Breizh Attitude
"Elle fait des galettes, c'est toute sa vie." Karine Fougeray. Nouvelles.
Editions Delphine Montalant, 2005.
A travers les quatorze nouvelles qui composent ce recueil, Karine Fougeray nous invite à un voyage en Bretagne ; la Bretagne d'aujourd'hui bien sûr, mais aussi la Bretagne d'antan, celle des premières années du XXème siècle, évoquées dans « Comment ne pas perdre la tête » ou encore celle des années 50-60 avec « Les bonnes ».
Mais avant tout, Karine Fougeray nous parle de la Bretagne contemporaine, celle des vacances d'été, celle des bistrots, des bains de mer, des stages de voile et des restaurants de fruits de mer. Mais aussi celle des retraîtés, des plaisanciers, des parties de pêche et des enterrements.
Avec humour et tendresse, elle nous dépeint ces moments choisis que toute personne ayant une fois dans sa vie posé le pied en Bretagne aura plus ou moins vécu. Qui ne se souvient des bains de mer dans une eau dont on dira avec optimisme qu' « elle est bonne »? Ou des goûts partagés pour la dégustation de fruits de mer ? Des journées passées à s'ennuyer sur la plage et des week-ends en amoureux qui tournent en eau de boudin ?
Tous ces moments, Karine Fougeray les évoque dans une suite de tableaux à l'atmosphère nostalgique et douce-amère. On rit souvent, on s'attendrit aussi sur quelques personnages comme Madeleine dans « Comment ne pas perdre la tête » ou la Mémé de « Elle fait les galettes, c'est toute sa vie ». On s'amuse des travers et des maladresses des citadins comme ce pêcheur à pied ou ce lyonnais égaré qui va bien malgré lui déclencher l'hilarité des clients d'un bistrot. On suit également, avec un plaisir à la limite du sadisme, les mésaventures d'un chef d'entreprise embarqué pour un stage de voile. On y verra aussi des accidents de plage, des histoires d'amour interrompues, des affaires de famille, des éclats de rire et des chagrins, des deuils et des regrets.
Le point commun de toutes ces histoires, c'est cette ambiance de nostalgie qui plane sur l'ensemble de ce recueil comme une mise en garde, car sous l'atmosphère insouciante des vacances se trouve toujours l'invisible petite fêlure qui fait qu'un jour ou l'autre quelque chose va déraper, qu'un couple va se briser, qu'un rendez-vous sera manqué, qu'une arrière grand-mère va disparaître...
Cette fêlure infime, on la décèle même dans ce qui pourrait apparaître comme le plus anodin des dialogues, tel que celui de cette courte nouvelle : « Bain de mer » :
Le point commun de toutes ces histoires, c'est cette ambiance de nostalgie qui plane sur l'ensemble de ce recueil comme une mise en garde, car sous l'atmosphère insouciante des vacances se trouve toujours l'invisible petite fêlure qui fait qu'un jour ou l'autre quelque chose va déraper, qu'un couple va se briser, qu'un rendez-vous sera manqué, qu'une arrière grand-mère va disparaître...
Cette fêlure infime, on la décèle même dans ce qui pourrait apparaître comme le plus anodin des dialogues, tel que celui de cette courte nouvelle : « Bain de mer » :
« -Elle est froide ?
-Non, viens, je t'assure, elle est vachement bonne !
-Elle n'est pas froide ?
-Je te dis qu'elle est bonne.
-Arrête, elle est glacée !
-Mais non, pas du tout ! Quand on y est, elle est super bonne.
-Moi, franchement, je la trouve plus froide qu'hier.
-Bon, dépêche, je ne vais pas t'attendre dix ans !
-Mais ça me fait comme des cerceaux autour des cuisses tellement c'est gelé !
-Bon, ben moi je vais nager...
-Ah la la, c'est dingue, j'ai la chair de poule... Brrr... Quelle torture... Eh, attends-moi !
-Non, viens, je t'assure, elle est vachement bonne !
-Elle n'est pas froide ?
-Je te dis qu'elle est bonne.
-Arrête, elle est glacée !
-Mais non, pas du tout ! Quand on y est, elle est super bonne.
-Moi, franchement, je la trouve plus froide qu'hier.
-Bon, dépêche, je ne vais pas t'attendre dix ans !
-Mais ça me fait comme des cerceaux autour des cuisses tellement c'est gelé !
-Bon, ben moi je vais nager...
-Ah la la, c'est dingue, j'ai la chair de poule... Brrr... Quelle torture... Eh, attends-moi !
Dix minutes passent.
-Bon, alors qu'est-ce-que tu fabriques ?
-Minute papillon, j'arrive. T'as vu, je passe le maillot, c'est bon signe.
-Minute papillon, j'arrive. T'as vu, je passe le maillot, c'est bon signe.
Cinq minutes passent.
-Ecoute, moi je sors, je commence à avoir froid.
-Tu vois ! Je te l'avais bien dit, elle est froide !
-Oh, tu m'énerves ! Avec toi c'est à chaque fois le même cinéma. Allez, je sors. Tant pis pour toi.
-Je t'en supplie, reviens. Elle est délicieuse ! »
-Tu vois ! Je te l'avais bien dit, elle est froide !
-Oh, tu m'énerves ! Avec toi c'est à chaque fois le même cinéma. Allez, je sors. Tant pis pour toi.
-Je t'en supplie, reviens. Elle est délicieuse ! »
Voici donc quatorze récits, quatorze chants d'amour, de tendresse, de rire et de douleur adressés à la Bretagne, aux bretons et à tous ceux qui, de près ou de loin, éprouvent une attirance pour cette région, vivent ou ont vécu des moments forts sur cette terre d'Armorique si riche en personnalités d'exception.
Les gourmands – dont je fais partie – s'extasieront quant à eux, sur le passage consacré à la confection des galettes dans la nouvelle qui donne son titre à l'ouvrage :
Les gourmands – dont je fais partie – s'extasieront quant à eux, sur le passage consacré à la confection des galettes dans la nouvelle qui donne son titre à l'ouvrage :
« Quand elle se saisit du râteau de bois et de la louche, on salive déjà. À la cantonade, elle interroge : « La première, c'est pour qui ? » Il y a un grand silence d'une minute au moins qui s'envole et qui gonfle comme s'il allait se vider dans nos bolées de cidre. Je sais bien que cela va durer une minute minimum, j'ai chronométré avec ma montre de communion. Si on attend tous qu'un autre se déclare, c'est que personne n'en veut, de la première.
Alors, sans oublier de nous fustiger du regard parce qu'on est si mal élevés, Mamie se lance : « Pour moi Mémé, la même que d'habitude. » Puis tout s'enchaîne. Avec notre assiette, on se lève les uns après les autres pour aller à la cuisine chercher notre galette. Moi une complète miroir, si l'oeuf est cassé j'en veux pas; Louise une oeuf-jambon à cause de son régime; Dédé une double complète car il dévore comme un ogre; Papi sa galette sèche parce que lui il la trempe dans le lait ribot. Et surtout on est contents parce qu'on boit énormément de cidre, on a l'autorisation de quatre bolées chacun et on ne se gêne pas pour les remplir à ras bord. »
Alors, sans oublier de nous fustiger du regard parce qu'on est si mal élevés, Mamie se lance : « Pour moi Mémé, la même que d'habitude. » Puis tout s'enchaîne. Avec notre assiette, on se lève les uns après les autres pour aller à la cuisine chercher notre galette. Moi une complète miroir, si l'oeuf est cassé j'en veux pas; Louise une oeuf-jambon à cause de son régime; Dédé une double complète car il dévore comme un ogre; Papi sa galette sèche parce que lui il la trempe dans le lait ribot. Et surtout on est contents parce qu'on boit énormément de cidre, on a l'autorisation de quatre bolées chacun et on ne se gêne pas pour les remplir à ras bord. »
Si avec ça vous n'avez pas l'eau à la bouche, alors...
Merci à Sylire qui nous a – à Chatperlipopette et à moi – grâcieusement prêté ce livre.
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