Le 5e Prix des Lecteurs du Télégramme # 4
"Les langues paternelles" David Serge. Roman. Robert Laffont, 2006.
C'est quoi, être un père ?
Voilà la question que va se poser David, le narrateur et personnage central du roman de David Serge : « Les langues paternelles. »
Alors qu'il promène ses enfants au Futuroscope, David apprend par un coup de téléphone de sa mère que son père vient de s'éteindre à l'âge de 87 ans.
Commence alors pour David un long monologue dans lequel il évoque ce père, vieil original au comportement et au discours souvent grotesques, cet homme trop tôt absent aux yeux de ses enfants, s'étant séparé de sa femme alors que ceux-ci étaient en bas âge, cet homme dont les colères, les petites lâchetés, les anecdotes et souvenirs de jeunesse cent fois répétés, n'arrivaient pas à dissimuler une forme de naïveté puérile.
Tous ces défauts, toutes ces maladresses, David ne cessera de les reprocher à ce père qu'il aurait voulu plus conforme à l'idée qu'il avait préconçue dès l'enfance, de la paternité.
Conscient d'être le fils d'un homme différent, marginal, d'être membre d'une famille hors norme, éclatée et si peu typique de l'image et des représentations habituelles du cadre familial emblématique des années 1960, David ne cessera d'en vouloir à ce père qui ne ressemble en rien à celui de ses copains et camarades de classe.
Remontant le fil du temps au gré de ses souvenirs, David évoque son enfance coupée en deux, cette perpétuelle oscillation entre les deux pôles opposés que sont ses parents, cette sensation honteuse devant la « normalité » des autres familles, cette incessante remise en cause de l'image d'un père trop différent pour qui il n'éprouve aucune forme d'admiration.
Car Hector, ce père malhabile et fantasque n'est pas de ces personnages excentriques qui forcent l'admiration par leur comportement et leur originalité. Hector, ancien représentant en électro-ménager s'est inventé une âme d'artiste, un costume trop grand pour lui qui le rend peu crédible aux yeux de son fils. Il cherche à s'habiller « jeune » et s'entoure de toute une cour de soiffards dénichés dans les petits bistrots de Belleville. Cette « Vie de Bohême » de pacotille, David ne la supporte pas et, les années passant, il s'éloignera de ce père encombrant et ridicule.
C'est auprès d'autres hommes, plus âgés, influents, qu'il cherchera la mythique image du père idéal.Un père idéal qu'il aimait à se représenter pendant l'enfance sous les traits d'Henri IV ou de Napoléon. Ce sera plus tard auprès des pères de ses différents flirts de jeunesse, mais il comprendra vite que ceux-ci ne correspondent en rien à l'icône paternelle qu'il s'était forgée.
C'est finalement auprès de son beau-père qu'il trouvera l'image tant attendue, tant désirée, mais cette idole trop parfaite, cette image trop idéalisée va l'obliger à se remettre gravement en question, lui qui justement va devenir père à son tour.
Il n'est pas facile d'être le fils de son père et encore moins d'être le père de son fils. David va le comprendre peu à peu. Malgré ses refus et ses dénégations, il est pourtant ce que son père a fait de lui. Il va saisir aussi que l'image qu'il donne de lui à ses enfants n'est pas non plus celle du père idéal, qu'il est après tout un homme comme les autres, un peu lâche, un peu méchant, un peu ridicule.
« Ce n'est pas grand-chose un père. C'est trop dur ou trop tendre. Tu parles d'une statue. Trop dure elle vous écrase, trop tendre elle tombe en miettes. Enfin ça ne va jamais. »
Commentaires
Quant à moi en tout cas je recherche "Les Langues Paternelles" de ce papa.. euh non de ce pas !;-)
A Bientôt.