Les Esquintés


"Passer l'hiver" Olivier Adam. Nouvelles. Editions de l'Olivier / Le Seuil, 2004



Ils sont bien esquintés les personnages que met en scène Olivier Adam dans ce recueil de neuf nouvelles. Fatigués, cabossés par la vie. Chaque journée qui commence est un combat contre la poisse, un combat qui les laisse un peu plus seuls, un peu plus usés par les injures de l'existence.


Neuf nouvelles, neuf portraits d'hommes et de femmes d'aujourd' hui. Neuf solitudes qui tentent tant bien que mal de passer l'hiver.

Ces neuf textes ont effectivement l' hiver en toile de fond, l'hiver saison du dépouillement, saison difficile et cruelle à ceux qui n'auront pas la force de voir venir le printemps. Mais c'est surtout l'hiver métaphorique qui s'installe en chacun de nous que nous décrit ici Olivier Adam, cet hiver intérieur qui nous étreint après la mort d'un proche, la perte d'un emploi, d'un amour, ou tout simplement de nos illusions piétinées par le sort.

Olivier Adam nous fait partager quelques heures ou quelques jours de ces vies brisées ou en passe de le devenir. Il nous raconte ces hommes et ces femmes aux prises avec l'adversité du quotidien, avec ces douleurs muettes qui se cachent derrière les fenêtres des cités pavillonnaires éclairées par les écrans de télévision, avec ces chagrins refoulés sous les néons de ces zones commerciales dont on ne sait plus où elles commencent et où elles prennent fin, avec ces envies de tout foutre en l'air qui survient lors de ces nuits interminables passées à contempler derrière une vitre les lumières de ces villes glacées.


« [...] et c'est la nationale et les enseignes alignées, les feux, les voitures, les restaurants, les cubes en tôle, Saint-Maclou, But, La Halle aux chaussures, les zones commerciales, les zones d'activité, les zones industrielles, plus haut l'hopital et la gare RER, plus bas la maison de quartier, l'ANPE et les alignements de pavillons, les jardins, les terrains vagues. C'est là que je vis. »


Ils sont tous là, ceux qui ne passent pas l'hiver à Megève ou aux Caraïbes. Ils sont chauffeurs de taxi, employés de supermarché, vendeuses dans une station-service, infirmières, professeurs des écoles, taulards récemment libérés, ouvriers, employées de bureau...
Tous essaient à leur façon de passer l'hiver, soit en rentrant les épaules et en attendant que cela se passe, soit en décidant de tout envoyer paître et d'abandonner un quotidien devenu insupportable.
Ils sont comme ça les personnages que nous dépeint Olivier Adam dans ces neuf nouvelles qui sont autant de facettes de nos vies dérisoires, neuf tableaux qui décrivent avec une froide lucidité la France d'en bas, celle qui se lève tôt et qui souvent ne se couche même pas tant elle ressasse les crachats et les affronts de l'existence.
Pour eux, pour nous, l'hiver est toujours là, dans ces nuits d'insomnie, dans ces moments où tout ce qui nous entoure semble se réduire en cendres parce que quelqu'un nous a quitté, parce qu'un être cher meurt d'un cancer sous nos yeux, parce qu'il faut chaque jour se faire humilier par un petit chef pour ne pas se retrouver dans la rue, parce que la vie, finalement, se présente parfois comme notre pire ennemie.


Avec « Passer l'hiver », Olivier Adam s'est vu décerner le Prix Goncourt de la Nouvelle en 2004. Les neuf textes qui composent ce recueil n'incitent certes pas à la gaudriole mais sont, par certains aspects, le reflet sans fard de la réalité sociale de notre pays.
Une réalité crue, dure, et qui fait mal.

Commentaires

Joelle a dit…
Je le note ... cela peut être une bonne idée de découvrir cet auteur avec ce titre ! Et ce sera surtout plus facile de le trouver dispo en biblio !
Anonyme a dit…
Moi aussi, je le note, ce sera un bon moment lecture... à voir si je le trouve en bibliothèque.
Anonyme a dit…
Un auteur que je compte découvrir très bientôt.
Jules a dit…
Je crois bien que cet auteur n'écrit pas souvent les histoires joyeuses! Je viens de terminer "À l'abri de rien" qui fait le tour des deux situations désespérantes: la dépression et les immigrants illégaux. Très fort au niveau des émotions, il nous captive jusqu'à la fin dans son tourbillon...

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