vendredi 29 décembre 2006

Polar islandais


LA CITE DES JARRES. Arnaldur INDRIDASSON. Roman.Editions Métailié 2005
Traduit de l'islandais par Eric Boury.


"Tout ça, ce n'est rien d'autre qu'un foutu marécage."

Erlendur Sveinsson, inspecteur de la police criminelle



L'inspecteur Erlendur a tout pour être grincheux. Sa femme l'a quitté de puis longtemps et ne lui adresse plus la parole, il n'a jamais de nouvelles de son fils, sa fille se débat dans ses problèmes de toxicomanie et il ressent de plus en plus souvent des douleurs dans la poitrine. Serait-ce le cancer du fumeur? Autour de lui, son univers familier semble tomber en miettes. La seule chose à laquelle il peut se raccrocher, c'est son boulot d'enquêteur. C'est alors que , dans un quartier paisible de Reykjavik, un vieil homme est assassiné, apparemment par un rôdeur qui s'est infiltré dans son appartement.Mais Erlendur découvre dans l'ordinateur de la victime une impressionnante et répugnante collection de photos et de films pornographiques puis dans un tiroir la photo de la tombe d'une enfant de quatre ans. L'homme assassiné s'avère avoir commis plusieurs viols par le passé. Erlendur, vieux flic solitaire et désabusé, peu convaincu par l'hypothèse du rôdeur, va tout mettre en oeuvre pour retrouver l'assassin de cet homme au passé immonde et en comprendre le mobile.

Arnaldur INDRIDASSON, écrivain islandais, nous entraîne dans un Reykjavik crépusculaire bien éloigné des clichés touristiques. Il signe ici un polar noir, nous faisant toucher l'horreur d'un ton détaché et glacial qui n'est pas sans rappeler le style des Sagas médiévales islandaises.

La Cité des Jarres a obtenu le Prix Clé de Verre du Roman Noir Scandinave. Un polar remarquablement maîtrisé, d'une force et d'une tension peu communes.

lundi 18 décembre 2006


Le planning de Louis XIV


LE ROI-SOLEIL SE LEVE AUSSI. Philippe BEAUSSANT. Essai.Gallimard, 2OOO



Musicologue et romancier, Philippe Beaussant est l'auteur, entre autres, de biographies de Lully, Couperin, Rameau, Monteverdi...Il est également le fondateur du Centre de Musique Baroque de Versailles.

Dans cet essai consacré à Louis XIV , il nous invite à suivre une journée du Roi-Soleil, de son réveil à son coucher, nous révélant par petites touches les différents aspects, souvent méconnus, de la personnalité du plus célèbre des Rois de France. Il met fin à nombre d'idées reçues sur le monarque qui incarne le Grand Siècle, et répond à nombre d'interrogations à priori triviales: pourquoi le port de la perruque? pourquoi le Roi s'exhibe aux yeux de la Cour en dansant seul sur scène, incarnant Apollon où Alexandre le Grand ? pourquoi les audiences sur la chaise percée ? etc... Philippe Beaussant décortique une à une toutes ces questions pour dresser le portrait d'un personnage conscient de sa double nature: sa condition d'être humain mortel soumise à la maladie, la vieillesse et la mort, et son statut de monarque incarnant la royauté suprême, intercesseur entre Dieu et les hommes, responsable du destin d'une nation.
C'est donc à une véritable plongée dans la mentalité et les moeurs du Grand Siècle que nous entraîne Philippe Beaussant, nous livrant une image dépoussierée des us et coutumes du XVIIè siècle, du quotidien des puissants et des humbles attachés à leurs services, d'un Roi tributaire et respectueux de sa fonction mais aussi "metteur en scène" de celle-ci. Passionnant.

vendredi 15 décembre 2006

Inuits et Vikings






LE GARCON QUI VOULAIT DEVENIR UN ÊTRE HUMAIN . Jorn RIEL. Roman. Gaïa Editions, 2002. Traduit du danois par Susanne Juul et Bernard Saint Bonnet.



En Islande vers l'an Mil, Leiv, un jeune viking , apprend l'assassinat de son père par son rival , Thorsteinn Gunarsson. Bien déterminé à venger le meurtre de son géniteur, il embarque clandestinement à bord du drakkar dans lequel Thorsteinn - condamné à trois ans d'exil pour expier l'assassinat - s'est embarqué en direction du Groënland afin de s'y installer.
Mais le voyage s'avérera plein d'imprévus et de dangers. Le destin de Leiv en sera profondément bouleversé et il fera auprès des Inuit, les "êtres humains", l'apprentissage de la fraternité, du partage, et de l'amitié.
Avec "Le garçon qui voulait devenir un être humain", Jorn Riel, le plus septentrional des écrivains, nous entraîne dans un monde fascinant dont le style narratif s'inspire du ton traditionnel des sagas islandaises. Avec ce roman initiatique, il entraîne les lecteurs, petits et grands, dans un fabuleux roman d'aventures ayant pour toile de fond la confrontation entre deux cultures radicalement différentes mais qui, face à l'adversité et au danger, sauront tirer profit de leurs connaissances respectives et offrir le meilleur d'elles mêmes.

Loin derrière les tranchées...


LE SANG NOIR . Louis GUILLOUX. Roman. Gallimard 1935


"Ce livre tendu et déchirant, qui mêle à des fantoches misérables des créatures d'exil et de défaite, se situe au delà du désespoir et de l'espoir." (Albert CAMUS.)


L'action de ce roman se situe en 1917 dans une petite ville de province. Dans l'espace d'une journée, nous suivons les agissements de diverses personnes gravitant autour du personnage central: Mr. Merlin, professeur de philosophie surnommé "Cripure" (contraction de "Critique de la Raison Pure.")
Au cours des vingt quatre heures dans lesquelles se déroule le roman de Louis Guilloux, le lecteur fait la connaissance d'une galerie de personnages tous plus pathétiques les uns que les autres. Ce petit monde de notables gorgés d'autosuffisance transpire la bêtise et la méchanceté.
Alors que sur le front, la jeunesse du pays se fait hardiment massacrer, que les premières mutineries éclatent, les protagonistes de ce roman , officiers d'opérette, instituteurs va t'en guerre et autres "planqués" se gargarisent de tirades héroïques et patriotiques qui n'abusent qu'eux mêmes et leurs semblables.
Cripure, personnalité anti -conformiste, pétri de contradictions, personnages hors norme pour toute cette élite bien pensante , deviendra leur victime expiatoire.
Louis Guilloux, avec "Le Sang Noir", a offert à la littérature française de l'entre-deux guerres une oeuvre puissamment charpentée, un abîme de noirceur et de désespoir.
S'il fallait décider, sur les étagères d'une bibliothèque, d'un emplacement pour le roman de Louis Guilloux, ce serait entre le "Voyage au bout de la Nuit" de Céline et "Les Ames Grises" de Philippe Claudel.

jeudi 14 décembre 2006

Le Viol de l'Histoire.




En début de semaine s'est tenue à Téhéran, sous la férule du président iranien Mahmoud Ahmadinejad, une conférence visant à déterminer la "vérité "sur le génocide juif durant la seconde guerre mondiale. Soixante-sept "chercheurs", originaires d'une trentaine de pays, dont, entre autres, l'australien Friedrich Töben , le français Robert Faurisson, tous deux négationnistes convaincus, ainsi que l' américain David Duke, ex-dirigeant du Ku Klux Klan,ont participé à cette conférence. Tout ce beau monde s'est donc réuni afin de nier en bloc une évidence historique: le massacre à l'échelle industrielle de six millions d'êtres humains.
Au vu de cette parodie de conférence scientifique, on peut se demander si l'étude de l'Histoire, c'est à dire l'analyse objective de faits survenus dans un passé plus où moins proche, pourra un jour résister aux diverses tentatives d'interprétations que l'on peut en faire afin de servir des arguments idéologiques de tout poil. L'Histoire est écrite par les vainqueurs et il est vrai que depuis la plus haute antiquité, peu de nations ont échappé à la tentation de réinterpreter le fait historique en faveur d'une propagande politique et/ou religieuse. Mais, à l'heure où l'étude de l'Histoire, s'appuyant sur de nombreuses études scientifiques s'efforce de déterminer au plus juste une vision cohérente du passé, on peut s'étonner que certains en soient encore à tenter de réécrire celui-ci d'une manière plus que douteuse, quitte à se vautrer dans le ridicule et l'abjection. S'il ne s'agissait que de prétendre que les statues de l'île de Pâques sont d'origine extra-terrestre ou qu'Elvis Presley est toujours vivant, la plaisanterie serait un moindre mal ; mais tenter de faire disparaître d'un coup de baguette magique six millions de victimes, c'est faire preuve de stupidité et d'ignominie. N'en déplaise aux négationnistes, il existe encore des rescapés des camps de la mort qui ne sont pas des comédiens appointés par les services secrets américains et israëliens. Auschwitz, Treblinka, Dachau ne sont pas des décors de carton-pâte hollywoodiens mis en place par les alliés à la fin de la seconde guerre mondiale.
Bien heureusement, la majorité ( enfin, je l'espère) des gens sains d'esprit ne sont pas dupes de ces sinistres théories qui sont à l'Histoire ce que les graffiti de pissotières sont à la littérature. Ces prétendus "chercheurs" de la conférence de Téhéran ne sont en fait que des pornographes de l'Histoire.
"On peut violer l'Histoire, écrivait Alexandre DUMAS, mais à condition de lui faire de beaux enfants." C'est ce qu'à bassement tenté de faire cette semaine l'Internationale du négationnisme, mais à coup sûr, ses tentatives n'engendreront que veulerie et monstruosité.

lundi 11 décembre 2006

Mégalithes


HAÏKU DES PIERRES. Pierre CONVERSET-Jacques POULLAOUEC.Beaux livres. Apogée 2006.


Ce très beau livre de photographies consacré aux mégalithes de Carnac (Morbihan) nous invite à une promenade poétique au milieu de ce vaste ensemble de plus de 4000 pierres dressées entre 5000 et 2000 avant J.C. et qui fait de ce site un endroit unique au monde. De cette armée de pierres dressées sur plus de quatre kilomètres, Pierre CONVERSET a réalisé de superbes photographies où la lumière effleure les asperités du granite, sculptant des formes éphèmères,et où la brume du petit jour donne à ces géants de plusieurs tonnes des aspects cotonneux et ethérés. Au fil des pages, chaque cliché incite à la contemplation silencieuse de ces instants d'éternité minérale. En regard de ces photographies on pourra savourer les haïku de Jacques POULLAOUEC, poétiques , méditatifs, mais aussi pleins d'humour.
Un superbe ouvrage à feuilleter, à contempler et à rêver.
A signaler: ce livre est préfacé par Yves COPPENS.

dimanche 10 décembre 2006

Une vérité qui dérange.




Vous connaissez la parabole du bûcheron qui scie la branche sur laquelle il est assis? C'est exactement ce qui est en train de nous arriver. Le film d'Al GORE, ex-futur président des Etats-Unis, tire la sonnette d'alarme sur les risques du réchauffement climatique et nous met face à nos responsabilités.

S'appuyant sur les résultats d'études scientifiques menées partout à travers le monde, il lève le voile sur la volonté délibérée des politiques , asservis aux lobbys financiers, de nous celer la vérité sur les conséquences catastrophiques de l'impéritie de notre civilisation basée sur le profit immédiat, le gaspillage des richesses naturelles et le mépris de l'environnement.

Certains pourront penser que ce film se veut trop alarmiste. Pourtant les faits sont là : déreglements climatiques, fonte des glaces, extinction de masse des espèces animales, apparition de nouveaux virus, etc...

Quant à ceux qui pensent que les conséquences du réchauffement climatique ne seront sensibles que dans un avenir plus ou moins lointain, les scientifiques nous prédisent des bouleversements catastrophiques d'ici une décennie si nous ne mettons pas un frein à notre comportement consumériste. S'il n'hésite pas à taper sur les doigts des politiques - en particulier sur l'administration du gouvernement BUSH qui refuse toujours de ratifier les Accords de Kyoto -Al GORE nous tend un miroir et nous invite à changer nos habitudes , à moins consommer et à respecter notre environnement. Si nous nous y mettons tous, les politiques et les groupes financiers suivront. Il nous faut appliquer le célèbre adage : "Si tu veux changer le monde, commence par toi-même."

"Une vérité qui dérange" est un film à voir d'urgence, qui nous invite à méditer, à réagir et à agir avant qu'il ne soit trop tard.


"Rien ne tue plus sûrement la pensée, la créativité, le rêve, la lucidité ou le délire que le travail intensif, l'efficience, l'amour frénétique du gain, la course au profit et aux boulots profitables." (Jacques STERNBERG)

vendredi 8 décembre 2006

C'était beau l'An 2000


"Mes plus beaux souvenirs, ce sont ceux du futur" (Salvador DALI)

Qu’ il semblait beau l’An 2000 quand j’avais dix ans. Je dévorais des comics de science -fiction que je me procurais sur les étals des bouquinistes du marché. Dans la majorité de ces publications ,on me décrivait un avenir radieux qui commencerait , croyais-je naïvement, au matin du 1er janvier 2000. Dans ce monde utopique, mes frères humains et moi vivions tous dans de grands appartements au sommet de tours vertigineuses et translucides. Nous portions tous des vêtements semblables, curieux hybrides de pyjama et de combinaison spatiale. Tout le monde vivait en harmonie mais nous avions quand même, attaché à notre ceinture, un pistolet à rayon laser au cas où viendraient à débarquer de redoutables extra-terrestres macrocéphales aux yeux globuleux et dotés généralement d’une carnation de teinte verdâtre. Bref, nous portions une arme afin de bien faire comprendre à d’éventuels agresseurs que nous vivions ,certes , dans la paix et l’harmonie, mais que cela ne faisait pas de nous pour autant des lopettes.
Nous étions tous très beaux, la trentaine athlétique,sportifs et cultivés. Pas de vieillards, sauf bien évidemment les savants et les vieux sages à barbe blanche qui, eux, portaient une toge. Les conditions requises pour être l’un de ces derniers étant bien évidemment d’être sage donc vieux... et vice-versa.
Nous passions la majeure partie de nos journées mollement étendus sur de larges banquettes à visionner des programmes de télé holographique tandis qu’un androïde discret et dévoué nous servait des cocktails tout en passant l’aspirateur , en préparant le prochain repas et en répondant au téléphone. C’était merveilleux, personne ne travaillait. Cette tâche dégradante était désormais dévolue aux robots, ces prolétaires du XXIè siècle.
S’il nous prenait envie de partir en promenade, un petit tour d’aéronef et nous pouvions pique-niquer au sommet du Kilimandjaro ou au Grand Canyon.
L’An 2000, c’était le bonheur.
Malheureusement, dans la réalité, il en a été tout autrement.
2001, qui (si j'en crois mes classiques) aurait du être l’Odyssée de l’Espace et qui devait nous ouvrir les portes du deuxième millénaire, restera dans la mémoire collective l’année où se sont imposées sur les écrans de télé de toute la planète les images du World Trade Center pulvérisé en l’espace de quelques heures.
La grande fraternité de l’espèce humaine que nous avions imaginé, cette « mondialisation » des esprits dont nous avions rêvé, cette utopie où nous étions tous égaux et tous frères n’était somme toute que naïveté de notre part. Le communautarisme refait surface et les intégristes de tout poil,qu’ils soient chrétiens ou musulmans affûtent leurs couteaux en prévision d’une confrontation à côté de laquelle les croisades médiévales ressembleront à un concours de broderie.
Finalement,de tous nos fantasmes sur l’An 2000, une seule chose s’est avérée en partie vraie: nous sommes de moins en moins nombreux à travailler. Le problème, c’est que nous ne l’avons pas voulu, ce désoeuvrement. Alors à qui la faute? Sûrement pas aux entreprises qui délocalisent à tout va, ni à la mondialisation, et encore moins aux politiques. Non, si deux millions de personnes se retrouvent sans emploi,c’est parce qu’elles ne sont pas assez « flexibles »,pas assez « mobiles », pas assez « réactives ». Alors que faire? Peut être accepter les tâches que nous pensions réservées aux androïdes, nos ex-futurs amis corvéables à merci . Alors ne parlons plus de robots , plus la peine, nous avons le CPE , le CESU et les CES.
Bref, il est bel et bien mort et enterré l’An 2000 que j’imaginais dans mes jeunes années et j’ai bien peur que- à l’heure où 48% des français ,d’après un récent sondage, pensent qu’ils pourraient un jour devenir SDF, j’ai bien peur donc que les grandes tours de verre des cités futuristes de mon enfance ne se métamorphosent en bidonvilles.

jeudi 7 décembre 2006


"Les chats ont de la veine: l'obscurité ne les empêche pas de lire." (Louis SCUTENAIRE)

mercredi 6 décembre 2006


"Shakespeare n'a jamais existé. Toutes ses pièces ont été écrites par un inconnu qui portait le même nom que lui."
(Alphonse ALLAIS)

mardi 5 décembre 2006

La République de la Vertu


La Terre est ronde. Armand SALACROU. Théâtre. Gallimard.

Cette pièce de théâtre créée par Armand Salacrou en 1938 se déroule dans la ville de Florence de 1492 à 1498. Deux soeurs, Faustina et Luciana, filles de Minutello, riche marchand de laine sont courtisées par deux jeunes hommes volages, Bartholomeo et Silvio. Leur père, Minutello, garant de leur vertu, s'oppose à ces relations.
Pendant ce temps,le prieur de San Marco, frère Jérôme Savonarole attaque ouvertement dans ses sermons le pape Alexandre VI Borgia, l'accusant notamment de simonie.
Quelques temps plus tard, Silvio qui a su gagner le coeur de Luciana, la quitte pour suivre une danseuse gitane. Quant à Faustina,elle s'enfuit à Rome où elle devient la maîtresse d'un Cardinal. Luciana, résignée après avoir été abandonnée par Silvio , conseillée par Uderigo l'astrologue, épouse Manente, un riche pharmacien d'une quarantaine d'années.
Les troupes françaises, conduites par le Roi Charles VIII, investissent Florence avec la bénédiction de Savonarole qui voit en le roi de France l'envoyé de Dieu venu venu remettre les italiens dans le droit chemin. Le pape tente d'établir un compromis avec frère Jérôme en lui offrant le titre de cardinal. Refus de Savonarole qui après le départ des français instaure à Florence la République de la Vertu.
Manente,le mari de Luciana se voit dénoncé par des enfants à la solde du prieur pour la détention d'un tableau de Botticcelli et d'un exemplaire d'Ovide. Le meneur de ces enfants délateurs n'est autre que Silvio,qui se fait dorénavant appeler Fra Silvio,et qui s'est converti aux idées de Savonarole. S'engage alors entre les deux anciens amants un dialogue où, malgré leurs positions respectives, leur amour l'un pour l'autre transparaît encore sous les signes d'incompréhension et les idéaux qui les opposent.
Deux ans plus tard, alors que Faustina revient rendre visite à son père, Fra Mariano, un franciscain porté sur la bouteille, Uderigo l'astrologue ainsi qu'un boucher de Florence sont surpris dans leur discussion par les enfants zélateurs de Savonarole et sont accusés par ceux-ci de complot contre la République de la Vertu. La cynique Faustina convainc alors Fra Mariano de défier Savonarole: afin de démontrer que le prieur de San Marco n'est pas inspiré par Dieu, les deux religieux devront aller au bûcher. Le survivant sera celui qui détient la vérité. Savonarole refuse le défi et c'est Fra Silvio qui montera sur le bûcher. Une averse orageuse met fin au jugement de Dieu. Le mécontentement populaire explose, Savonarole est arrêté, torturé puis pendu.
Cette pièce de théâtre met en scène à la fois l'histoire de Savonarole, celle de deux amants, ainsi que celle de la ville de Florence à un moment de son histoire.
Au moment de la création de cette pièce, beaucoup ont voulu y voir une allusion à la montée en puissance des régimes totalitaires.

Le dernier Païen


JULIEN La mort du monde antique. Claude FOUQUET. Biographie. Les Belles Lettres 1985

Ce livre qui se lit comme un roman retrace la vie racontée par lui-même de l'empereur Julien que ses adversaires chrétiens qualifieront du nom infamant d' "apostat".
Julien naît en l'an 332 à Constantinople. Il est le neveu de l'empereur Constantin, fils du demi-frère de celui-ci. A la mort de l'empereur en 337, ses trois fils font massacrer tous les membres de cette branche de la famille à l'exception de Julien et son frère Gallus. Les deux enfants ayant du leur salut à leur jeune âge furent exilés loin de Constantinople, à Makellon en Cappadoce. Julien est élévé dans le christianisme et reçoit le baptême mais ses précepteurs éveillent en lui un goût prononcé pour la culture et les lettres grecques.
En 347, l'empereur Constance II met fin à son exil. Il revient à Constantinople où il fréquente les plus célèbres philosophes de l'époque. En 351, Maxime d'Ephèse l'initie aux mystères païens et Julien se convertit secrètement au paganisme. En 355, son frère Gallus que l'empereur avait associé au pouvoir avec le titre de César est exécuté, accusé de complot. Julien part pour Athènes où il est initié aux Mystères d'Eleusis.
En 355,Constance le fait venir à Milan où il lui décerne le titre de César et l'envoie en Gaule afin de mettre fin à l'usurpation de Magnence et de stopper l'invasion des Alamans. Il fait ses premières armes et participe à la reconquête de Cologne. Il remporte en 357 une victoire décisive contre les Alamans à Strasbourg.
Ayant pris ses quartiers à Paris ,c'est là qu'en 360 ses armées le proclament Auguste. Julien(sous la pression de son armée ?) accepte ce titre qui fait de lui un usurpateur. Le conflit avec l'empereur Constance II semble inévitable.
Alors qu'il marche sur Constantinople,il apprend en 361 la mort de Constance qui l'a désigné comme son successeur.
Julien s'étant déclaré ouvertement païen,il proclame la tolérance religieuse pour tous.Il restitue leurs biens aux temples païens et met fin aux privilèges octroyés par ses prédécesseurs aux clercs chrétiens .Il veut doter le paganisme d'institutions semblables à celles qui ont fait la force du christianisme et ont permis son expansion.
Le prosélytisme païen de l'empereur lui attire l'hostilité des chrétiens. Entre les deux partis le ton monte.
En 362, l'empereur promulgue une loi excluant les chrétiens de l'enseignement. Le conflit religieux devient de plus en plus difficile et des massacres sont perpétrés par les deux partis. Des troubles religieux marquent le séjour de l'empereur à Antioche de 362 à 363. En 363, Julien prend la tête de l'armée pour combattre les perses, il remporte la victoire à Ctésiphon mais il est mortellement blessé lors d'un combat prés de Samarah.
Il meurt en conversant avec ses compagnons de l'immortalité de l'âme.
Dans ce livre, Claude Fouquet dresse le portrait d'un empereur érudit et utopiste, mystique et rationnaliste, ami des philosophes et attaché à une vision du monde pluraliste et tolérante. L'auteur tire ses sources des écrits de l'empereur et des témoignages de ses contemporains. Il nous restitue une image fidèle de ce que pouvaient être le monde et la pensée au cours du IVè siècle.

"J'ai pris un cours de lecture rapide et j'ai pu lire "Guerre et Paix" en vingt minutes. Ca parle de la Russie." (Woody ALLEN)

Bushido

GOYOKIN. L'Or du Shogun. Hideo GOSHA.1969.WILDSIDE FILMS
Ce chambarra (film de sabre japonais), réalisé par Hideo GOSHA, grand maître du genre, est un véritable chef d'oeuvre. Magnifiquement interpreté par Tatsuya NAKADAI (KAGEMUSHA, RAN), ce film sorti au Japon en 1969 pourrait avoir servi de modèle au PALE RIDER de Clint EASTWOOD . Au milieu du 19è siècle, Magobei, un samouraï désabusé est hanté par les images du massacre d'un village de pêcheurs perpétré par son clan et dont il a été le témoin et l'acteur involontaire. Alors qu'il s'apprête à vendre son sabre et à renoncer à son statut de guerrier, il apprend qu'une nouvelle tuerie se prépare. Il décide alors de tout faire pour empêcher ce nouveau massacre.
GOYOKIN est construit comme un western de Sergio LEONE, alternant de longues séquences méditatives avec des scènes où se déchaîne la violence. Les images sont d'une rare beauté, éclairées avec talent par Kozo OKAZAKI. Les personnages, prisonniers de leurs destins, évoquent les acteurs d'une tragédie antique où d'un drame shakespearien. On ne peut s'empêcher de penser, en regardant ce film, au ZATOICHI de KITANO, ainsi qu'au sublime "Après la pluie" de KOIZUMI.

Devoir de Mémoire

Le pianiste. Wladyslaw SZPILMAN. Récit. Pocket 2003. Traduit de l'anglais par Bernard Cohen.

Ce livre est à l'origine du film réalisé par Roman Polanski qui obtint la palme d'or au festival de Cannes en 2OO2.L'auteur y raconte son tragique destin pendant la seconde guerre mondiale dans le ghetto de Varsovie. En 1939, Wladyslaw Szpilman est un jeune et talentueux pianiste d'origine juive qui exerce son art sur les ondes de Radio Pologne.Il vit avec ses parents et ses deux soeurs et son frère.C'est à ce moment que les troupes allemandes envahissent la Pologne et font le siège de Varsovie.Après avoir vainement tenté de résister, la ville capitule le 27 Septembre 1939.Commence alors un long cauchemar pour les habitants juifs de Varsovie.Les humiliations en public en sont le prélude puis c'est la création du ghetto où sont entassés les juifs de la ville ainsi que ceux qui ont été déportés de l'ouest du pays.Très vite la misère et les privations s'installent. Wladyslaw et sa famille survivent tant bien que mal en accomplissant de menus travaux;Wladyslaw devient pianiste dans un café.C'est alors que s'organisent et s'intensifient les rafles dans le ghetto afin d'expédier les habitants vers les camps d'extermination.La famille Szpilman y échappe quelques temps mais est finalement conduite vers les camps de la mort.Wladyslaw est séparé de ses proches et sauvé du convoi par un des gardes de sa connaissance.Il ne reverra plus jamais sa famille.Le jeune pianiste est alors contraint de travailler pour l'occupant,il exécute des travaux de maçonnerie et de terrassement dans des conditions inhumaines.Se sachant condamné à la déportation à plus ou moins brève échéance, Wladyslaw,grâce à des amis ,réussit à se cacher dans un appartement du quartier aryen.Il est rapidement trahi et est contraint de changer de cachette.Il assiste à l'insurrection du ghetto et à sa destruction.Il erre dans les ruines de la ville assiégée par les troupes soviétiques, cherchant de la nourriture et des endroits où se dissimuler .Il est alors sauvé et ravitaillé par un officier allemand,Wilm Hosenfeld,un homme hanté par les atrocités commises par son peuple.Il pourra ainsi survivre jusqu'à la prise de la ville de la ville par les troupes soviétiques.Plus tard,il recherchera vainement l'homme qui l'a sauvé d'une mort certaine. Hosenfeld,prisonnier des soviétiques,mourra en captivité sept ans plus tard.

Chasse au trésor

Le cimetiere des bateaux sans nom. Arturo PEREZ REVERTE.Roman. Seuil 2004
Traduit de l'espagnol par François Maspero.

Coy est un marin désoeuvré. Suspendu pour une période de vingt mois pour une erreur de navigation, il erre dans les rues de Barcelone en épuisant ses dernières économies.
Afin de tromper son ennui, il a pour habitude d'assister aux ventes aux enchères d'objets nautiques. C'est au cours de l'une d'elles qu'il assistera à la lutte acharnée que se livrent deux acheteurs pour la possession d'un atlas cartographique du XVIIIè siècle. C'est à la fin de cette vente qu'il fera connaissance de ces deux personnages :la femme qui a remporté l'enchère se trouve menacée par l'acheteur éconduit. Coy, témoin de l'altercation, intervient et fait alors la connaissance de Tanger Soto, une femme fascinante, chercheuse au musée de la Marine de Madrid, ainsi que de son adversaire, un aventurier peu scrupuleux, spécialisé dans le renflouement d'épaves et qui semble porter un grand intérêt à l'atlas géographique qu'à acquis la jeune femme.
A partir du moment de cette rencontre, la vie de Coy va être bouleversée ; follement épris de cette femme mystérieuse, il la suivra dans sa quête du destin secret d'un navire affrété par la Compagnie de Jésus qui a disparu corps et biens,coulé par un navire corsaire en 1767, et autour duquel plane une aura de mystère.
S'engage alors une formidable chasse aux trésor où les indices se retrouvent éparpillés dans les bibliothèques et les musées .

Arturo Perez Reverte, l'auteur du "Club Dumas" et des "Aventures du Capitaine Alatriste" nous entraîne avec ce roman dans un folle aventure où l'on retrouve le souffle et les références des grands romans d'aventures maritimes. On ne peut s'empêcher de penser, en lisant ce livre, à Herman Melville, à Joseph Conrad, à Stevenson ainsi qu'à Patrick O'Brien.
On y perçoit aussi le désenchantement d'un marin devant la fin d'une époque où le positionnement par satellite a remplacé la navigation traditionnelle, basée sur l'observation des étoiles, où la loi du profit et le libéralisme ont transformé marins et capitaines en bussinessmen arrivistes.

lundi 4 décembre 2006

Le postulat de Frère Juniper

Le Pont du Roi Saint-Louis. Thornton WILDER.Roman. LGF Le Livre de Poche 2005

Traduit de l'américain par Maurice Rémon.

Le 20 Juillet 1714 à midi, le pont de la grand-route menant de Lima à Cuzco,"le plus beau pont du Pérou", s'effondre inexplicablement, entraînant dans la mort les cinq personnes qui au même moment étaient en train de le traverser.
Le seul témoin du drame est un missionnaire franciscain, frère Juniper,venu d'Italie pour convertir les indiens. Une question lui vient alors à l'esprit: "Pourquoi cela est-il arrivé à ces cinq personnes-là ?".Est ce là le signe de la volonté divine ?
Le franciscain déplorant le fait que la théologie ne trouve pas sa place parmi les sciences exactes trouve dans cet évènement dramatique l'occasion idéale de démontrer avec une rigueur toute scientifique l'existence de Dieu. Pour lui, le hasard n'a pas sa place dans cet accident. La mort simultanée de ces cinq personnes ne peut qu'être la preuve d'un dessein divin.
Afin de justifier son raisonnement il entreprend d'étudier la vie des victimes dans le but de trouver une raison à leur anéantissement commun.
Pendant six ans,il recherchera des indices dans les rues de Lima, questionnant et notant tous les témoignages qu'il pourra glaner sur l'existence des cinq disparus.
Au fur et à mesure de ses recherches, le lecteur découvre que ces cinq personnages n'ont rien de commun avec ce que l'on aurait pu imaginer au départ.
Il décrit en premier lieu la vieille marquise de Montemayor,une veuve solitaire qui entretient des rapports épistolaires avec sa fille partie vivre en Espagne et dont l'abondante correspondance en fera la Mme de Sévigné péruvienne. Sa servante prénommée Pepita sera aussi du nombre des victimes ainsi qu'un certain Esteban, jeune homme mélancolique et suicidaire. Sur le pont se trouve aussi un vieil aventurier amateur de théâtre,ancien mentor de la célèbre actrice Camilla Périchole, dont il accompagne le fils, Jaime, dans le but de le conduire à Lima afin de l'éduquer.
Ayant achevé ses investigations, frère Juniper, de même que le lecteur, s'apercevra que les portraits qu'il a tenté de faire de ces cinq victimes sont bien souvent en opposition avec les faits qu'il avait collectés au départ et sujets à maintes contradictions. Ses conclusions étayées par un système de statistiques prenant en compte des facteurs tels que la bonté, la piété et l'utilité des individus seront jugées hérétiques, ce qui vaudra au frère Juniper d'être condamné au bûcher.

A la recherche du paradis perdu.

Les Passagers Anglais. Matthew KNEALE.Roman. Pocket 2004
Traduit de l'anglais par Georges-Michel Sarotte.

A Londres en 1857, le révérend Geoffrey Wilson, inventeur de la théorie de la réfrigération divine et créationniste convaincu entend prouver au monde son postulat : le jardin d'Eden se trouve en Tasmanie, grande île située au sud de l'Australie.
Afin de démontrer son hypothèse, il organise avec le concours financier d'un riche mécène, une expédition vers les terres australes. Il se verra contraint d'accepter, pour le seconder, la compagnie d'un jeune botaniste désabusé ainsi que d' un médecin, auteur de sinistres écrits sur la supériorité des races blanches et parmi celles-ci, de la race britannique.
Les trois hommes embarqueront à bord de la "Sincérité" le bateau du capitaine Kewley, contrebandier de l'île de Man uniquement préoccupé de fuir les autorités britanniques et de revendre sa cargaison illicite.
L'expédition atteindra sa destination mais les trois "scientifiques", au fil des épreuves qui jalonnent leur itinéraire révéleront leur vraie nature.

Le roman de Matthew Kneale s'inscrit dans la tradition des grands romans d'aventures du XIXè siècle tout en y ajoutant, l'humour, la dérision et la critique des idéologies souvent douteuses qui fleurirent lors de l'expansion de l'impérialisme colonial des sociétés européennes. Le récit,dont la narration est confiée tour à tour à chacun des protagonistes donne lieu à une formidable galerie de portraits d'où ressort, outre celui de nos trois explorateurs, celui de Peevay l'aborigène en quête de la reconnaissance de sa mère, meneuse de la révolte contre l'envahisseur blanc et terreur des colons. La confrontation entre la culture tribale de Peevay et la société victorienne donnera lieu à de nombreuses péripéties d'où l'on pourra conclure que le sauvage n'est pas toujours celui que l'on croit.

"Les passagers anglais" est un roman cocasse et grave, érudit et passionnant, qui invite le lecteur à s'interroger sur le devenir des sociétés traditionnelles, sur les notions toutes relatives de "progrès "et de "civilisation" dont les sociétés occidentales aujourd'hui encore, tentent d'appliquer le modèle aux nations qualifiées pudiquement (et hypocritement) de "pays émergents".

Un mythe fondateur américain

WINGAPOH ! Georges WALTER.Roman. Phebus 1992


"Wingapoh!" signifie "salut!" en langage Algonquin. C'est par ce mot que les indiens de la baie de Chesapeake accueillent les premiers colons britanniques venus s'établir en Amérique du Nord à la fin du seizième siécle afin de s'y tailler un empire susceptible de concurrencer les établissements espagnols de Floride au Sud et les comptoirs français des rives du Saint-Laurent au Nord.
Ce passionnant roman de Georges Walter relate l'histoire des premières tentatives de colonisation britannique outre-Atlantique à travers la biographie d'un personnage devenu mythique, à savoir le capitaine John Smith, héros "civilisateur" de la fondation des Etats-Unis.

Loin des clichés véhiculés par Hollywood, Georges Walter s'est inspiré des écrits du capitaine Smith respectivement publiés sous les titres de: "Relation véritable concernant la Virginie, par un gentilhomme de ladite colonie" et "Histoire générale de la Virginie, des Bermudes et de Nouvelle Angleterre, par le capitaine John Smith,amiral de Nouvelle Angleterre."

John Smith naît et passe ses premières années dans le comté de Lincoln. Son père, Georges Smith, fermier de son état, souhaite faire de son fils un commerçant et le place en apprentissage chez un maître drapier des environs. Le jeune John Smith se rend rapidement rapidement compte qu'il n'a aucune vocation pour tailler des étoffes au fond d'une boutique et, à la mort de son père, il renonce à son héritage, traverse la Manche pour le continent où il devient soldat dans les guerres qui opposent protestants et catholiques tout d'abord en France puis dans les Flandres.
Il s'engage ensuite dans les troupes de l'empereur Rodolphe de Habsbourg afin de combattre les Turcs dans les Balkans où ses exploits militaires seront salués par le duc Sigismond Bathory.
En 1603 il est fait prisonnier par les tatars alliés des turcs et est vendu comme esclave. Il est offert à une jeune femme turque d'origine grecque avec qui il vivra une histoire d'amour sans espoir jusqu'à son évasion qui lui fera traverser les steppes jusqu'en moscovie.

De retour à Londres, il s'embarquera pour le nouveau monde où il deviendra l'un des fondateurs de la colonie de Jamestown en Virginie. Il devra se battre contre la faim et les cabales fomentées par ses compatriotes avides de pouvoir et attirés par les mythes de l'or prétendument détenu par les populations autochtones.
Au cours de ses expéditions dans le but de découvrir à travers les terres un passage vers l'océan Pacifique il fera la connaissance du grand chef Powhatan et de sa fille, la célèbre Pocahontas qui lui sauvera la vie à plusieurs reprises.

A partir de ce moment, la réalité s'oppose aux clichés convenus sur la fondation de l'Amérique : Smith ,devenu gouverneur puis amiral ne connaîtra que désillusions et déconvenues. La colonie de Jamestown s'épuise entre famine et mutineries. Smith, blessé accidentellement, devra être rapatrié en Angleterre. Les indiens ,victimes de la cruauté des européens deviendront hostiles à ceux ci .
Après de vaines tentatives de retour en Virginie, Smith fondera une colonie plus au nord dans une province qui prendra le nom de Nouvelle - Angleterre.
De retour à Londres , il tentera ensuite mais sans succès de retourner vers le nouveau monde.
Quant à la princesse indienne Pocahontas,elle deviendra la femme d'un planteur de tabac de Virginie. Ayant traversé l'Atlantique pour être présentée à la famille royale, elle mourra de maladie en Angleterre à la veille de son voyage de retour.
Pour Smith, l'histoire de l'Amérique se fera désormais sans lui, les négociants ayant pris le relais des explorateurs, ce sera la loi du commerce qui dictera les opportunités et les choix à suivre sur le nouveau continent.
Smith mourra quelques années plus tard,entouré de ses amis les plus fidèles le 30 Juin 1631, mais dans l'indifférence des autorités royales et financières pour qui il avait ouvert des débouchés qui allaient s'avérer dans l'avenir une source de bénéfices et de prestige incalculable.

Chronique d'un désastre

La bataille d'Azincourt.1415 Dominique PALADILHE.Essai. Académique Perrin Editions 2002


Dans ce livre, l'auteur nous décrit les causes, le déroulement et les conséquences de la bataille d'Azincourt qui se déroula le 25 Octobre 1415.
Dans les premiers chapitres sont exposées les raisons qui menèrent les deux royaumes à s'épuiser en une guerre fratricide qui dura cent ans : conquête de l'Angleterre en 1066 par Guillaume le Conquérant qui, de vassal du roi de France pour le duché de Normandie devient son égal en qualité de roi d'Angleterre; mariage de Henri II Plantagenêt avec Aliénor d'Aquitaine en 1152 qui apporte en dot au souverain anglais les provinces de Guyenne, Gascogne, Saintonge, Limousin, Périgord et Poitou sans oublier les droits de suzeraineté sur l'Auvergne et le Comté de Toulouse; conflit entre Philippe-Auguste et Jean sans Terre qui se conclut à la bataille de Bouvines. Conflit entre Henri III et Louis IX et bataille de Taillebourg qui se conclut par le traité de Paris (1259) où le roi d'Angleterre se voit contraint de renoncer aux provinces de Normandie, d'Anjou, de Touraine et de Poitou. Reprise des hostilités après la mort de Philippe le Bel en 1314 suivie des revendications successorales anglaises pour le trône de France par Edouard III, vainqueur à la bataille de Crécy le 26 Aout 1346. Défaite et emprisonnement de Jean le Bon à la bataille de Mauperthuis le 19 Septembre 1356 qui conduira au traité de Brétigny qui restituera au royaume d'Angleterre les provinces du Poitou, Angoumois, Saintonge, Limousin, Périgord,Agenais,Rouergue,Quercy,Bigorre,Guyenne,Ponthieu ainsi que la ville de Calais.

A la veille de la bataille d'Azincourt, le roi de France est Charles VI, le roi fou. Le royaume est divisé par des guerres intestines opposant Armagnacs et Bourguignons. Le roi d'Angleterre est Henri V qui profitant de la discorde régnant sur le royaume de France est résolu à s'emparer de celui ci et à asseoir sa souveraineté sur les deux royaumes.
Il débarque avec ses troupes en Normandie le 14 Aout 1415 et entreprend le siège d'Harfleur qui dure plus d'un mois et épuise son armée. Contraint de renoncer à ses projets de conquête, il tente de rejoindre Calais afin d'y regagner l'Angleterre.
L'armée française ayant eu vent du repli du roi d'Angleterre parvient à lui couper la retraite près d'Azincourt dans la province d'Artois. Les français, malgré l'opposition du duc de Bourgogne Jean sans peur, allié d'Henri V, s'unissent, Armagnacs et Bourguignons ensemble, pour en finir avec les prétentions anglaises sur le trône de France.
Leur évidente supériorité numérique (50 000 contre 15 000 anglais) semble leur assurer la victoire. Mais cet excès de confiance leur sera fatal.
Face aux archers anglais, la fine fleur de la chevalerie française sera laminée, victime des grossières erreurs stratégiques du connétable Charles d'Albret, faussement persuadé de sa proche victoire.
Cette défaite qui fit 10 000 morts du côté français décapita la noblesse du royaume et conduisit à la ratification de l'humiliant traité de Troyes qui fit du roi d'Angleterre l'héritier de la couronne de France.
Il faudra attendre 1429 pour que Charles,comte de Ponthieu,dernier fils de Charles VI se fasse sacrer à Reims sous le nom de Charles VII,aidé en cela par le courage d'une obscure bergère du nom de Jeanne d'Arc, pour que la France se redresse et mette fin à l'occupation anglaise lors de la bataille de Castillon.

Itinéraire d'un franciscain danois

Frère Jacob. Henrik STANGERUP.Roman. L'Olivier 1992. Traduit du danois par Frédéric Durand.







Henrik Stangerup, théologien, essayiste et romancier danois, né en 1937, a obtenu en 1982 le prix Amalienborg pour l'ensemble de son oeuvre. Son roman "Frère Jacob" se déroule au XVIè siècle et débute au Danemark au moment où la Réforme luthérienne se répand sur l'europe septentrionale, badigeonnant de blanc les fresques des églises, expulsant les communautés monastiques afin d'en finir avec les excès du catholicisme romain.
Dans cette atmosphère de pillages et de meurtres apparaît la figure énigmatique de Frère Jacob, moine franciscain qui serait le frère cadet du roi Christian II.
S'opposant énergiquement au sort réservé aux moines frappés d'expulsion par les autorités protestantes, Frère Jacob est finalement contraint de s'exiler auprès du duc catholique Albert VII de Mecklembourg après que le roi protestant Christian III ait déclaré l'interdiction de tous les ordres mendiants sur le royaume de Danemark.
C'est le début d'un long périple qui mènera Frère Jacob à Paris où il fera la connaissance de Rabelais, s'initiera à l' Utopie de Thomas More et à la pensée d'Erasme.
Il prendra ensuite la route de St Jacques de Compostelle et rencontrera en Espagne le beau-frère de son frère: l'Empereur Charles Quint.
Soupçonné d'espionnage et d'hérésie, il embarque à Séville pour la Nouvelle-Espagne et sa capitale Mexico-Tenochtitlan où il prend fait et cause pour les indiens d'Amérique.
Il apprend le Nahuatl et devient missionnaire dans la province du Michoacan.
Grand défenseur de la cause indienne, il s'oppose au concile de Lima qui interdit l'ordination de prêtres indiens et mulâtres. Considéré comme un hérétique, mis au ban de la société coloniale, Frère Jacob,vénéré comme un saint par les indiens tarasques meurt à quatre vingt deux ans en 1566 (1567?).
L'emplacement de sa tombe reste inconnu.
Avec "Frère Jacob" Henrik Stangerup a écrit un grand roman baroque sur la Renaissance où foisonnent détails historiques et théologiques.

Meurtres à l'ottomane

Mon nom est Rouge. Orhan PAMUK.Roman. Gallimard 2003
Traduit du turc par Gilles Authier.





Istanbul, hiver1591. Au fond d'un puits, le crâne fracassé, gît le corps de Monsieur Délicat, miniaturiste à la Cour du Sultan.
Qui l'a tué ? Et dans quel but ?
C'est ce que devra découvrir au péril de sa vie l'énigmatique Le Noir, de retour dans la capitale ottomane après douze ans d'absence.
Car en cette fin du XVIè siècle, un évènement bouleverse le petit monde des miniaturistes de la Cour. Le bruit court que le sultan Murad III aurait commandé à l'un de ses peintres un portrait de lui-même réalisé à la manière italienne.
Immédiatement les passions se déchaînent entre les partisans d'une tradition picturale héritée de la miniature persane et respectueuse des préceptes de l'islam et les techniques novatrices importées d'Europe jugées blasphématoires et hérétiques.

A travers le prisme de cette querelle, Orhan Pamuk décrit la confrontation entre deux mondes, l'Orient et l'Occident qui aujourd'hui encore s'opposent sur de multiples points de vue. Ce sont aussi les confrontations entre tradition et modernité, entre liberté d'expression et intégrisme qui sont ici décrites, mais aussi et surtout le profond antagonisme existant entre deux conceptions radicalement opposées de la description du réel, savamment exposées par l'auteur qui donne la parole aux personnages et animaux délicatement représentés sur les miniatures peintes par les artistes de la Cour.
Car dans ce roman, la narration progresse par le biais de multiples voix qui sont celles de tous les protagonistes, personnages principaux et figurants, allégories et symboles qui prennent tour à tour la parole et entraînent le lecteur dans un tourbillon d'indices et de faux-semblants au service d'une intrigue digne d'un roman policier dont le suspense haletant tient en haleine jusqu'à la dernière page.
On y croise toute une galerie de personnages hauts en couleurs : dignitaires de la Cour et mendiants, enfants et vieillards, servantes et entremetteuses, bourreaux et janissaires, amoureux éconduits et veuves éplorées, ainsi qu'un cheval, un arbre, la mort et même le diable.

Orhan Pamuk a écrit un roman baroque et foisonnant qui immerge le lecteur dans la société ottomane du XVIè siècle,un univers subtil et cruel, sombre et chatoyant, poétique et sensuel.
Un Maître Livre.

A propos de ce livre, lire l'avis de In Cold Blog