Les Bégonias











"Nous vieillirons ensemble" Camille de Peretti. Roman. Editions Stock, 2008.


En ce dimanche 1er octobre, c'est une journée comme tant d'autres qui s'annonce à la maison de retraite des Bégonias, quelque part en région parisienne. Il est 9h00 du matin quand nous nous retrouvons à l'accueil, en compagnie d'un couple – Jean-François et Aline – venu se renseigner auprès du directeur de l'établissement des modalités d'inscription en prévision du placement de la mère de Jean-François.
Quelques instants plus tard, nous nous retrouvons dans la salle d'activités où sont réunies trois pensionnaires des Bégonias : Mme Alma, Mme Buissonette et Mme Barbier.

Mme Alma est au centre des préoccupations de ses deux comparses. Cette femme distinguée, âgée de quatre-vingt treize ans, est en effet très courtisée par les deux autres vieilles dames qui souhaitent s'accaparer son amitié. Entre Mme Buissonette et Mme Barbier, une rivalité s'est instaurée, attisée par Mme Buissonette, veuve d'un pasteur protestant, qui considère Mme Barbier, ancienne buraliste, comme une femme vulgaire et de peu d'éducation.

À quelques mètres de là, Alphonse Destroimaisons est déjà au chevet de sa femme Geneviève, surnommée « la Baronne » par les autres pensionnaires. Geneviève Destroimaisons, femme de la haute-bourgeoisie, est la moins âgée des résidents des Bégonias. Atteinte précocément de la maladie d'Alzheimer, elle ne reconnaît plus son mari et prend celui-ci pour l'un de ses multiples amants passés, ce qui fait le désespoir d'Alphonse qui n'avait jamais soupçonné les infidélités de sa femme avant que la maladie de celle-ci ne lui fasse révéler ses liaisons extra-conjugales.

Dans le patio, assise dans son fauteuil roulant,Nini, une vieille dame rebelle et maniaco-dépressive, attend avec impatience la visite de sa nièce Camille en espérant que la jeune femme lui aura apporté des cigarettes.
Robert Leboeuf, quant à lui, est secrètement amoureux de Thérèse Leduc et cherche le moyen le plus approprié de déclarer sa flamme à l'élue de son coeur.
Mr. Picard, alias « le capitaine Dreyfus » prépare avec minutie son évasion des Bégonias afin d'embarquer sur le premier bateau qui le mènera à l'autre bout du monde.

Mais les pensionnaires des Bégonias ne sont pas seuls à avoir des états d'âme. Le personnel, lui aussi, vaque à ses occupations en tentant de gérer tant bien que mal les petits tracas de la vie quotidienne.
Philippe Drouin, le directeur, célibataire et philatéliste, tente d'enrayer une invasion de fourmis dans la chapelle – où repose le corps de Mme Paradis, décédée la veille – avant que la famille de la défunte ne se présente.
Christiane, l'infirmière de jour, tente de faire le point sur sa liaison sans avenir avec Jean-Pierre Picard, le fils du capitaine Dreyfus.
Josy, l'auxiliaire de vie antillaise, use de sa bonne humeur pour consoler les uns et les autres.
Isabelle, la toute jeune infirmière de nuit, a, quant à elle, une grande nouvelle à annoncer à son petit ami Désiré.


C'est ainsi que nous allons suivre, tout au long de cette journée, en de multiples va-et vient et interactions, tous les personnages qui évoluent au rez-de-chaussée des Bégonias. Nous allons les suivre dans les chambres et les couloirs, apprendre à les connaître, nous immiscer dans leurs pensées, leurs espérances, leurs soucis, leurs souvenirs et leurs regrets, au cours de ce dimanche consacré aux visites des familles, à la messe télévisée du matin, au repas dominical et à la lenteur d'un après-midi qui n'en finit pas.

Sans sombrer un seul instant dans le pathos ou la caricature, le roman de Camille de Peretti est un petit chef-d-oeuvre d'humour et de tendresse. Avec talent, elle nous fait pénétrer dans l'intimité de ces multiples personnages attachants, drôles, graves aussi, mais avec une subtilité et une lucidité qui font de ce roman un émouvant et irrésistible moment de lecture.
Sous son aspect de roman fourre-tout où l'on semble déambuler au hasard des pièces et des couloirs, le texte de Camille de Peretti est en fait secrètement et habilement construit. Dans le « cahier des charges » qui se trouve en annexe du roman, on découvre que l'auteure s'est inspirée, pour charpenter son ouvrage, de la méthode utilisée par Georges Pérec pour construire ce fabuleux roman qu'est « La Vie, mode d'emploi », en utilisant des figures telles que la polygraphie du cavalier et le carré latin orthogonal. Nous sommes donc loin d'un texte plus ou moins improvisé et soumis au hasard des caprices de l'auteure mais en face d'un roman remarquablement bien construit et agencé, selon des normes rigoureuses, sans pour cela que cette construction transparaisse lourdement aux yeux du lecteur qui se laisse entraîner avec bonheur et émotion dans un récit passionnant et jubilatoire.
L'avis de Arsenik, et de Cathulu


Commentaires

Anonyme a dit…
Chic, tu as aimé ! :)
Anonyme a dit…
Oh la la, je vois que tout le monde a bien entamé la pile des titres du prix Landerneau ... je suis complètement à la bourre, moi !
Michel a dit…
Pourquoi nous donner ces 10 dernières pages ? elle aurait pu en garder le secret ou ne le dévoiler que dans une revue littéraire ?!

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