jeudi 26 mars 2009

Modesta



"L'art de la joie" Goliarda Sapienza. Roman. Editions Viviane Hamy, 2005.


Traduit de l'italien par Nathalie Castagné.





Elle s'appelle Modesta et elle est née le 1er Janvier 1900 quelque part dans la campagne sicilienne.

Elle grandit dans la misère, entre une mère taciturne et une sœur, Tina, handicapée mentale. Son seul univers, c'est une bicoque sombre, envahie de nuées de mouches.

Un jour, alors qu'elle n'est encore qu'une enfant, un homme qui prétend être son père se présente. Il enferme la mère et la sœur de Modesta dans le cabanon qui sert de toilettes, et viole la petite fille.
Le lendemain, on retrouvera la mère et la sœur massacrées à coups de couteau.
Modesta sera recueillie par des religieuses et va grandir au sein d'un couvent dirigé par une abbesse férue d'astronomie, mère Leonora.

Les années vont passer dans le calme de cet univers clos et Modesta , qui auparavant ne savait ni lire ni écrire, va découvrir la bibliothèque. Une boulimie de savoir va s'emparer d'elle et l'emploi du temps de ses journées sera partagé entre l'étude et ses conversations avec le jardinier Mimmo, seul individu masculin autorisé à entrer dans le couvent.
Mère Leonora, dont la santé s'est aggravée, va s'attacher à la jeune fille, au point de lui léguer sa rente quand viendra l'heure de sa mort. Elle souhaite que Modesta devienne religieuse elle aussi, mais au préalable, elle lui donne le temps de réfléchir et de faire l'expérience du monde extérieur afin de fortifier sa foi et de comprendre à quoi elle doit renoncer. Un étrange accident va précipiter la mort de mère Leonora et Modesta va être envoyée, conformément aux dispositions testamentaires de l'abbesse, dans la famille de celle-ci, une famille de l'aristocratie sicilienne, les Brandiforti. Là, elle va découvrir un monde complètement inconnu auparavant. Elle va s'intégrer à cette famille dirigée d'une main de fer par la principessa Gaia et se lier d'amitié avec Béatrice, une jeune fille de son âge qui va lui faire découvrir les nombreuses pièces de la maisonnée, pièces habitées par le plus souvent par les ombres des jeunes hommes disparus lors de la première guerre mondiale. Un seul endroit restera pendant longtemps un mystère pour Modesta : les appartements où vit reclus Ippolito, aussi appelé « La Chose », le prince héritier, atteint de mongolisme.
Béatrice et Modesta, au delà de leur complicité, vont également apprendre l'amour dans les bras l'une de l'autre et devenir inséparables. Modesta entretiendra également une relation avec Carmine, le garde-champêtre et intendant du domaine.
Mais c'est sa rencontre avec Ippolito, « La Chose » qui va déterminer son destin. Habituée à vivre – puisque sa sœur l'était – avec des trisomiques, Modesta va se charger de devenir l'infirmière d'Ippolito. Celui-ci, malgré son handicap, n'en est pas moins un homme, et il s'éprend très vite de la jeune femme.
Sous la pression du médecin de famille, du prêtre et de la princesse Gaia, Modesta se voit contrainte d'épouser « La Chose ». Ce qui, pour toute autre qu'elle pourrait ressembler à un cauchemar, ne va en fait que lui assurer une nouvelle forme de liberté. En épousant Ippolito, elle devient une Brandiforti et prend le titre de principessina.


Lorsque Gaia mourra, Modesta deviendra la princesse Brandiforti, chef de la famille, et libre de mener sa vie comme elle l'entend.
C'est d'ailleurs ce qu'elle va s'évertuer à faire tout au long de sa vie, créant autour d'elle une sorte d'Abbaye de Thélème où hommes et femmes seront égaux, où les discussions porteront sur la philosophie, la politique et la littérature.
De politique, il en sera beaucoup question, en cette époque d'entre-deux guerres où le fascisme mussolinien s'étend sur l'Italie.
Modesta, conquise par les idées de l'Internationale Socialiste, apportées par Carlo, un jeune médecin qui deviendra son amant puis le mari de Béatrice, secouera tous les préjugés de la haute société et viendra en aide à tous ceux qui luttent contre l'emprise du fascisme. Cette attitude lui vaudra d'ailleurs d'être emprisonnée pendant la deuxième guerre mondiale.
C'est ainsi que, à travers le regard de Modesta, nous allons traverser une bonne partie de la première moitié du XXe siècle, de la première guerre mondiale à la défaite du fascisme. De la misère la plus noire de son enfance à l'aisance que procure un titre nobiliaire, Modesta jouera un grand rôle auprès de ses proches afin de leur insuffler l'amour de la liberté. Elle luttera sans cesse contre les préjugés sociaux et religieux de son époque, contre toutes les formes de totalitarisme politique, et luttera pour l'émancipation des femmes, la liberté d'expression et le droit à l'orientation sexuelle de chacun.

Tout en clair-obscur, « L'art de la joie » de Goliarda Sapienza pourrait bien un jour devenir un classique de la littérature italienne, au même titre que « Le guépard » de Lampedusa.
Servi par une écriture exigeante dont la narration oscille entre la première et la troisième personne, mais aussi par une grande profusion de dialogues et de personnages. Le lecteur s'y perd d'ailleurs un peu, dans toute cette famille Brandiforti à laquelle viennent s'agglomérer au fil des années hommes et femmes de rencontre. Difficile de s'y retrouver également dans la généalogie des uns et des autres, tant les enfants et petits-enfants, adoptés ou nés suite à des liaisons hasardeuses, y sont nombreux.

Fruit de dix ans d'écriture, édité presque vingt ans après son achèvement, « L'art de la joie » ne fut publié qu'après la mort de son auteure. Ce roman, qui n'est aucunement autobiographique, contient cependant dans chacun de ses personnages, une petite part de Goliarda Sapienza, chacun exprimant une partie de ce qu'elle était ou de ce qu'elle aurait voulu être. Modesta, son personnage principal, dont elle réfutait qu'elle fut son double, résume à elle seule tous les espoirs et toutes les aspirations de ces femmes qui ont eu à lutter pour leurs droits en ce XXe siècle éclairé par tant de progrès et assombri par tant de tragédies.



Goliarda Sapienza






lundi 23 mars 2009

Le 7ème Prix des lecteurs du Télégramme # 3




"Dans la ville des veuves intrépides" James Cañon. Roman. Editions Belfond, 2008.




Traduit de l'américain par Robert Davreu.





Mariquita est un petit village perdu quelque part en Colombie. La vie s'y écoule plus ou moins paisiblement autour de la place centrale, dominée, comme partout en Amérique latine, par son église à la façade baroque.
Mais nous sommes en Colombie et la guérilla fait rage dans les montagnes et les forêts alentour.
L'atmosphère somnolente de cette petite bourgade sans histoire est régulièrement troublée par les incursions des guérilleros communistes, des paramilitaires de droite ou des forces de l'armée régulière.


Aussi, quand un dimanche matin une troupe de guérilleros arrive à Mariquita, les habitants du village – habitués à ces visites impromptues, parfois violentes, souvent destinées à réquisitionner vivres et biens – se montrent peu impressionnés par les coups de fusil tirés en l'air et les mines menaçantes de ceux qui proclament appartenir à l'armée du peuple. Prudents, cependant, les villageois ont déserté les rues et se sont réfugiés chez eux, attendant que l'escouade, déçue par leur peu d'empressement, se décide à repartir.


Mais ce matin là, en plus de quelques rapines, les guérilleros ont décidé de faire main basse sur une autre forme de butin. Ils ont besoin d'hommes pour étoffer leur troupe. Mais malheureusement pour eux, force leur est de constater que, malgré de multiples appels au mégaphone, il se trouve bien peu d'hommes au village décidés à abandonner maison, emploi, femme et enfants pour venir se battre à leurs côtés. De toute la population, ils ne trouveront qu'un seul volontaire en la personne d'Ángel Alberto Tamacá, l'instituteur du village, fervent communiste et initiateur de réunions politiques dominicales qui n'attirent les villageois qu'en raison de la bière qui y est distribuée gratuitement.


Furieux, les guérilleros vont alors entrer dans chaque maison de Mariquita et en déloger tous les hommes. Ceux qui s'opposeront à cette rafle seront abattus sans sommation.
Lorsque les guérilleros repartiront, la population de Mariquita se retrouvera amputée de tous ses membres masculins, mis à part le jeune Julio César Morales, un garçon de treize ans, que sa mère et ses sœurs ont déguisé en fille afin qu'il échappe à la rafle, ainsi que le padre Rafael,le prêtre du village.


Une fois passés la stupeur, les pleurs et le découragement, les femmes de Mariquita vont n'avoir comme solution à leurs problèmes que de prendre leur destin en main.
Sous la houlette de Rosalba Patiño, veuve du brigadier du village exécuté par les rebelles, et qui s'est autoproclamée maire de la commune, les femmes de Mariquita vont peu à peu s'accommoder à cette existence dépourvue d'éléments masculins.

Une nouvelle société va ainsi s'élaborer au cours des années, basée sur une forme assez particulière de collectivisme qui s'avérera bien plus efficace que les théories marxistes prônées par les guérilleros.
Mais avant d'en arriver là, les femmes de Mariquita auront de nombreuses épreuves à surmonter.
Comment, par exemple, gérer l'énergie sexuelle de toutes ces femmes délaissées, sans aucun homme à se mettre sous la main ? Comment perpétuer l'espèce sans le recours de la gent masculine ? Il reste bien quelques jeunes garçons au village, mais étant donné qu'ils n'ont pas encore atteint l'âge de la puberté les femmes devront, soit attendre, soit se résoudre à subir les étreintes du padre Rafael qui a (généreusement et de manière tout à fait désintéressée) proposé ses services.


On découvrira bien d'autres choses encore au fil des pages de ce roman décomposé en différents tableaux mettant tour à tour en scène les différents personnages de cette communauté. On assistera à la faillite de la maison close locale tenue par doña Emilia au profit du bordel ambulant des sœurs Morales, mais aussi au curieux destin de Francisca Gomez qui découvrira sous son lit une fortune cachée par son avare de mari. On y découvrira aussi les vertus du naturisme et des pratiques saphistes, ainsi que l'invention du calendrier féminin, basé sur les cycles menstruels et l'inversion du temps.


James Cañon, qui a écrit ce roman en anglais, est né et a vécu en Colombie. Le récit qu'il nous offre , loin d'un exercice de style qui voudrait se donner des airs de roman sud-américain, est le fruit d'une connaissance viscérale de l'âme colombienne. Le village de Mariquita, bien sûr, ne manquera certes pas de rappeler au lecteur le légendaire village de Macondo cher à Gabriel Garcia-Marquez.
Bien que tragi-comique, ce roman qui fait apparaître une multitude de personnages truculents, tendres ou pathétiques, ne doit pas nous faire oublier que la Colombie est un pays plongé dans la guerre civile et qu' enlèvements et massacres y sont monnaie courante. C'est pourquoi chaque chapitre alterne avec les témoignages (fictifs eux aussi mais terriblement parlants) de personnes déplacées, de guérilleros, de paysans, de paramilitaires ou de soldats de l'armée régulière, propos recueillis par un reporter américain et qui nous décrivent toute l'horreur et le désespoir auxquels ont à faire face les habitants de ce pays.


Inspiré, drôlatique, cocasse, tendre, mais aussi dramatique et douloureux, le roman de James Cañon s'inscrit dans la lignée des grands écrivains sud-américains tels que Gabriel Garcia Marquez et Mario Vargas Llosa. Puisant lui aussi dans la veine du réalisme magique, James Cañon signe ici une chronique touchante et burlesque qui, sans en avoir l'air et sans prétention aucune, nous offre des terrains de réflexion sur le sens de la vie, la sexualité, la politique, la philosophie et la religion.
Alors, si le cœur vous en dit, écartez les broussailles et entrez donc dans le village des veuves intrépides. Vous ne le regretterez pas.










Pierre-Paul Rubens : "La Bataille des Amazones"(détail), vers 1598.






jeudi 19 mars 2009


"Après le plaisir de posséder des livres, il n'y en a guère de plus doux que d'en parler."




Caricature de Charles Nodier (1780-1844) en bibliomane par Benjami et publiée dans le Charivari.

lundi 16 mars 2009

Le 7ème Prix des lecteurs du Télégramme # 2




"Fleurs de tempête" Philippe Le Guillou. Récit. Gallimard, 2008.





Philippe Le Guillou est un auteur que j'affectionne tout particulièrement. Découvert avec « Le dieu noir » puis avec « La rumeur du soleil » et « Livres des guerriers d'or », cet auteur si discret dans le Landernau littéraire français m'a toujours impressionné par la qualité de son écriture, la puissance des images qu'elle évoque, la poésie et le pouvoir d'évocation qui se dégagent de ses écrits.
Je connais (en partie seulement) l'oeuvre romanesque de Philippe Le Guillou avec les trois romans cités plus haut ; je n'ai pas eu le plaisir de découvrir son travail d'essayiste (notamment sur Julien Gracq et Chateaubriand) et j'ignorais, jusqu'à la lecture de « Fleurs de tempête », qu'il était également auteur de récits.



C'est donc au genre du récit qu'appartient cet ouvrage où l'auteur se met lui-même en scène pour nous raconter l'histoire poignante d'une amitié partagée sur une période de plus de vingt ans avec Hélène, une jeune femme rencontrée par l'entremise d'un ami à la terrasse d'un café rennais. Une passion commune pour l'œuvre de Proust va très vite les attacher l'un à l'autre et à partir de ce moment leurs destins seront liés par une indéfectible amitié.



Les rapprochent aussi tous les deux leurs origines finistériennes et c'est souvent, dans les années qui suivront, qu'ils se rendront à Brest et arpenteront les rivages de la région. Ils voyageront aussi, à l'étranger, dans des villes où ils pourront satisfaire leur passion de l'art et de la littérature : Venise et les tableaux de Carpaccio, Gand avec le rétable de l'Agneau mystique de Van Eyck, mais aussi Prague, Moscou, l'Irlande et bien d'autres endroits riches des empreintes laissées par les artistes et les auteurs qui les ont toujours fascinés.
Cette communion des sens, ils la partageront au fil des années, quand leurs occupations professionnelles leur laisseront un temps de répit pour s'échapper vers ces lieux chargés d'histoires qui alimenteront leurs conversations passionnées et leur insatiable désir de retrouver dans un musée, dans une église, sur une lande battue par les tempêtes, les traces d'un auteur aimé, d'un peintre de la Renaissance,ou l'atmosphère particulière d'un paysage ayant donné naissance aux mythes et légendes celtes chers au narrateur.



« Il y avait dans l'humeur lumineuse d'Hélène quelque chose de sauvage et de plus fort lié à la magie d'une terre où elle retrouvait , décuplée, la puissance qu'elle avait sentie sur les promontoires de Pen-Hir et de Saint-Matthieu. À plusieurs reprises, elle serait gagnée par cette exaltation contagieuse, tout au nord de l'Irlande sur le petit pont de cordes de Carrick-a-Rede qui domine de très haut le vide marin et la rumeur du ressac, sur les pétales basaltiques de la Chaussée des Géants, à l'orée de la route qui s'enfonce dans la mer parmi les festons d'écume, sur cette procession de fleurs pétrifiées qui forme une cristallisation magistrale et sacrée. Marchant à grandes enjambées sur les murailles du Fort du Soleil, au commencement du Donegal, elle m'aparaîtrait comme une guerrière celtique, une femme dressée, fière, prête à tous les défis, tous les combats. Une légère bruine arrivait du lough et le soleil révélait la présence de milliers de gouttelettes d'or en fusion.
Pascale et elle tournaient sur les fortifications du monument circulaire comme des déesses, des sentinelles de feu, et le paysage, ouvert à trois cent soixante degrés, du nord au sud et de l'est à l'ouest, des loughs aux tourbières et jusqu'aux landes des collines, les escortait dans leur rotation rituelle.
Je les revois, elles qui ne sont plus, dans la grâce lumineuse de ce printemps d'Antrim et du Donegal – à coup sûr leur comté favori, leur royaume – je les revois, sentinelles fières et levées du Fort du Soleil, je les revois marchant sur les pas de lave des Géants, saisies par le mouvement de cette échine reptilienne, puis dans l'atmosphère humide et froide et les senteurs de terreau noir des jardins de Glenveigh, je les revois posant en châtelaines dans le bow-window de notre chambre au rez-de-chaussée d'une maison cossue surplombant le lough Swilly, je nous revois gagnant le phare blanc et perdu de Fanad Head devant une mer d'un bleu intense à l'approche du soir, c'était hier, dans un amont à jamais perdu dans le bleu céruléen de Fanad Head et l'odeur spongieuse des racines des massifs de Glenveigh, nous marchons toujours sur les nénuphars de basalte et les murailles rondes du soleil, et perchés sur un toit du monde, parmi les pierrailles du cairn de la Grande Reine qui roulent éventrées par nos pas, nous buvons à nos flasques quelques gouttes d'or de l'eau vitale et sacrée de Bushmills. »



Mais c'est surtout Paris et les grèves du Finistère qu' ils verront le plus souvent, partagés entre leurs vie professionnelle et leurs racines bretonnes. De Paris, ce seront ces promenades dans le quartier du Palais-Royal ou au bord du canal Saint-Martin, le dédale des rues du Marais et l'église Saint-Eustache.



Et puis Brest, bien sûr, et Le Conquet, Porsisquin, Le Faou aussi, où l'auteur vient de racheter la maison de ses grands-parents.



Mais cette belle histoire d'amitié va bientôt prendre un sens dramatique quand la maladie va se déclarer. Hélène, l'amie si précieuse de l'auteur, va être atteinte d'un cancer et c'est impuissant que le narrateur va voir peu à peu s'installer la maladie, avec ses rémissions et ses rechutes, ses séances de chimiothérapie suivies, lorsque tout espoir aura disparu, de prises de morphine afin d'atténuer la douleur devenue omniprésente. Il n'y aura pas d'issue à cette tragédie intime et la jeune femme, devenue mère depuis si peu de temps, va glisser inéluctablement vers la mort avec un courage et une abnégation exemplaires.



Au lendemain de sa disparition, l'auteur, après avoir vu les cendres de son amie dispersées dans les flots de la mer d'Iroise, n'aura plus – puisqu' aucune tombe ne lui permettra de se recueillir – qu'à mettre par écrit ce que fut cette amitié, ce que furent ces années d'exaltation et de complicité, ces années traversées d'instants magiques ou douloureux, ces vingt longues années de partage nées un soir de printemps à la terrasse d'un café rennais et disparues tragiquement une nuit d'avril 2007.



C'est avec une grande sensibilité, avec beaucoup de pudeur, de retenue et de tendresse, que Philippe Le Guillou, de son écriture lumineuse, nous décrit, comme un antidote à l'oubli et à l'indifférence, l'histoire de cette relation passionnée, afin que revive en lui et en chacun de nous l'image de cette jeune femme trop tôt disparue. Il signe ici un texte qui est comme un appel désespéré face à la cruauté du destin, un chant dédié à celle qu'il ne rencontrera plus jamais que dans ses souvenirs émus et qui n'existera plus que dans les phrases et les mots qu'il lui a offerts au fil des pages de ce très beau récit.



« Ce passé lumineux, l'épaisseur de ce temps traversé me reviennent avec une netteté douloureuse comme si l'écran des dernières années, des derniers mois avait explosé. C'est une activité curieuse que celle à laquelle je me livre, je reviens au nimbe des commencements, comme un archiviste halluciné et maniaque, un adorateur nocturne qui voudrait capter dans la ténèbre de son chagrin l'éclat de la lumière des débuts et des seuils. L'histoire est passée, éblouissante, implacable, tragique et elle me laisse seul sur la rive. À moi à qui la littérature a tant donné il ne reste que le secours des mots. Me revient-il de donner à Hélène le tombeau qu'elle n'a pas souhaité avoir ? Elle ne repose pas auprès de son grand-père, qu'elle admirait tant, dans le petit cimetière de Logonna-Daoulas. Elle a voulu cette incinération, ce néant des flammes qui m'effraie plus que tout.
Tombeau : c'est une forme, c'est un chant dont j'aimerais qu'il n'eût pas la froideur mallarméenne. Je rêverais plutôt pour elle d'un lit de lumière, d'une nef enchantée qui l'emmène loin, dans la tradition ophélienne des dérives celtiques. Je note ces lignes dans la pluviosité lugubre d'un été qui me paralyse. »













mardi 10 mars 2009

Le 7ème Prix des lecteurs du Télégramme # 1







"Courir" Jean Echenoz. Roman. Editions de Minuit, 2008.







Jusqu'ici, je n'avais jamais eu l'occasion de lire un roman de Jean Echenoz. C'est maintenant chose faite avec « Courir ».


Pourtant, ce n'était pas gagné d'avance : le titre ne m'inspirait pas plus que ça et quand j'ai su qu'il s'agissait (disons-le pour simplifier les choses) d'une « biographie » d' Émil Zatopek, mon peu d'intérêt pour tout ce qui touche de près ou de loin au monde du sport a bien failli me décourager de me lancer dans la lecture de cet ouvrage.


Bien sûr, cette figure emblématique de la course à pied ne m'était pas inconnue, l'ayant rencontrée pour la première fois dans mes jeunes années lors d'un exercice de lecture à l'école primaire, exercice qui eut pour résultat de graver dans ma mémoire ce curieux patronyme aux étranges consonances.


Mais depuis je n'en ai guère appris plus sur cet homme et l'on aurait pu m'affirmer qu'il était bulgare, croate ou biélorusse que je l'aurais cru sans hésitation. Cependant, si, comme je l'ai dit, le sport n'éveille que peu d'intérêt chez moi, l'Histoire, au contraire, ne cesse d'éveiller ma curiosité. Et il faut bien reconnaître que Zatopek « la Locomotive » est devenu, suite à son parcours, un acteur de l'histoire, non seulement sportive mais aussi de la grande Histoire, suite à son engagement (tardif ?) lors du Printemps de Prague.



La vie d'Emil Zatopek recouvre en effet plus d'un demi-siècle de l'histoire de l'Europe de l'Est, de 1940 – date à laquelle il commence à courir, sous l'occupation allemande – jusqu'en 2000, date de sa mort, dans une Tchécoslovaquie devenue aujourd'hui République fédérale tchèque et slovaque, et libérée de l'emprise soviétique suite à la Révolution de Velours de 1989.


C'est donc en 1940, alors qu'Emil Zatopek est un tout jeune homme, que commence le récit d'Echenoz.


Emil Zatopek travaille déjà depuis l'âge de seize ans dans les usines Bata (célèbres pour leurs chaussures) à Zlín, en Moravie. À ce moment là, Emil ne s'intéresse pas au sport (ce qui me l'a tout de suite rendu sympathique) : « Il a horreur du sport, de toute façon. Il traiterait presque avec mépris ses frères et ses copains qui emploient leurs loisirs à taper niaisement dans un ballon. »
Pourtant, il va devoir participer à une épreuve de course à pied, organisée par les établissements Bata, qui ont vu dans l'organisation de celle-ci, l'occasion de se faire de la publicité et de faire connaître leur marque en dehors des frontières du pays.


Tous les jeunes employés sont bien sûr fortement incités à participer. Emil participe donc, tous les ans, et de mauvais gré, à cette épreuve.


Mais l'Allemagne nazie vient d'envahir (en 1939) la Tchécoslovaquie et en a fait un protectorat. La vie est dure, la peur s'installe.


Là aussi, l'occupant décrète des épreuves sportives obligatoires et Emil se voit contraint d'y participer. Mais peu à peu, son aversion pour le sport va céder la place à un intérêt grandissant pour la course et Emil va bientôt se mettre à courir, seul, par tous les temps, dans le vieux stade de Zlin ou sur la route.


Bientôt, malgré son style peu orthodoxe, le voilà remarqué et il se lance dans la compétition. C'est d'abord à Prague que tout commence et qu'il remporte le championnat qui oppose la Bohême à la Moravie.


Pendant ce temps, la guerre fait rage, les Allemands se retirent face à l'avancée de l'armée rouge.




Arrive 1945 et la capitulation de l'Allemagne. Emil Zatopek intègre l'armée et sa carrière sportive va s'en trouver décuplée. Il court à Oslo pour les premiers championnats d'Europe, où il arrive cinquième, puis à Berlin pour le championnat des forces alliées. Personne ne le connaît et c'est de justesse qu'il peut participer à cette course qu'il remporte haut la main. À partir de cet instant, les victoires s'enchaînent, lors des Jeux Olympiques de Londres en 1948 où il remporte la médaille d'or du 10 000 mètres, puis les J.O. D'Helsinki en 1952, ceux de Melbourne en 1956, sans compter les championnats d'Europe d'athlétisme, en 1950 à Bruxelles, en 1954 à Berne. Zatopek ne rentre jamais les mains vides de ces épreuves et sa carrière s'achèvera avec sept médailles d'or obtenues aux Jeux Olympiques ainsi que dix-huit records du monde.


Mais Emil Zatopek , malgré tous ses records et toutes ses médailles, s'il est devenu une figure internationale de l'athlétisme n'en est pas moins un citoyen tchécoslovaque, ressortissant d'un pays inféodé au bloc soviétique. Et le pouvoir, bien évidemment, va instrumentaliser les victoires du champion pour la promotion de l'idéologie communiste.


Ses participations aux grandes épreuves sportives internationales lui seront accordées au gré des humeurs du gouvernement tchécoslovaque et du grand'frère de Moscou. Ses appréciations sur la démocratie et les libertés qu'il aura vues à l'étranger seront systématiquement détournées par la presse à seule fin de dénigrer les sociétés occidentales.


Pourtant, le champion, malgré son caractère affable, ne manque pas de s'insurger contre les abus du pouvoir en place et dès les J.O. de 1952, il menace de ne pas participer aux épreuves tant que le coureur de 1500 mètres Stanislav Jungwirth ne sera pas autorisé à se rendre à Helsinki. Les autorités avaient en effet décidé de refuser à ce sportif de se rendre aux J.O. Sous le prétexte que son père était un opposant au communisme.
Mais c'est en 1968, lors du Printemps de Prague, que la vie d'Emil Zatopek va être bouleversée. Zatopek va en effet prendre parti publiquement pour les idées réformatrices d'Alexander Dubček et le pouvoir soviétique n'oubliera pas cet affront. Radié de l'armée et du parti communiste, il est envoyé dans une mine d'uranium.


Six ans plus tard, il est rappelé à Prague où il est employé en qualité d'éboueur. On lui fait rédiger quelques temps plus tard son autocritique, et pour lui pardonner ses errements, le pouvoir, dans sa grande mansuétude, lui offre un poste d'archiviste dans un sous-sol au Centre d'information des sports.


Voici donc l'histoire de cet homme, une histoire qui nous est contée par Jean Echenoz, dans ce court roman à l'écriture sobre qui ne laisse pas de place aux effets dramatiques et qui ne s'encombre pas de détails. On suit pas à pas le parcours de cet homme qui semble être devenu un champion de renommée mondiale comme par inadvertance, un homme qui semble courir pour échapper aux vexations de l'histoire tout en sachant qu'il est impossible de faire abstraction de celle-ci et que, même s'il paraît possible de la distancer, elle en vient toujours à rattraper celui qui tente de lui échapper. C'est d'ailleurs cette confrontation entre l'individu et l'État, dans tout ce qu'il peut avoir d'écrasant, qui est ici au centre de ce roman et qui fait de cet ouvrage, bien plus qu'une sèche biographie, un témoignage de la formidable capacité des états totalitaires à instrumentaliser les plus belles aventures humaines dans le seul but de propager leurs idéologies.



















samedi 7 mars 2009

Le 7ème Prix des lecteurs du Télégramme


C'est avec grand plaisir que je participe cette année pour la troisième fois au Prix des Lecteurs du Télégramme. Dix romans et récits sont en compétition. Il faudra ensuite voter par courrier et au mois de Juin le prix sera attribué au roman qui aura obtenu le plus grand nombre de voix. Par tirage au sort, trente membres du jury se verront décerner un Chèque-Lire d'une valeur de 15€ chaque mois pendant un an. Tentant non ? Voici la sélection de cette année :



  • "Fleurs de tempête" de Philippe Le Guillou (Gallimard)

  • "Les Années" de Annie Ernaux (Gallimard)

  • "Le Montespan" de Jean Teulé (Julliard)

  • "Les Déferlantes" de Claudie Gallay (Rouergue)

  • "Bilal sur la route des clandestins" de Fabrizio Gatti (Liana Levi)

  • "Même le mal se fait du bien" de Michel Folco (Stock)

  • "Le soldat et le gramophone" de Sasa Stanic (Stock)

  • "Dans la ville des veuves intrépides" de James Canon (Belfond)

  • "Courir" de Jean Echenoz (Minuit)

  • "Cours Dajot" de Gilbert Gasparutto (Scriptales)

mercredi 4 mars 2009

Les vivants et les morts


"Vie et Destin" Vassili Grossman. Roman. Editions L' Age d'Homme, 1980.


Si certains des romans qui encombrent aujourd'hui les étalages des librairies n'étaient jamais publiés, la face du monde littéraire n'en serait que bien peu affectée tant la médiocrité et la futilité de ces romans élaborés avec force études de marché et plans marketing laissent pantois les lecteurs dotés d'un minimum de sens critique et de respect de la littérature.
D'autres, au contraire, romans essentiels et de grande qualité, restent méconnus ou, pire encore, ne sont pas édités, voire interdits car ne correspondant pas à la ligne définie par certaines idéologies commerciales ou politiques.
Ce fut le cas pour « Vie et Destin », le chef-d'œuvre de Vassili Grossman, roman qui faillit bien passer à la trappe lorsqu'il fut achevé en 1962. Le propos de ce livre a été alors jugé tellement subversif par le pouvoir soviétique que le manuscrit fut saisi et mis sous les verrous par le KGB. On ne sait par quel miracle, une copie échappa miraculeusement à la censure et c'est en 1980 que parut enfin ce livre, considéré depuis lors comme le « Guerre et Paix » du XXe siècle.


Le contenu de ce roman restait en effet profondément dérangeant pour le pouvoir en place, même si le contexte de celui-ci, la bataille de Stalingrad en 1942-1943, remontait à une vingtaine d'années auparavant. La victoire, après de longs mois de lutte acharnée, des combattants soviétiques contre les troupes du IIIe Reich fut, on le sait, l'évènement qui annonça le déclin et la chute de l'hégémonie hitlérienne. Cette victoire fut également un formidable élément de propagande pour le pouvoir stalinien qui put ainsi se parer, à l'instar des États-Unis, de l'auréole héroïque de libérateur de l'Europe asservie sous le joug du nazisme.


Vassili Grossman, qui a lui-même vécu ces évènements – il s'est engagé dans l'Armée Rouge en qualité de journaliste, a participé à la bataille de Stalingrad et a suivi les troupes soviétiques jusqu'en Allemagne – est au départ un auteur d'une orthodoxie exemplaire pour le régime stalinien. Mais son expérience de la guerre va profondément bouleverser sa vision des choses et le régime stalinien va se révéler à ses yeux aussi pernicieux et aussi sanguinaire que celui de l'adversaire nazi.


Juif soviétique né en 1905 à Berditchev (Ukraine), Grossman est profondément atteint lorsqu'il apprend les massacres à grande échelle de civils juifs perpétrés dans sa province natale par les troupes nazies. Sa mère, restée à Berditchev après l'arrivée de l'occupant, sera elle aussi assassinée par les envahisseurs. Lors de l'offensive soviétique vers l'Allemagne, Grossman va découvrir l'impensable : les camps d'extermination. Il sera ainsi le premier auteur à décrire ce que l'Armée Rouge a découvert à Treblinka. Son témoignage sera utilisé lors du procès de Nuremberg.

Mais Grossman n'est pas dupe et pour lui la barbarie n'est pas l'apanage du nazisme. Le stalinisme n'a en effet rien à envier en matière d'antisémitisme à son adversaire germanique et les mesures anti-juives, les procès, les purges, les déportations, les assassinats, décrétés avant, pendant et après la seconde guerre mondiale n'ont pas manqué. Mais Grossman va plus loin dans sa critique du pouvoir et dans son écœurement face à celui-ci : bien au delà du sort réservé aux juifs d'URSS, c'est du sort de toutes les minorités qu'il s'inquiète :


« Ce qui se jouait, c'était le sort des Kalmouks, des Tatars de Crimée, des Tchétchènes et des Balkares exilés sur ordre de Staline en Sibérie et au Kazakhstan, ayant perdu le droit de se souvenir de leur histoire, d'enseigner à leurs enfants dans leur langue maternelle. Ce qui se jouait, c'était le sort de Mikhoels et de son ami, l'acteur Zouskine, des écrivains Bergelson, Markish, Féfer, Kvitko, Noussinov, dont les exécutions devaient précéder le sinistre procès des médecins juifs, avec en tête le professeur Vovsi. Ce qui se jouait, c'était le sort des juifs que l' Armée Rouge avait sauvés et sur la tête desquels Staline s'apprêtait à abattre le glaive qu'il avait repris des mains de Hitler, commémorant ainsi le dixième anniversaire de la victoire du peuple à Stalingrad. »


Mais pour Grossman, les minorités ne sont pas les seules victimes de la dictature stalinienne ; chaque citoyen est en effet une cible potentielle pour les agents du NKVD. Une plaisanterie, un mot de trop lâché au cours d'un repas arrosé peuvent valoir à son auteur d'être dénoncé et envoyé dans les geôles de la Loubianka.

C'est ce processus de terreur appliqué à chaque citoyen qui est ici aussi fortement dénoncé par Grossman, processus auquel n'échappe même pas un fervent communiste tel que Krymov, l'un des personnages de ce roman, abasourdi par son arrestation, jugé, humilié, battu par ses gardiens jusqu'à ce qu'il en arrive à s'accuser de faits qu'il n'a jamais commis.
Il y a aussi le physicienVictor Krum, qui va tomber en disgrâce du fait de ses origines juives, un homme que tout le monde, même ses plus proches amis, décideront d'ignorer et repousseront comme s'il était un pestiféré, jusqu'à ce qu'un coup de téléphone de Staline en personne fasse radicalement changer l'attitude de son entourage qui, du jour au lendemain, l'encensera comme s'il ne s' était rien passé.

Il y a bien d'autres personnages dans cet immense roman et l'on peut facilement s'y perdre tant ils sont nombreux : soviétiques et allemands, tous victimes d'une idéologie qui, d'un côté comme de l'autre, s'évertue à broyer en eux toute trace d'humanité pour en faire de simples pions dans la partie d'échecs à laquelle jouent les deux funestes personnages qui dirigent ces deux grandes puissances.
Comme dans « La Guerre et la Paix » de Tolstoï, Grossman multiplie les points de vue et le lecteur se retrouve ainsi témoin des combats acharnés du siège de Stalingrad, il assiste aux interrogatoires menés par le NKVD, il fait le terrible voyage dans les wagons à bestiaux qui dirigent hommes, femmes, enfants et vieillards vers les camps de la mort, jusqu'à assister aux derniers instants de ceux-ci, poussés dans les chambres à gaz.

Le lecteur sort de ce livre comme hébété par cette profusion de personnages en proie à un destin terrible, écrasés entre deux idéologies aussi sinistres et paranoïaques l'une que l'autre. Il y a bien peu de place pour l'espoir dans ce monde décrit par Grossman et chaque individu n'est ici, même au plus fort des combats, qu'un être traqué, évalué, surveillé et puni s'il ose s'écarter un tant soit peu des recommandations du parti.
En mettant en scène soldats allemands et soviétiques, Grossman illustre le parallèle existant entre ces deux dictatures que furent le nazisme et le stalinisme. Ce parallèle lui permet de faire l'amer constat que le bien des peuples ne peut pas être décidé et instrumentalisé sans aboutir au plus pervers des totalitarismes.
Cette notion toute subjective du bien ne peut, pour Grossman, que s'exprimer individuellement, à une minuscule échelle, d'un individu à l'autre. Dès que le concept du bien tente de s'ériger en système, il mène irrémédiablement à la dictature et à l'oppression des peuples. Cette réflexion, toute naïve qu'elle puisse paraître, même aux yeux de Grossman, est pourtant la seule valable en regard des atrocités commises au nom du bien telles que l'ont été celles du christianisme, de l'Islam, du communisme, du nazisme et aujourd'hui du libéralisme économique.
Ces minuscules étincelles de bonté humaine éclairent de loin en loin le roman de Grossman, comme pour nous rappeler que, en dépit de l'écrasante puissance des régimes totalitaires, même le plus simple, le plus anonyme, le plus insignifiant des actes de bonté, rend l'homme qui l'accomplit plus fort et plus humain que toutes les idoles, tous les hommes providentiels qui paradent sur les estrades et les tribunes oficielles.







mardi 3 mars 2009

Le Printemps des Poètes


La Poésie
Contre la vitesse et la loi du marché, la
poésie est bohême, l'humanité y marche à
pied. Elle se veut dans un ciel bleu de
méthylène, où les oiseaux sont couverts
d'un tablier d'or. elle ne couche pas dans
les maisons de nos architectes montées sur
un échafaudage d'idées artificielles ; pas
plus entre le terrain vague du mensonge
et la vérité.
Avec elle, dans la course aux rêves, le
poète court en tête.

Valence Rouzaud, in "Rentier", éditions Les Deux-Siciles