Sesshin
"Je veux devenir moine zen !" Miura Kiyohiro. Roman. Editions Philippe Picquier, 2002
Traduit du japonais par Elisabeth Suetsugu.
Mr. Kimura n'en revient pas. Son fils, âgé de huit ans lui a fait part de son souhait de devenir moine.
Pourquoi cet enfant turbulent, amateur de séries télévisées et de trash-food déclare-t-il sans préambule à son père ce désir de se retirer du monde et de s'adonner à la méditation ? Mr. Kimura s'interroge. A-t-il bien fait de laisser régulièrement son fils l'accompagner lors des séances de zazen dominicales qu'il s'accorde, séances de méditation régies par l'abbesse du Zenkaiji ? Pourquoi ce désir soudain de devenir moine, de tourner le dos au monde contemporain, à la réussite sociale et à la vie de famille?
Mr. Et Mme Kimura ne voient dans tout cela qu'un caprice d'enfant, une lubie passagère, et décident finalement de ne pas prendre au sérieux la déclaration de leur fils.
Seule l'abbesse semble encourager les voeux du jeune Ryôta mais pour ses parents il est préférable d'assurer son avenir en travaillant à l'école .
Mais le jeune garçon ne tarde pas à faire parler de lui : ses notes baissent de manière vertigineuse et il semble sombre peu à peu dans la délinquance.
Ne sachant plus quelle solution adopter ni vers qui se tourner, les parents décident de suivre les conseils de l'abbesse. Ryôta intégrera un collège réservé aux enfants de religieux et pourra, une fois achevé son cursus scolaire, devenir bonze et prendre la succession de l'abbesse dans l'administration du temple Zenkaiji.
Le crâne rasé, il se dépouillera de ses possessions terrestres ainsi que de son nom : il se nommera désormais Tamaizumi Ryôkai.
Quelque peu inquiets, Mr. et Mme Kimura s'interrogent sur les futures conditions de vie de leur rejeton, sur la dure et austère vie de moine partagée entre séances de méditation et travaux domestiques fastidieux. Ils s'inquiètent également de la solitude à laquelle sera confronté le jeune homme, du manque d'affection et de biens matériels qui découleront de ce choix de vie, de la capacité qu'aura Ryôta à surmonter ces épreuves.
Mais finalement, qui apparaîtra comme plus démuni face à cette décision ? Le jeune Tamaizumi Ryôkai ou bien ses parents ? Car ceux-ci vont vivre de par ce fait une expérience à laquelle ils ne s'étaient pas préparés et qu'ils ne soupçonnaient même pas. Pour eux aussi, bien qu'ils soient laîques, l'enseignement du bouddhisme et la mise en pratique de ses lois, s'avérera un cheminement long et compliqué mais aussi un moyen efficace de surmonter les obstacles de l'attachement aux illusions du monde sensible.
Construit comme un Kôan Zen, le roman de Miura Kiyohiro est une formidable leçon de vie où l'on apprend que les êtres les plus démunis face à l'existence ne sont pas nécessairement ceux que l'on croit. D'une brièveté et d'une concision remarquables, ce court roman est un petit bijou d'humour et de sagesse. Sous l'aspect anodin d'un récit mettant en scène les petits tracas d'une famille japonaise confrontée au choix déconcertant du fils aîné, Miura Kiyohiro nous offre, dans la plus pure tradition du bouddhisme zen, un enseignement spirituel sur la notion toute illusoire de l'attachement aux choses et aux êtres (illusoires eux aussi) qui nous entourent, dont nous échouons le plus souvent à déceler la nature ultime qui n'est en fait qu'une manifestation de la vacuité.
Commentaires
Marie : Je vois que nous sommes bien d'accord en ce qui concerne cet excellent roman.
Tout d'abord félicitation pour ton blog, que je trouve très intéressant et tes chroniques sont bien écrites.
En ce qui concerne ce roman, tu me donne envie de le lire. Je l'achèterai donc prochainement.