Disparition(s)







"Et mon coeur transparent" Véronique Ovaldé. Roman. Editions de l'Olivier, 2008.



Lorsque Lancelot apprend la mort de sa femme, son univers semble tout à coup tomber en miettes.
En cette froid nuit de blizzard, Irina a été retrouvée morte, au volant d'une voiture immergée au fond de la rivière Omoko.
Que faisait-elle dans cette voiture qui ne lui appartenait pas alors que quelques heures plus tôt Lancelot l'avait accompagnée à l'aéroport d'où elle devait se rendre à l'étranger pour le tournage d'un film animalier ?

Irina menait-elle une double vie ? Avait-elle un ou des amants ? Ou alors exerçait-elle une activité illicite ? C'est ce que va tenter de découvrir Lancelot, malgré le brouillard cotonneux qui enveloppe sa conscience, brouillard dû à la douleur de cette disparition tragique ainsi qu'à l'action des médicaments que lui a prescrits son médecin afin de l'aider à supporter le choc de ce deuil.
Qui était vraiment Irina ? Qu'y avait-il dans la voiture dans laquelle on l'a retrouvée ? Pourquoi Lancelot va t-il découvrir, au milieu des recettes de cuisine de sa femme, la formule du napalm et les ingrédients nécessaires à l'élaboration d'une bombe au chlore ?
Et qui est Paco, cet homme qui débarque subitement en se prétendant être le père d'Irina alors que celle-ci avait toujours dit à Lancelot que son géniteur était mort ? Pourquoi certains meubles – et même une maison entière – disparaissent-ils subitement, comme happés vers une autre dimension ?
Lancelot, face à tous ces mystères, va essayer de faire la lumière sur le passé de celle avec qui il partageait jusqu'alors une vie sans histoires dans la banlieue chic de Milena.


On pourrait croire, en lisant le synopsis de ce roman, que l'on se trouve ici en présence d'une enième variation sur le thème de la disparition d'un être cher dont on découvre alors qu'il ou elle menait une double-vie. Ce thème a été – et sera encore – exploité de nombreuses fois, et avec plus ou moins de talent, aussi bien en littérature qu'au cinéma.
Mais ce qui est particulier avec ce roman de Véronique Ovaldé, c'est que cet argument de départ nous mène dans un univers complètement décalé et pourtant très proche du notre, où le surréalisme et l'irrationnel semblent toujours se tapir en lisière de la réalité afin d'apporter à celle-ci une touche de couleur et de poésie destinée à créer soit l'harmonie, soit une certaine forme de discordance qui éveille l'attention du lecteur et semble lui rappeler que rien ici n'est stable et défini, mais que ,tout au contraire, les choses, les gens, les mots même, deviennent fluctuants, transparents, évanescents et transitoires.

J'ai retrouvé, en lisant pour la première fois avec ce roman un ouvrage de Véronique Ovaldé, la même impression que celle que m'a laissée il y a quelques temps la lecture du premier Haruki Murakami qui m'était tombé sous la main (« Chroniques de l'oiseau à ressort ») avec cette même ambiance d'un quotidien en apparence banal mais qui recèle pourtant en son sein des portes ouvertes sur le fantastique et l'irrationnel.
J'ai même trouvé quelques points communs à ces deux romans : le désoeuvrement d'un homme seul après la disparition de sa femme, la survenue de personnages et d'évenements étranges et inexplicables, l'intrusion du merveilleux dans le cadre du quotidien, ainsi que la présence d'un puits (élément, majeur dans le roman de Haruki Murakami, plus accessoire dans celui de Véronique Ovaldé), symbole de la connaissance cachée et de la vérité dissimulée au commun des mortels, mais aussi lieu d'échange entre le monde sensible et le surnaturel.


Pour conclure, je dirais que l'univers de Véronique Ovaldé m'a séduit, de la même manière que m'a séduit « Chroniques de l'oiseau à ressort » de Haruki Murakami. J'y ai trouvé une écriture qui instaure peu à peu un climat d'étrangeté au sein d'un monde qui pourrait sembler routinier et dénué de fantaisie, mais qui insensiblement dérive vers l'inconnu et le merveilleux. Bien sûr, « Et mon coeur transparent » n'atteint pas la densité du roman de Murakami, le récit en est plus bref mais non moins agréable à lire.
J'ai par contre éprouvé un peu de difficultés au départ avec la ponctuation assez atypique mais l'intérêt suscité par le récit a rapidement gommé cette impression déroutante.

En cela, Véronique Ovaldé nous offre avec ce roman un univers qui n'appartient qu'à elle, une véritable « marque de fabrique » d'une auteure qui impose peu à peu son style au sein de la littérature française contemporaine. On en redemande.




« Et mon coeur transparent » a reçu le Prix du Livre France-Culture – Télérama 2008.




Les avis de Anne, de Lily, d'Amanda, de Cuné, de Clarabel, de Florinette, de Clochette, de Bellesahi, d'Antigone et de La Môme Poison.






Commentaires

Michel a dit…
Si tu me confirme que Murakami est aussi bon... je vais l'ignorer également !
Mais je n'ose croire que l'on peut écrire un autre livre qui me touche aussi peu
BOUALI Pascal a dit…
Michel : je ne voudrais pas que mon billet te fasse passer à côté des romans de Murakami. Ce que j' ai dit à propos de ces deux romans n'est après tout qu'une impression très personnelle.
Michel a dit…
Uniquement pour vérifier ton impression, je vais devoir lire un Murakami . lol !

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