"Racailles & Sauvageons"
Thierry Jonquet, avec« La vie de ma mère! » a voulu faire un roman sur un gamin de banlieue, une de ces « racailles »( Nicolas Sarkozy) de la petite ceinture, un de ces « sauvageons » ( Jean-Pierre Chevenement) dont les médias et les politiques aiment à évoquer les errances et les débordements afin d'acquérir des parts d'Audimat ou des électeurs.
Que politiciens et journalistes s'adonnent à ces pratiques démagogiques il n'y a là rien de surprenant. Par contre, quand un écrivain s'essaie à évoquer le « problème des banlieues » on est en droit de se demander si lui aussi n'est pas en train de surfer sur la vague des sujets de société qui fâchent et qui n'apportent, en fin de compte, de bénéfices qu'aux susnommés qui exploitent faits divers et violence sociale dans le seul but d'en tirer des avantages personnels.
Avec « La vie de ma mère! » , Thierry Jonquet serait-il lui aussi tombé dans le piège de la démagogie et de la caricature en mettant en scène un jeune ado des faubourgs parisiens qui, en un monologue d'environ 140 pages, nous raconte sa vie et ses tribulations, ses démélés avec l'école et la police, les petits larcins et les incivilités ordinaires, la vie des cités avec ses lois et ses combines, les grand-frères qui tournent toxicomanes ou intégristes musulmans ? En fait, non, car comme me l'a justement fait remarquer Gachucha, ce livre, paru en 1994, a été écrit avant que les banlieues ne deviennent un enjeu politique et sociétal majeur.
Ce livre peut s'aborder de deux manières: la première consiste à lire « La vie de ma mère! » comme un roman qui témoignerait d'un fait de société devenu incontournable depuis les émeutes de l'automne 2005, du portrait d'une jeunesse en dérive et sans repères qui ne trouve d'exutoires que dans la violence et la consommation à outrance. Mais le hic, c'est que Thierry Jonquet en fait des caisses, et l'on croule rapidement sous une avalanche de clichés qui ont pour résultat de faire perdre toute crédibilité au récit.
La seconde manière d'appréhender ce roman, c'est de l'aborder comme une parodie humoristique du comportement des jeunes de banlieue. En cela je tire mon chapeau à Thierry Jonquet qui réussit avec brio à restituer le langage et les expressions usitées dans tous les halls d'immeubles de France et de Navarre. J'émettrai cependant une réserve sur le terme « From » que Thierry Jonquet définit comme une abréviation de fromage blanc, destinée à désigner tout individu à peau blanche. Si cette expression existe, elle ne doit être d'usage que dans les quartiers d'Auteuil, Neuilly et Passy où les jeunes « fils à papa » essaient de se la jouer « Caillera .» Les termes « Cefrans », « Gaoulis » ou « Toubabs » sont, eux, beaucoup plus authentiques et Thierry Jonquet aurait pu éviter, avec « From » une erreur de terminologie « racaillesque. » Mais peut-être que ce roman, qui a maintenant treize ans d'existence a tout simplement vieilli.
En conclusion, pour ceux et celles qui voudraient lire un vrai roman sur la vie dans les banlieues, je conseillerai plutôt « Kiffe kiffe demain » de Faïza Guène qui décrit avec nuances et loin des clichés habituels la vie quotidienne des habitants des cités qui ne sont pas nécessairement les délinquants que l'on voudrait nous faire croire.
« La vie de ma mère! » mérite d'être lu, certes, mais au deuxième degré, comme une parodie, un exercice de style humoristique comme Goscinny le fit en son temps avec « Le petit Nicolas » ( qu'il ne faut pas confondre avec le démagogue au Karcher et aux talonnettes...) ou bien comme Elie Semoun dans cette petite annonce :
« La vie de ma mère! » a également été adapté en bande-dessinée par Chauzy aux éditions Casterman.
Commentaires
Mais le livre a peut-être vieilli...