Sagashimono


"Tokyo" Mo Hayder. Roman. Presses de la Cité, 2005.



Grey, une mystérieuse jeune femme, débarque à Tokyo. Que vient-elle faire dans la capitale nippone ? Du tourisme ? Probablement pas. C'est à l'institut des sciences sociales de l'université de Todai qu'elle se rend sans tarder. Là, se prétendant étudiante, elle obtient un entretien auprès d'un vieux professeur chinois, Shi Chongming. Que cherche-t-elle ? Le vieil homme est en fait l'un des derniers témoins d'un évenement historique sur lequel Grey a beaucoup étudié, une tragédie ayant eu lieu au cours de la guerre sino-japonaise : le sac de Nankin en 1937.

Grey est persuadée que Shi Chongming détient dans ses archives personnelles un film tourné à l'époque des massacres de Nankin. La pellicule dévoilerait et prouverait l'existence d' exactions particulièrement barbares pratiquées par certains membres de l'armée japonaise, exactions dont Grey est convaincue de la véracité historique.
Confrontée depuis toujours au scepticisme de ses contemporains, Grey n'a vécu jusqu'ici que pour prouver le bien-fondé de ce qu'elle avance. Obsédée par cette anecdote, ayant frôlé la folie face aux doutes émis devant ses assertions, une seule chose lui manque pour prouver ses dires, un document irréfutable. Ce document, ce serait le fameux film détenu par le vieux professeur. Mais Shi Chongming refuse obstinément de répondre à ses interrogations et Grey se retrouve dehors, renvoyée par le vieil homme, perdue dans l'immensité de la mégalopole japonaise.
Sans le sou dès sa descente de l'avion, elle se voit contrainte de dormir à la belle étoile dans le jardin d'un temple. C'est là qu'elle va faire la rencontre d'un jeune occidental, Jason, qui va la prendre sous son aile, lui trouver un toit et lui procurer un travail.
C'est dans le quartier de Takadanobaba, dans une vieille et lugubre maison, immense et à demi-abandonnée, que Grey va s'installer en compagnie de Jason et de deux jeunes femmes russes qui exercent l'activité d'hôtesses dans un club privé. Jason lui aussi travaille pour ce club, le « Some Like It Hot » et persuade Grey de travailler elle aussi comme hôtesse dans cet endroit où se réunissent hommes d'affaires et yakuzas. Sans ressources, et fermement décidée à parvenir à ses fins en ce qui concerne le professeur Shi Chongming, Grey accepte de travailler au « Some Like It Hot ».
Introduite dans ce milieu très fermé, Grey va être présentée à la tenancière du club, Mama Strawberry, une japonaise d'âge mûr qui se pique de ressembler à Marylin Monroe, mais elle fera aussi et surtout la connaissance de Junzo Fuyuki, un redoutable chef de clan yakuza infirme et cloué sur un fauteuil roulant assisté de Ogawa, une nurse au physique monstrueux que tout le monde semble craindre au plus haut point.
Peu à peu, Grey va se faire accepter par le cercle gravitant autour de Fuyuki mais ce qu'elle va finir par découvrir au sein de la pègre japonaise ne sera pas sans rapports avec le but de sa quête. Malheureusement pour elle, il est des secrets bien gardés qu'il vaut mieux éviter d'exhumer.

« Tokyo » est un thriller. En cela, on y trouve maints éléments qui ont fait le succès de ce genre littéraire. Une fois entré dans ce roman, on ne peut s'en détacher jusqu'à la dernière page et c'est avec délices, mais aussi avec beaucoup d'angoisse, voire de nausées, que l'on poursuit la lecture de ce récit haletant et terrifiant.
Le petit plus que nous apporte Mo Hayder par comparaison avec les autres grands titres du genre, c'est d'abord le lieu du récit, qui se déroule dans la capitale japonaise, univers étrange et fascinant à nos yeux d'européens où les hautes technologies et le paysage urbain constitué de verre et d'acier, voisinent avec les architectures et les traditions séculaires héritées du japon médiéval.
Mais c'est aussi et surtout par sa dimension historique que le récit se démarque des thrillers habituels avec les chapitres mettant en scène les épisodes du sac de Nankin relatés par Shi Chongming. Pour cela, Mo Hayder s'est remarquablement bien documentée sur cet épisode tragique de la guerre sino-japonaise, ce qui apporte à son roman une épaisseur que bien peu de thrillers actuels peuvent se vanter de détenir.
Original, dépaysant, captivant et effrayant, « Tokyo » est un livre qui se dévore, un trip hallucinant dans un Japon contemporain qui n'en a pas encore fini avec les démons de son passé.


Les avis de Valunivers, de Uzi, de Caroline, de Yue Yin, de Tatiana, de The Kikies, d'Alain, de Gaëlle, de Thierry, de Lo, de Solenn, de Gachucha et de Chatperlipopette.


Pour en savoir plus sur le sac de Nankin en 1937 : un documentaire de Serge Viallet produit par Arte France et Point du Jour (50 mns)




Commentaires

Joelle a dit…
Ce thriller n'a pas l'air habituel ! Rien que pour découvrir le Japon d'une autre façon, cela vaut le coup de le lire alors je l'avais déjà noté !
Anonyme a dit…
Tu as bien choisi ton jour pour publier ton billet sur ce livre, je me doute que le hasard n'y est pour rien !
Anonyme a dit…
Je n'aime pas les thrillers, mais bon celui-là je le lirai à l'occasion ;-))) (en vacances quand on peut lire non-stop tard dans la nuit...)
Anonyme a dit…
Et bien,je viens de finir "les disparus" et à visionner ces vidéos, je me dis que décidément il n'y a pas un peuple pour rattraper l'autre en temps de guerre.
Cet ancien soldat qui témoigne en premier est sidérant avec ses rires et le dernier témoin qui sourit aussi à l'évocation de ces horreurs...Tout cela me laisse un sale sentiment nauséeux.
Bien triste anniversaire qui ne servira à rien malheureusement en matière de récidive, ailleurs et sous d'autres formes...
Je me sentais presque prête à attaquer "Les Bienveillantes",je crois que je vais remettre ça à plus tard...mais merci pour ce moment d'Histoire.
Joyeux noël !!!
Anonyme a dit…
Bonjour,

Je suis assez d'accord avec ton analyse finale mais comme je suis plus un amateur de noir que de thriller je le formulerai ... à l'envers.
L'évocation de Tokyo et des massacres de Nakin est superbe. Le récit est mené de main de maître, avec un grand sens du suspense et du rythme. Je regrette seulement qu'il y ait un côté un peu trop grand-guignol et gore à mon goût, qui est peut-être le point d'entrée nécessaire pour certains lecteurs (où le style de l'auteur), mais qui, à mon goût, n'apporte pas grand chose, et peut même rebutter certains inutilement.
Anonyme a dit…
Je suis d'accord avec Jean Marc !
Nankin est d'ailleurs à la mode (3 romans où on en parle et tant mieux - l'auteur est semble-t-il bien documentée) ! l'histoire est très intéressante mais le côté gore m'a vraiment écoeurée ; j'ai trouvé l'ensemble raccoleur alors que la base était excellente ! plus d'élégance, de suggestions m'auraient semblé plus juste ; j'avais déjà ressenti cela dans BIRDMAN qui m'avait au final dégoutée et pourtant j'en ai lu des thrillers/policiers particulièrement costauds mais là c'est malheureux à dire mais ca sent l'apprêté.. le film futur, un je ne sais quoi voyeuriste...

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