtemps possible afin de pouvoir totalement piller leurs ressources s'ils ne peuvent pas rembourser les emprunts.


20) J'accepte que les multinationales s'abstiennent d'appliquer les progrès sociaux de l'occident dans les pays défavorisés. Considérant que c'est déjà une embellie de les faire travailler, je préfère qu'on utilise les lois en vigueur dans ces pays permettant de faire travailler des enfants dans des conditions inhumaines et précaires. Au nom des droits de l'homme et du citoyen, nous n'avons pas le droit de faire de l'ingérence.


21) J'accepte que les hommes politiques puissent être d'une honneteté douteuse et parfois même corrompus. Je pense d'ailleurs que c'est normal au vu des fortes pressions qu'ils subissent. Pour la majorité par contre, la tolérance zéro doit être de mise.


22) J'accepte que les laboratoires pharmaceutiques et les industriels de l'agroalimentaire vendent dans les pays défavorisés des produits périmés ou utilisent des substances cancérigènes interdites en occident.


23) J'accepte que le reste de la planète, c'est-à-dire quatre milliards d'individus, puisse penser différemment à condition qu'il ne vienne pas exprimer ses croyances chez nous, et encore moins de tenter d'expliquer notre Histoire avec ses notions philosophiques primitives.


24) J'accepte l'idée qu'il n'existe que deux possibilités dans la nature, à savoir chasser ou être chassé. Et si nous sommes doués d'une conscience et d'un langage, ce n'est certainement pas pour échapper à cette dualité, mais pour justifier pourquoi nous agissons de la sorte.


25) J'accepte de considérer notre passé comme une suite ininterrompue de conflits, de conspirations politiques et de volontés hégémoniques, mais je sais qu'aujourd'hui tout ceci n'existe plus car nous sommes au summum de notre évolution, et que les seules règles régissant notre monde sont la recherche du bonheur et de la liberté de tous les peuples, comme nous l'entendons sans cesse dans nos discours politiques.


26) J'accepte sans discuter et je considère comme vérités toutes les théories proposées pour l'explication du mystère de nos origines. Et j'accepte que la nature ait pu mettre des millions d'années pour créer un être humain dont le seul passe-temps soit la destruction de sa propre espèce en quelques instants.


27) J'accepte la recherche du profit comme but suprême de l'Humanité, et l'accumulation des richesses comme l'accomplissement de la vie humaine.


28) J'accepte la destruction des forêts, la quasi-disparition des poissons de rivières et de nos océans. J'accepte l'augmentation de la pollution industrielle et la dispersion de poisons chimiques et d'éléments radioactifs dans la nature. J'accepte l'utilisation de toutes sortes d'additifs chimiques dans mon alimentation, car je suis convaincu que si on les y met, c'est qu'ils sont utiles et sans danger.


29) J'accepte la guerre économique sévissant sur la planète, même si je sens qu'elle nous mène vers une catastrophe sans précédent.


30) j'accepte cette situation, et j'admets que je ne peux rien faire pour la changer ou l'améliorer.


31) J'accepte d'être traité comme du bétail, car tout compte fait, je pense que je ne vaux pas mieux.


32) J'accepte de ne poser aucune question, de fermer les yeux sur tout ceci, et de ne formuler aucune véritable opposition car je suis bien trop occupé par ma vie et mes soucis. J'accepte même de défendre à la mort ce contrat si vous me le demandez.


33) J'accepte donc, en mon âme et conscience et définitivement, cette triste matrice que vous placez devant mes yeux pour m'empêcher de voir la réalité des choses. Je sais que vous agissez pour mon bien et pour celui de tous, et je vous en remercie.


Si vous êtes contre, vous pouvez toujours mettre en oeuvre les ressources de l'amitié et de l'amour, de la fraternité et de la responsabilité partagée, réfléchir, concevoir, oser et tisser, comme le permet l'Internet... tout retard rapproche du néant.


Merci à CODE 1026 pour ce texte.

lundi 8 octobre 2007

Tandem


"Comment va la douleur ?" Pascal Garnier. Roman. Editions Zulma, 2006.



Il s'appelle Simon Marechall. Son activité professionnelle officielle consiste à éradiquer les nuisibles : rats, pigeons, puces, cafards, etc... Officieusement, Simon Marechall est tueur à gages.
C'est par hasard qu'il s'est arrêté dans cette petite ville thermale endormie de l'Est de la France. Et c'est par hasard également qu'il fait la rencontre de Bernard Ferrand, un jeune homme de vingt-deux ans, loser professionnel venu rendre visite à sa mère. Lorsque les deux hommes font connaissance dans un square, Bernard vient de perdre deux doigts dans un accident de travail.


«- Qu'est-ce qui vous est arrivé à la main ?
- Accident du travail. Un embauchoir. J'ai perdu deux doigts.
- Sale coup.
- Ca fait un peu mal, mais... c'est juste l'auriculaire et l'annulaire, je m'en servais jamais. Et puis c'est la main gauche, je suis droitier.
- Alors tout va bien ! Vous n'avez perdu qu'un peu de poids.
- C'est de ma faute. J'avais bu. J'ai pas mis la protection. Mais mon patron est sympa, il me reprend, à un autre poste, un peu moins payé, mais du boulot quand même. C'est une chance ! »


Profitant de sa convalescence, Bernard est venu rendre visite à sa mère, dépressive et alcoolique, ancienne commerçante dont toutes les affaires ont lamentablement échoué. Depuis, cette femme meurtrie par de multiples échecs s'enfonce peu à peu dans la déchéance, vivant dans son vieux magasin fermé, obscur et poussiéreux, abusant du Rhum Negrita. Son fils, mettant à profit son temps libre, et avec le peu de moyens dont il dispose, tente d'assister sa mère, de l'aider à sortir de son isolement et de lui faire reprendre pied dans la vie normale.


«- Tu veux plus de ta côtelette, maman ?
- Non, c'est trop gras.
-L'agneau c'est toujours un peu gras, c'est ça qui donne du goût. Tu manges rien.
-On peut pas tout faire, boire ou manger, faut choisir.
-Tu bois trop, tu fumes trop aussi. C'est normal que tu sois tout le temps fatiguée.
-J'aime bien être fatiguée, ça me repose. Qu'est-ce que tu vas faire aujourd'hui ?
-Je sais pas. Il fait beau, peut-être faire un tour au bord de l'eau. Tu veux que je te prépare une petite soupe aux légumes pour ce soir ? Tu aimes ça la soupe aux légumes.
-Si tu veux. Et ta main ?
-Ca va. J'ai été faire changer mon pansement ce matin chez le docteur Garcin. Il m'a demandé de tes nouvelles.
-Qu'est-ce que tu lui as dit ?
-Que ça allait.
-Tu sais pas mentir, toi, c'est bien.
-Et toi, qu'est-ce que tu vas faire ?
-Comme d'habitude, une bonne sieste avant d'aller me coucher. »


Simon Marechall va s'attacher au jeune homme et lui proposer de travailler pour lui. Ayant atteint un âge respectable, le tueur à gages va proposer à Bernard de l'engager comme chauffeur et de l'accompagner dans le Sud de la France où il doit accomplir son dernier contrat.

Bernard ignore bien évidemment la véritable profession de son ami et nouvel employeur et accepte sans hésitations la proposition de celui-ci. La rétribution financière s'avérant assez conséquente pour le jeune homme, l'affaire est faite et voilà nos deux comparses partis sur les routes de France en direction du Cap d'Agde.


Commence alors un road-movie semé d'imprévus, de rencontres fortuites et encombrantes, de paysages urbains aussi, que Pascal Garnier nous dépeint d'une plume acerbe et désenchantée.


« On aurait pu être n'importe où. Tous les abords de ville se ressemblent, partout dans le monde. Zones aléatoires, industrielles et commerciales, des non-lieux, terra incognita criblée de sigles lumineux promettant le bonheur éternel et absolu à tout acheteur de ceci ou de cela. Tant que l'on peut consommer, on est en vie. A en croire les innombrables véhicules stationnant avec la discipline d'une Panzer Division sur les parkings, on était en droit de se demander si le paradis était pour plus tard. Ici, on pouvait naître et mourir comme dans la vraie vie et tout cela en un temps record. »


Car plus qu'un polar, Pascal Garnier nous offre ici un roman d'atmosphère, un récit drôle et cruel, un petit bijou d'humour noir, de dérision et d'ironie que l'on imaginerait facilement adapté au grand écran par un Patrice Leconte qui aurait pris Michel Audiard comme dialoguiste.
« Comment va la douleur ? » est le premier roman que je lis de Pascal Garnier et il ne sera sûrement pas le dernier.
Merci à Aériale, de Parfums de Livres... qui m'a fait découvrir cet auteur.

mercredi 3 octobre 2007

Dans la beauté je marcherai...

Que mes pas me portent
dans la beauté
Que mes pas me portent
tout le long du jour
Que mes pas me portent
à chaque retour des saisons
Pour que la beauté me revienne
Beauté des oiseaux
Beauté joyeuse des oiseaux
Que mes pas me portent
sur le chemin gorgé de pollen
Que mes pas me portent
dans la danse des sauterelles
Que mes pas me portent
dans la rosée fraîche
Et que la beauté soit avec moi
Que mes pas me portent
vers la beauté qui me précède
Que mes pas me portent
vers la beauté qui me succède
Que mes pas me portent
vers la beauté du ciel
Que mes pas me portent
vers la beauté qui m'entoure
Que mes pas me portent
dans la vieillesse,
sur un chemin de beauté, vivifié,
Que mes pas me portent
dans la vieillesse
sur un chemin de beauté, vers une vie nouvelle,
Et dans la beauté je marcherai
Dans la beauté je marcherai...

Poème des Navajos

lundi 1 octobre 2007

Garden-Party


"Un été chez Voltaire" Jacques-Pierre Amette. Roman. Albin Michel, 2007



Dans la touffeur de cet été 1761, deux jeunes comédiennes italiennes arrivent au château de Ferney où les attend Voltaire. Zanetta Obozzi et Gabriella Capacelli ont été invitées par le philosophe afin de répéter une pièce écrite vingt ans plus tôt et dont le succès fut des plus mitigés : "Le fanatisme ou Mahomet le prophète."

Arrive aussi à Ferney, un officier prussien, le comte de Fleckenstein, envoyé par Frédéric II afin de négocier la paix – par l'entremise de Voltaire, de Mme de Pompadour et du duc de Choiseul – avec le roi Louis XV, traité qui mettrait fin à la Guerre de sept ans.

Se trouvent également chez le philosophe, le dessinateur-graveur et encyclopédiste Goussier, l'abbé de Pors-Even, ainsi que la petite fille du dramaturge Pierre Corneille, tragédien pour lequel Voltaire éprouve une admiration sans bornes.

Au cours de ces deux mois de juillet et d'aout vont se nouer des intrigues amoureuses, diplomatiques et philosophiques au sein du cadre idyllique et verdoyant du parc de Ferney.
Pendant ce temps Voltaire virevolte, s'agite, dirige les répétitions, rudoie ses comédiennes, se livre à un combat épistolaire éffrené avec Rousseau, ennemi déclaré du théâtre, se querelle avec l'abbé de Pors-Even à propos du message qu'il veut faire passer à travers sa tragédie.


« Au cours du souper qui fut exquis, Voltaire expliqua à ses invités :
- Vous croyez que Mahomet résonne d'un passé révolu mais la pièce présage des temps futurs, des temps nouveaux.
Pors-Even intervint :
- Vous ne risquez pas d'outrager la religion et ses ministres avec une telle tragédie ?
- Je n'outrage pas la religion que je professe et que je respecte. Et je ne comprends point ce qui peut ainsi allumer votre bile.
- En critiquant la religion musulmane, vous critiquez la pitié, le zèle, la charité du même coup. Vous ferez bientôt triompher messieurs les athées. Vous les Encyclopédistes, vous nous déclarez une guerre bien sournoise.
- Il n'y a rien de plus chrétien que mon Mahomet. Même le pape en convient qui me remercie de l'avoir écrit.
- Partout, les hérésies, les schismes, les recueils d'impiété, les blasphèmes de vos amis de l'Encyclopédie. Chaque tirade de votre Mahomet respire la révolte contre la religion et contre l'autorité. On expose sur le théâtre toutes les horreurs d'une morale qui a déjà culminé dans Tartuffe.
Pors-Even ajouta :
- Tremblez qu 'en combinant de telles tragédies, vos domestiques un jour ne vous plongent dans un cachot et vous n'en sortirez que pour être traîné place de Grève !
- Voilà une bien terrible déclaration, mon petit abbé, et je ne m'attendais pas à ça de vous. Ce qui est dans la nature humaine devrait vous effrayer. La vérité humaine ne m'effraie pas. Et je vous signale que les bûchers, l'inquisition sont toujours venus de vos amis jésuites. Mais arracher aux ecclésiastiques le droit de penser par soi-même est une tâche délicate !
- Vous construisez une église pour plaire à vos paysans et rassurer le pays, mais votre tâche et votre ambition sont claires, dans vos écrits vous poussez l'indignité jusqu'à comparer le règne idolâtre d'Auguste au siècle chrétien de Louis XIV...
- Je suis enchanté de votre colère ! Voilà qui va vous purger de ce teint cireux qui me déplaît tant chez vous.
- Comme l'Encyclopédie, votre tragédie mérite un procès. Vous et votre public vous êtes des sociniens, des ariens, des semi-pélagiens, des manichéens.
- Vous m'enchantez, Pors-Even ! Exterminons donc les philosophes ! Passons les à la broche !
Il prit un couteau et le glissa vers Pors-Even.
- Allez-y, percez-moi le coeur ! Tout est permis contre moi, puisque je dénonce les terribles crimes de la religion musulmane. Et ces pauvres diables de voyageurs qui ont les têtes fichées sur des piques devant les portes des villes arabes, vous y songez ? Tuez-moi ! Je veux bien ! Traitez-moi comme un ennemi de la religion, excitez les magistrats, ce n'est pas difficile, ils le sont de nature, et s'ils ne le sont pas, les circonstances les y poussent.
Mais Pors-Even s'échauffait :
- Toutes vos grandes tragédies sont ornées de magnifiques lieux communs sur les ridicules des religions et vous désignez...
- Je peux vous répondre l'abbé ?... Allez ! Percez-moi le coeur avec ce couteau ! Précipitez mon salut en m'expédiant plus vite en enfer. Flétrissez mes écrits, poursuivez-moi sans relâche tout en dévorant mes carpes, mes fricassées de volaille et en buvant mon vin du Rhône?
Repoussant le couteau sur la nappe entre les verres, Pors-Even dit :
- Le mot fanatisme vous plaît tant que vous l'appliquez indifféremment aux musulmans, aux chrétiens, à Zopire, à Omar, aux jansénistes, aux peuples d'Orient ou aux magistrats de Toulouse. Je sais que votre coeur balance, au fond, entre Dieu et Mammon.[...]
Et puisqu'il vous faut de l'argent, reprenait le prêtre en rajustant son rabat, sans cesse plus d'argent, vous noircissez de plus en plus de papier sous des faux noms et vous recevez de vos libraires des sommes que vous placez à Londres ou à Francfort, vous vous en prenez à nos usages ecclésiastiques parce que c'est un sujet qui plaît à vos amis libertins. En écrivant Mahomet, vous croyez rendre hommage à Corneille et Racine qui eux respectaient la religion. Mais il faut avoir une piété bien éclairée et bien rare pour démêler ce que vous pensez de la religion et ce qui sépare la bonne des mauvaises. Vous semez le doute sur toutes les religions, et comme Molière dans son Tartuffe, votre entreprise de confusion avance si bien qu'on arrive plus à démêler le faux du vrai croyant. Vous ne travaillez pas doucement à la sape de nos croyances, mais vos vers et vos tragédies renversent et brûlent toute croyance pour nous mener grand train jusqu'à la barbarie la plus totale ! Bonsoir !
Pors-Even se leva si brusquement qu'il en renversa sa chaise.
- N'oubliez pas de rédiger votre sermon pour dimanche ! Lui lança Voltaire. »


Pendant ce temps, les tractations entre Frédéric II et Louis XV à propos de l'éventuel traité de paix s'enlisent dans la langueur estivale, le libertinage des uns ou l'indifférence des autres. Voltaire, qui entretient une coresponadance régulière avec frederic II de Prusse, s'insurge contre ces atermoiements :


« A la cour de Versailles, on apprend à cinq heures du soir la mort de cinq à six mille hommes puis on va gaiement à l'opéra à cinq heures et quart. Ainsi va le meilleur des mondes ! Il ne faut jamais mêler aux affaires une friponne (Mme de Pompadour) qui traite les malheurs de son royaume comme des querelles de chiens occupés à se mordre la queue. Qu'on mène à la boucherie une armée florissante ne trouble pas ce genre de marionnette en jupons. »


Mais le pacifisme du philosophe est-il une manifestation de son humanisme ou plus prosaïquement l'intention de sauvegarder ses avoirs financiers ? Dans l'éventualité d'un échec des négociations, échec dont la conséquence serait un démantèlement de la Prusse par l'Autriche et la Russie, qu'adviendrait-il, en effet, des sommes engagées par le philosophe à Francfort ou à Potsdam ?


Quant à Zanetta,l'une des deux comédiennes italiennes engagées par le philosophe, après avoir essuyé les réprimandes du vieil homme, elle découvre grâce à celui-ci que l'art dramatique n'est pas uniquement un plaisant divertissement mais qu'il peut aussi être le vecteur de messages politiques et philosophiques visant à transformer la société de son temps.


« Voilà que certains mots de Voltaire sur le fanatisme avaient touché son esprit. Sa disposition naturelle était de considérer le théâtre comme un simple divertissement. Depuis son enfance, on riait sur ds tréteaux, et puis les vues du philosophe l'avaient touchée. Des petites questions mordantes lui revenaient par moments... Voltaire avait semé le doute dans sa foi, il voulait aussi se rendre maître des bêtes féroces, se délivrer des tyrannies qui viennent naturellement aux hommes et il était persuadé que le théâtre était susceptible de changer la nature humaine. Quelle étrange idée. Cet homme, à son âge, ne donnait aucune prise à la lassitude. Il y avait en lui une tension, une intelligence, un nerf à vif.
Elle se dit qu'elle n'avait jamais envisagé son métier comme utile pour l'avenir du genre humain, mais les plaidoyers de Voltaire lui dévoilaient quelque chose. »


Mais au terme de la première représentation de Mahomet jouée dans le parc de Ferney, elle saura aussi ôter les illusions du vieil homme quant au désintérêt du public envers sa tragédie dont il espérait qu'elle serait accueillie avec enthousiasme par les foules.


«- [...] Dites-moi, pourquoi ma tragédie n'a-t-elle point intéressé autant de gens ?
Il faut être en condition pour aimer les querelles de rois, de princes, de chérifs dans des pays si lointains.
- Vous désapprouvez mes travaux ?
- Les travaux champêtres préparent mal à apprécier Cinna ou à démêler ce qui distingue un beau vers d'un mauvais... Le parterre goûte mieux les histoires de cocus.
- Les histoires de cocus, dites-vous ?... Mais, Zanetta, le théâtre est la seule chose qui nous distingue des autres nations...
- A Versailles.
- Vous avez été touchante dans le rôle de Palmire.
- Les gens préfèrent le genre comique.
- Vraiment ?
- Ils se sont endormis.
- Tous ?
- Presque. Et j'ai vu de légers sourires, vous savez...Un homme en turban qui hurle en vers et manie la hache...
- Que vous dire ? Retournez à la barbarie.
- Si vous voulez récolter beaucoup d'applaudissements dans les campagnes, je crois qu'il faudra faire l'éducation de vos paysans, de vos bûcherons, de vos cuisiniers et de vos modestes vachères.
- Elles préfèrent la pantomime ?
- Je crois... Vos honnêtes domestiques préfèrent le tripot, l'écarté, un cruchon de vin blanc, bourrer une pipe. Les grands seigneurs de France comprennent eux la noblesse des actes. La gloire ! Les grandes actions ! Ils savent de quoi il s'agit... Ils se rêvent en toge... Enfin, tout ceci est une bagatelle. Dans vingt ans, nous serons ficelés dans le même sort.
- Comment cela ?
- Morts. »


« Un été chez Voltaire », le dernier roman de Jacques-Pierre Amette, sous son aspect faussement léger, insouciant et délicat, dont l'atmosphère rappelle les toiles de Watteau, est en fait un récit d'une troublante actualité.

Par sa réflexion sur les fanatismes religieux, le rôle de la culture dans la société ainsi que son appropriation par les classes les plus nanties, les conflits armés dont la prolongation ou la conclusion dépendent d'intérêts économiques ou de l'indifférence des masses, le roman de Jacques-Pierre Amette nous invite, en nous tendant le miroir d'un Siècle des Lumières parfois bien obscur, à nous pencher sur le présent et le devenir de notre civilisation, elle aussi en proie aux mêmes menaces que celles décrites dans cet ouvrage.

A travers le personnage de Voltaire, figure pétrie de contradictions, il nous met face à nos propres hésitations, à nos propres ambiguïtés devant les défis politiques et philosophiques auxquels nous nous trouvons aujourd'hui confrontés.