Addiction
MILLENIUM . Stieg Larsson. Roman. Actes Sud, 2007
1 : "Les hommes qui n'aimaient pas les femmes."
2 : "La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette."
3 : "La reine dans le palais des courants d'air."
Traduit du suédois par Lena Grumbach et Marc de Gouvenain.
Vous les avez sûrement déjà remarqués, ces trois pavés édités chez Actes Sud, dont les titres attirent immédiatement l'attention : « Les hommes qui n'aimaient pas les femmes – La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette – La reine dans le palais des courants d'air. »
On le sait, les polars scandinaves sont à la mode depuis quelques années, mode justifiée par la grande qualité de ces romans signés Mankell, Nesbo, Indridasson, etc... Et voilà qu'à tous ces auteurs reconnus vient s'ajouter le nom de Stieg Larsson. Hélas ! Malgré la grande qualité de son oeuvre, « Millénium » et ses personnages principaux resteront orphelins car Stieg Larsson est décédé d'une crise cardiaque à l'âge de 50 ans, peu après avoir bouclé le dernier tome de sa trilogie.
L'auteur n'aura donc malheureusement pas été témoin du succès phénoménal remporté par ses trois romans. Et ce succès est en tous points justifié car si vous faites partie de celles et ceux qui n'ont pas encore lu la trilogie « Millénium », je vous défie, une fois commencée la lecture du premier tome, de vous détacher de l'intrigue et de ne pas enchaîner immédiatement après avec les deux tomes suivants. Attention, la lecture de cette trilogie peut conduire à l'addiction !
Et pourtant nous sommes ici bien loin de l'univers des thrillers, de leur mécanique bien réglée, de leurs effets dramatiques destinés à captiver l'attention, de toute cette machinerie savamment huilée qui n'a pour seul but que de pousser le lecteur à tourner la page pour en savoir plus. Nous sommes ici en présence d'un polar beaucoup plus axé sur la psychologie de ses personnages que sur l'action pure ou les effets morbides et sanguinolents dont certains auteurs se sont fait une spécialité.
L'intérêt de la trilogie « Millénium » n'est pas là. Il est plutôt dans l'observation et la description de la société suédoise contemporaine, une société qui, par bien des aspects est comparable à la nôtre dans sa confrontation avec la délinquance en cols blancs, avec les accointances entre monde politique et haute finance, avec les conséquences de la fin de la guerre froide qui a boosté le marché du trafic d'êtres humains, avec la résurgence des vieux démons assoupis du nazisme et du fascisme, avec l'inféodation des médias aux grandes puissances économiques, etc...
Tous ces problèmes contemporains, si Stieg Larsson les évoque à un moment ou à un autre de sa trilogie, c'est avant tout parce qu'il a mené une carrière de journaliste, qu'il a enquêté et publié des essais sur l'économie, qu'il a réalisé des reportages sur divers conflits africains et aussi qu'il a été rédacteur en chef de la revue Expo, observatoire des manifestations ordinaires du fascisme dans la société contemporaine.
Ce n'est donc pas un hasard si le personnage central de son récit, Mikael Blomkvist, est lui aussi journaliste. Âgé d'une quarantaine d'années, Blomkvist travaille pour la revue mensuelle Millénium, revue d'investigation qui pointe du doigt les abus et les excès du monde politique et financier.
Au tout début du récit, Blomkvist vient de perdre un procès qui l'oppose à un grand requin de la finance suédoise. Ayant écopé d'une lourde amende et de quelques mois d'emprisonnement, le journaliste va vouloir prendre quelques distances avec la rédaction du journal afin, d'une part, de faire le point sur sa carrière et d'autre part de préparer sa revanche sur l'homme d'affaires qui l'a traîné au tribunal et dont il est pourtant profondément convaincu de la malhonnêteté. Mais c'est alors qu'il est contacté par un autre capitaine d'industrie qui désire l'employer afin d'enquêter sur un étrange cas de disparition d'une jeune fille survenu une quarantaine d'années plus tôt.
A partir de ce moment, tout va s'enchaîner et Stieg Larsson va nous entraîner dans un récit fleuve qui ne s'achèvera, au grand regret du lecteur, qu'au bout de trois tomes tous plus passionnants les uns que les autres. On verra apparaître au cours de ce récit une kyrielle de personnages à la psychologie remarquablement fouillée et décrite et dont l'exemple le plus emblématique n'est autre que Lisbeth Sallander, personnage qui, peut-être plus que Blomkvist, est au centre de toute la trilogie.
Car ce qui est la marque de fabrique de l'oeuvre de Stieg Larsson, c'est la place toute particulière faite aux femmes dans ses trois romans. Les femmes sont ici l'élément central du récit, actrices de leur destin, ou victimes de celui-ci, Stieg Larsson nous dresse ici plusieurs portraits féminins qui valent leur pesant d'or. Qu'elles soient journalistes, flics ou marginales, Larsson nous les décrit avec beaucoup de justesse, sans complaisance ni afféterie.
Les hommes, par contre, sont pour la plupart décrits comme des salauds, des machos, des obsédés sexuels, des tricheurs, et bien peu échappent au rouleau compresseur de l'auteur. Car les hommes qui n'aiment pas les femmes sont légion, et les bas instincts, la brutalité, la perversion et la soif de domination sont des sentiments encore bien ancrés dans les mentalités masculines.
Un seul, évidemment, semble échapper à ce jugement sans appel de Larsson, c'est Blomkvist bien évidemment. Son côté homme idéal, courageux, obstiné, ennemi de toutes les injustices, séducteur, amant expérimenté et infatigable, m'a un peu agacé (mais n'y voyez là que de la jalousie pure et simple) en ce sens qu'il m'est apparu un tantinet artificiel, trop lisse, trop parfait. Ceci dit, Mikael Blomkvist est tout de même un personnage auquel on s'attache (moins qu'à Lisbeth Sallander) et que l'on suit avec plaisir dans ses investigations, pour qui l'on tremble lorsque le danger menace et avec qui l'on se réjouit quand certains salauds se retrouvent hors d'état de nuire. Bref, sous la plume de Stieg Larsson les hommes en prennent pour leur grade et c'est tant mieux car ils l'ont bien mérité. Les femmes, quant à elles, en ressortent plus fortes même si leur calvaire et l'opression dont elles sont les victimes est loin de s'achever.
Je m'aperçois que je n'ai presque rien dit de la trame du récit qui s'étire sur ces trois tomes. Je n'en dirais toutefois pas plus de peur de déflorer l'intrigue et de gacher le plaisir de celles et ceux qui ont encore à découvrir cette oeuvre passionnante.
Mais je vous vois déjà avec le premier tome entre les mains, prêts à plonger tête baissée dans cette captivante histoire... Je me retire donc sur la pointe des pieds et vous souhaite une bonne lecture.
Les avis (et il sont trop nombreux et élogieux pour les mettre tous ici) du Blog des livres, de Startine, de Mimie, de Gachucha, de Nina, de Madison, etc...
Commentaires
même pas vu que c'est une trilogie !
va falloir que je traine plus au rayon livres au lieu de m'y rendre avec une liste de titres piochés ici et là !!
du danger des critiques et des listes !!
merci du conseil Pascal ! font vraiment envie !!
C'est une intrigue E P O U S T O U F L A N T E, étonnante, formidable, stupéfiante, gigantesque, phénoménale, épatante, renversante, extraordinaire, exceptionnelle, inhabituelle, insolite, rare, extravagante, incroyable, bref, du grand art!!!
*[est-ce que c'est compréhensible je veux dire]
Quoi qu'il en soit, bonne lecture!
Ce que j'ai préféré dans cette trilogie, c'est, comme beaucoup, le personnage déjanté, atypique et attachant de Lisbeth.
Ce sont les clins d'oeil à Astrid Lindgren aussi, voire l'hommage...
on assiste quand même à la rencontre à l'âge adulte de l'as des détectives et de fifi Brindacier... ça ne pouvait être que détonnant!
J'espère juste que cela sera à la hauteur de toutes les supers critiques que j'ai pu lire.
Le début est un peu lent quand même...