Sept cavaliers...




"Sept cavaliers quittèrent la Ville au crépuscule par la porte de l'Ouest qui n'était plus gardée" Jean Raspail. Roman. Robert Laffont, 1993.





Ils sont sept, commandés par le comte Silve de Pikkendorff, colonel-major, gouverneur militaire de la Ville.
Il y a d'abord l'évêque Von Beck, coadjuteur de la Ville, puis le Cornette Maxime Bazin du Bourg, le brigadier Vassili Clément, le lieutenant Tancrède,le cadet Stanislas Vénier et le palefrenier Abaï, de la tribu des Oumiâtes.
C'est sur l'ordre de son Altesse sérénissime Welf III, margrave héréditaire de la Ville, que ces sept cavaliers vont prendre la route et tenter de comprendre pourquoi le pays, naguère prospère, est devenu en l'espace de quelques temps un désert où ne rôdent que des bandes de pillards.


Même la Ville n'a pas échappé à ce triste sort et les rues sont désertes, abandonnées par ses habitants qui ont fui on ne sait où. Quelle étrange épidémie s'est donc répandue sur ce pays que l'on imagine d'Europe centrale, au tournant des XIXe et XXe siècles ? Est-ce une maladie infectieuse ? Est-ce une révolte de ses habitants qui a fait tomber le pays dans l'anarchie ? Est-ce encore l'influence de ces bandes d'amanitiens, consommateurs d'un redoutable champignon hallucinogène qui finit par les tuer au bout d'un an ou deux ?
Toujours est-il que le pays est coupé du reste du monde, le télégraphe ne fonctionne plus, les trafics ferroviaires et maritimes non plus. Des pays limitrophes ne parviennent aucune nouvelle et les postes-frontière ont été abandonnés.


Le margrave est resté seul en son château, accompagné de quelques fidèles, dont font partie les sept hommes qu'il va envoyer aux frontières afin d'élucider les causes du délabrement du royaume. Leur but ultime sera d'atteindre le poste-frontière de Sépharée d'où le margrave a reçu la dernière lettre de sa fille unique la princesse Myriam, qu'il avait éloignée de la Ville au début des troubles qui ont agité le pays. Depuis, plus aucune nouvelle n'est parvenue de la jeune femme. Est-elle morte ? A-t-elle trouvé refuge à l'étranger ?
Les sept cavaliers vont donc quitter la Ville « au crépuscule, par la porte de l'Ouest qui n'était plus gardée » et entamer un voyage qui va les conduire sur la côte, puis dans les montagnes et la Grande Forêt. Ils ne vont rencontrer que désolation sur leur chemin mais également croiser des personnages et des populations tour-à-tour amicales ou hostiles. Leurs conversations, lors des haltes autour du feu, leur donneront l'occasion d'émettre leurs hypothèses sur les causes de la déliquescence du pays, sur leurs espoirs, sur la légende menaçante des hordes d'envahisseurs tchétchènes qui pourraient profiter de l'abandon du pays pour s'en emparer et y faire régner une autre forme de terreur, sur l'étrange destin du capitaine et poète Wilhelm Kostrowitsky, disparu trente ans plus tôt en recherchant ces mêmes tchétchènes qui obsèdent le brigadier Vassili, et dont les poèmes ont trouvé un fervent amateur en la personne du jeune officier Maxime Bazin du Bourg.
Au cours de ce voyage, les sept cavaliers vont rencontrer l'un après l'autre leur destin et peu à peu leur groupe s'amenuisera jusqu'à ce qu'il ne reste plus que deux d'entre eux à atteindre Sépharée, le lieu où tout va prendre un nouveau sens et où cette histoire va connaître un dénouement inattendu.



Avec ce roman au titre évocateur, Jean Raspail démontre une fois de plus son extraordinaire talent de conteur et la richesse de son imaginaire. On retrouve dans ce livre des thèmes qui lui sont chers, comme l'évocation de peuplades et de contrées réelles ou imaginaires, la confrontation entre civilisations que tout sépare, entre sociétés traditionnelles et avènement d'un modernisme écrasant et destructeur.
Entre « Le désert des Tartares » de Buzzatti, « Le rivage des Syrtes » de Gracq, et l'univers des romans d'Italo Calvino, Jean Raspail nous entraîne ici dans un monde fascinant qui se situe aux frontières de la réalité et nous ouvre ainsi une porte sur des contrées inconnues, tissées de l'étoffe du songe et du réel.
Si le quotidien vous ennuie et vous semble morose, ouvrez-donc ce roman de Jean Raspail et laissez-vous entraîner à la suite de ces sept cavaliers qui « quittèrent la Ville au crépuscule par la porte de l'Ouest qui n'était plus gardée ».
Bon voyage.


Il est à noter que le premier tome d'une adaptation de ce roman existe en B.D. dessinée par Jacques Terpant, chez Robert Laffont.




Commentaires

Jules a dit…
J'ai entendu parler de cet auteur pour le première fois ce matin-même par un collègue qui me suggérait "L'anneau du pêcheur" du même auteur! Celui-ci a l'air pas mal aussi, mais peut-être plus pour mon homme que pour moi...

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