Portrait d'un ambitieux
"Le chat botté" Patrick Rambaud. Roman. Grasset & Fasquelle, 2006.
Avec ce roman, Patrick Rambaud ajoute un nouvel opus à la série de romans qu'il a consacrés à l'empereur Napoléon 1er – série qu'il a inaugurée avec « La bataille », roman couronné par le Grand Prix de l'Académie Française puis par le Prix Goncourt en 1997, et relatant la bataille d'Essling qui opposa en 1809 la Grande armée aux forces autrichiennes. Puis, en 2000, ce fut « Il neigeait » qui décrit la Campagne de Russie au cours de l'hiver 1812-1813. Avec « L'absent », paru en 2003, c'est en 1814 que nous entraînait Patrick Rambaud pour nous faire le portrait d'un Napoléon vaincu à l'issue de la Campagne de France, contraint à abdiquer et à se retirer sur l'île d'Elbe.
L'action du « Chat botté » quant à elle, revient en arrière dans le temps et établit une rupture avec la progression chronologique observée dans les trois précédents romans.
C'est au matin du 9 Thermidor de l'An II (27 Juillet 1794) que commence le récit, avec l'arrestation de Robespierre suivie de son exécution le lendemain.
Avec la chute de l'artisan de la Terreur s'arrête la « dictature jacobine » et la Convention Thermidorienne succède à la Convention Montagnarde.
Profitant de l'assouplissement du régime, royalistes, fédéralistes, modérés, catholiques fanatiques et exilés reviennent sur le devant de la scène et se déchaînent verbalement et physiquement contre les jacobins qualifiés de « cannibales » et de « buveurs de sang ».
Fréron et Tallien, réactionnaires et antijacobins virulents organisent des bandes de jeunes chargées de déstabiliser le régime et de faire le coup de force contre les jacobins : ce sont les muscadins, représentants de la jeunesse dorée, royalistes aux tenues vestimentaires extravagantes, se répandant par bandes dans Paris, armés de gourdins afin de rosser tout individu suspecté de jacobinisme.
Ces bandes armées répandent peu à peu la terreur et l'insécurité et les affrontements se font de plus en plus violents, notamment le 19 septembre 1794 au Palais-Egalité (le Palais-Royal) ainsi que lors de l'insurrection royaliste du 13 Vendémiaire de l'An IV (5 octobre 1795).
Les jacobins quant à eux ne sont pas en reste en menant les insurrections manquées du 12 Germinal et du 1er Prairial de l'An III (Avril et Mai 1795)
Prise entre deux feux, la Convention Thermidorienne va devoir trancher dans le vif afin de rétablir le calme et de renforcer la République naissante. Pour cela elle aura besoin de s'assurer le concours d'hommes à poigne, de volontaires qui ne se laisseront pas impressionner par les rodomontades des partisans de l'un et de l'autre parti. Le destin va sourire à la Convention en la personne d'un obscur général de brigade démobilisé, au nom imprononçable, qui erre dans les rues de Paris avec « [...]ses bottes poussiéreuses, sa redingote râpée et son accent d'étranger .»
Les jacobins quant à eux ne sont pas en reste en menant les insurrections manquées du 12 Germinal et du 1er Prairial de l'An III (Avril et Mai 1795)
Prise entre deux feux, la Convention Thermidorienne va devoir trancher dans le vif afin de rétablir le calme et de renforcer la République naissante. Pour cela elle aura besoin de s'assurer le concours d'hommes à poigne, de volontaires qui ne se laisseront pas impressionner par les rodomontades des partisans de l'un et de l'autre parti. Le destin va sourire à la Convention en la personne d'un obscur général de brigade démobilisé, au nom imprononçable, qui erre dans les rues de Paris avec « [...]ses bottes poussiéreuses, sa redingote râpée et son accent d'étranger .»
Cet homme, qui va épouser le destin de la France pour le meilleur et surtout pour le pire, se nomme Napoleone Buonaparte.
Avec ce nouveau chapitre de l'épopée napoléonienne qui nous relate les tous premiers évenements qui conduiront Bonaparte vers le sommet du pouvoir, Patrick Rambaud nous offre une fois de plus une fresque historique flamboyante qui nous conduit dans les rues du Paris de la Révolution Française.
On y verra le luxe et le raffinement le plus provocant cotoyer la misère la plus sombre et la violence la plus insoutenable. On y assistera à des combats de rue menés par de jeunes gens aux tenues vestimentaires excentriques, affrontements qui évoqueront au lecteur cinéphile des scènes dignes d' « Orange mécanique » de Stanley Kubrick et de « Gangs of New-York » de Martin Scorsese.
On y verra aussi les ambitions des uns se nourrir de la déchéance des autres, se constituant des fortunes colossales tandis que le peuple réclame du pain. On y verra le cynisme, les trahisons, les luttes d'influence, les manipulations de l'opinion et l'instrumentalisation de la violence dans le but de faire basculer la balance du pouvoir dans un sens ou dans l'autre.
On assistera à cet horrible carnaval, à cet infernal mascaret où l'on brandit les têtes au bout des piques, où l'on étripe son prochain sans état d'âme parce qu'il n'a pas l'heur de partager votre propre point de vue sur la conduite politique du pays.
On ira aussi dans les antichambres du pouvoir ou des demi-mondaines s'offrent sans retenue aux petits potentats du moment, tyrans aux perruques poudrées et aux mains pleines de sang. On fera le constat déprimant – et malheureusement toujours d'actualité – de l'abandon et de la mise à l'écart des plus pauvres, de ces éternels grugés de l'Histoire, de ce peuple toujours en première ligne quand il s'agit d'offrir sa poitrine aux baïonnettes et qui ne fait que supprimer une tyrannie pour en voir, au bout du compte, s'en installer une autre.
Spectaculaire, violent, sordide et chatoyant, « Le chat botté » est un roman parcouru d'un souffle épique, une fresque en technicolor pleine de bruit et de fureur, un récit sans temps mort qui, sans être un roman policier, tient pourtant le lecteur en haleine de bout en bout et lui offre un point de vue passionnant sur une période extrêmement sombre de notre histoire trop souvent occultée par une imagerie officielle soucieuse de donner à ces évenements une aura de prestige et de respectabilité.
Avec ce roman, Patrick Rambaud nous donne une fois de plus la preuve que le genre du « roman historique » – quand il atteint ce degré de perfection – est loin d'être un courant mineur de la littérature.
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