Le 9ème Prix des Lecteurs du Télégramme # 1

"Le dernier roi d'Angkor" Jean-Luc Coatalem. Roman. Grasset, 2010.



Après quelques années de vie commune dans l'appartement parisien qu'il a hérité de sa mère, le narrateur – journaliste indépendant, proche de la cinquantaine – se sépare de sa compagne. C'est plutôt elle, d'ailleurs, qui s'en va. Malgré de nombreuses tentatives et après avoir tout essayé, son désir d'enfant n'a pas pu se réaliser. Ne pouvant faire le deuil de cet enfant qui ne naîtra jamais, elle met un point final à cette liaison et claque la porte.
Le narrateur se retrouve donc seul et décide – peut-être afin d'exorciser cette cassure – de refaire à neuf l'intérieur de son appartement afin de tirer un trait sur ces années passées.
C'est en faisant le tri dans de vieux souvenirs que son regard se pose sur de vieilles photos conservées par sa mère. Sur l'une de celles-ci apparaît un visage d'enfant qu'il a connu bien longtemps auparavant. Il s'agit d'un orphelin cambodgien appelé Louis-Noël qui partageait ses jeux lors des dimanches passés chez ses grands-parents.
Lui revient alors quantité de souvenirs : la grande maison bourgeoise de Viroflay où il passait les dimanches de son enfance ; son grand-père qui a fait carrière dans le commerce international et qui se passionne pour l'épopée napoléonienne ; et Louis-Noël que l'on extirpait de son orphelinat à l'occasion de ces fêtes et repas de famille.
Légèrement plus âgé que le narrateur et son frère, Louis-Noël, surnommé Bouk, ne cessait de fasciner les deux frères qui s'interrogeaient sur ses origines. Son maintien, sa retenue, son attitude digne en toutes circonstances, n'étaient-ils pas le signe que Bouk était le descendant d'un de ces rois qui bâtirent les temples-cités d'Angkor ? Les deux enfants ne cessaient d'échafauder des théories à son sujet, rêvant de jungles impénétrables, de chasses au tigre, de crépuscules sur le Mékong.
Il faut dire que l'on en sait bien peu sur Bouk. Seulement qu'il est né au Cambodge, dans la région d'Angkor et qu'il est l'un de ces innombrables orphelins originaires de ce pays en guerre.
Et pour quelles raisons cet enfant se retrouve-t-il au sein de cette famille bourgeoise ? Sa présence est-elle en rapport avec l'oncle Ronan ou le cousin Pierre qui ont vécu quelques années là-bas, l'un militaire, l'autre ingénieur – à l'époque où l'Asie du sud-est était colonie française ? Bouk a-t-il des liens cachés avec cette famille française ou sa présence n'est-elle due qu'à une action désintéressée d'un vieil homme fortuné désireux d'accomplir un acte désintéressé en parrainant un jeune orphelin ?
Beaucoup de questions restent en suspens. Beaucoup trop. Et bien des années plus tard, le narrateur s'interroge encore sur le cas de Louis-Noël qui, une fois adolescent, a disparu de leur vie sans laisser de traces, laissant derrière-lui un mystère de plus.
Qu'est devenu Bouk ? Est-il reparti au Cambodge ou mène-t-il une vie discrète quelque part en France ? C'est ce que va tenter de découvrir le narrateur qui va ainsi se lancer dans un jeu de piste qui le mènera jusqu'aux ruines d'Angkor dans la touffeur de la jungle cambodgienne.

« Le dernier roi d'Angkor » est un roman sur le souvenir qui nous embarque dans un voyage exotique qui tient à la fois de la quête de soi et de l'enquête policière. On suit certes avec grand intérêt les démêlés de ce journaliste qui veut faire une fois pour toutes la lumière sur un mystère resté entier. Le problème est que l'on arrive à la fin de ce roman sans avoir un seul éclaircissement sur toutes ces questions qui jalonnent le fil du récit. On sait que le narrateur apprendra au final tout ce qu'il a voulu savoir. Mais pour ce qui est du lecteur, il reste sur sa faim, frustré d'avoir parcouru toutes ces pages – passionnantes au demeurant – pour en arriver à cette conclusion décevante ainsi qu'à un dénouement un peu téléphoné qui joue sur le registre réchauffé de l'inanité de rechercher au loin ce que l'on peut trouver près de soi. Dommage que ce roman de Jean-Luc Coatalem qui laisse présager dès les premières pages une intrigue fascinante, intrigue qui se poursuit avec bonheur tout au long du récit, retombe malheureusement comme un soufflé refroidi et nous laisse désemparés, en proie à nos questionnements sans réponses, devant le grand vide qui suit le point final.







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