Le 9ème Prix des Lecteurs du Télégramme # 5

"Entre ciel et terre" Jon Kalman Stefansson. Roman. Gallimard, 2010.
  Traduit de l'islandais par Eric Boury.


L'Islande est décidément à l'honneur pour cette 9ème édition du Prix des lecteurs du Télégramme. Après l'excellent « Jón l'Islandais » de Bruno d'Hallouin, c'est cette fois-ci un roman venu tout droit de ce fascinant pays qui nous est proposé.
« Entre ciel et terre » (dont le titre original est : « L'Enfer et le Paradis ») est le premier roman traduit en français de l'auteur islandais Jón Kalman Stefánsson. Quatre autres romans sont à son actif ; espérons qu'ils soient eux aussi traduits un jour en français.

« Entre ciel et terre » se déroule donc en Islande à la fin du XIXème siècle. On y fait la connaissance de deux amis, un jeune homme prénommé Bárður accompagné d'un enfant dont on ne connaîtra pas le nom et qui sera tout au long de ce roman appelé « le gamin ».
Barður et le gamin sont pauvres. Pour s'assurer le gîte et le couvert, ils louent leurs bras au hasard comme ces personnages de la Grande Dépression décrits par John Steinbeck dans « Les raisins de la colère » et « Des souris et des hommes ».

Quand débute le roman, les deux compagnons arrivent à un campement de pêcheurs où ils se sont engagés pour participer à une expédition de pêche à la morue. Bien que leurs maigres bagages ne contiennent que l'essentiel, ils ont quand même apporté avec eux quatre objets dont l'utilité semble toute relative. Ces quatre objets, ce sont des livres. Barður et le gamin sont en effet passionnés de littérature, au point d'entamer leurs maigres économies afin d' acquérir quelques ouvrages.
Cette fois-ci, dans leur sac se trouvent deux ouvrages qu'ils ont acheté : un manuel de langue anglaise et un récit de voyage. Les deux autres sont des livres qu'ils ont emprunté à un vieux capitaine aveugle : la biographie d'un marin danois, ainsi que « Le Paradis perdu » du grand poète britannique John Milton.
C'est ce dernier ouvrage qui va plus particulièrement fasciner Barður, au point que plongé dans la lecture des vers du poète, il sera en retard au moment d'embarquer pour partir en mer et en oubliera sa vareuse. Cet oubli lui sera fatal. L'équipage, arrivé au large, sera pris dans une tempête de neige et Barður va mourir de froid.
Inconsolable suite à la disparition de son meilleur et seul ami, le gamin n'aura plus qu'une idée en tête : mourir à son tour. Mais avant cela, il lui reste une dernière tâche à accomplir : retourner au village afin de rendre à son propriétaire les deux livres qu'ils lui ont emprunté.
Une fois cette mission accomplie, le gamin mettra-t-il fin à sa vie ou trouvera-t-il une raison de continuer à vivre ? C'est cette question qui accompagnera le lecteur jusqu'à la fin de ce douloureux récit qui prend la forme d'une quête initiatique dans laquelle un enfant va peu à peu découvrir, par delà la douleur, sa condition d'adulte en devenir. Au sein de ce village qu'il a du rejoindre afin de rendre les livres empruntés par Barður, il fera la rencontre de nombreux personnages, fascinants et inquiétants dont les plus étranges et les plus troublants appartiennent à ce continent encore inconnu pour lui qu'est l'univers féminin.

D'un récit dont la trame pourrait apparaître à première vue relativement simple et linéaire, Jón Kalman Stefánsson nous offre une narration à la prose hypnotique et poétique servie par une excellente traduction signée Eric Boury. Une fois entré dans ce récit, après s'être accoutumé à cette écriture si particulière, le lecteur se laisse entraîner dans cette histoire sombre où la dureté du climat et la violence sociale peuvent s'avérer fatals aux êtres les plus faibles et les plus démunis. 
Malgré cela « Entre ciel et terre » n'est pas de ces romans misérabilistes destinés à nous tirer des larmes en nous décrivant les conditions de vie plus que précaires des classes les plus pauvres d'Islande en cette fin du XIXème siècle. L'auteur ne tombe jamais dans la tentation du détail sordide et les personnages qu'il décrit, même s'ils ne sont pas toujours reluisants et exempts de certains vices, sont dépeints avec beaucoup d'humanité et de dignité.
C'est donc avec fascination et curiosité que l'on se plongera, en compagnie de ce gamin dont on ne connaîtra jamais le nom, dans ce microcosme à l'échelle d'un petit village côtier, à la rencontre de ses habitants ni plus ni moins admirables ou méchants que partout ailleurs.
Ce récit, qui s'attache à ces quelques personnages perdus sur ce petit bout de terre battu par le vent boréal ne pourra que rappeler la force de ces sagas médiévales islandaises dont Jón Kalman Stefánsson est à n'en pas douter le digne héritier.      




William Turner (1775-1851) : "Tempête de neige"

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