L'ironie du Sort
"Mitsuba" Aki Shimazaki. Roman. Leméac / Actes Sud, 2006
Takashi Aoki est un Shôsha-man (un commercial, en anglo-japonais), employé-modèle et dynamique de la firme Goshima, une multinationale spécialisée principalement dans le commerce de produits électriques et pétroliers.
En ce début des années 80, l'avenir sourit à Takashi. Reconnu et apprécié par ses supérieurs, sa carrière professionnelle se présente sous les meilleurs auspices. Cet homme à qui tout réussit n'a plus qu'un rêve à réaliser pour que sa vie soit comblée : se marier.
A presque trente ans, Takashi n'a pas de petite amie et encore moins de fiancée. Sa famille, ses amis et ses collègues ont bien tenté de lui présenter des jeunes filles mais Takashi est profondément réfractaire au procédé du Miaï (rencontre arrangée en vue d'un mariage).
En vérité son coeur bat pour une jeune femme qui exerce en tant que réceptionniste à l'accueil de la société Goshima. Elle s'appelle Yûko Tanase.
Takashi a fait sa connaissance en suivant des cours de français dans une école de langues. Très vite, les deux jeunes gens ont sympathisé et ils ont depuis pris l'habitude de se rendre après les cours au café du Trèfle (Mitsuba, en japonais).
C'est au cours de l'un de ces rendez-vous que Yûko apprend à Takashi qu'elle quittera dans quelques mois son emploi à la compagnie pour se rendre à Montréal et qu'ensuite elle se mariera avec un ingénieur que ses parents ont choisi pour elle. Takashi est atterré.
Sur ces entrefaites, son supérieur hiérarchique, Mr. Toda, apprend à Takashi que la compagnie Goshima a décidé de l'affecter pendant trois ans en poste à Paris.
Le temps presse pour le jeune homme s'il veut déclarer sa flamme à Yûko avant qu'ils ne soient séparés. Il doit donc agir très vite avant qu'il ne soit trop tard mais entre temps le destin vient de frapper un coup en la personne d'un autre jeune homme qui est le fils du président de la banque Sumida, banque qui détient la majorité des parts de marché de la compagnie Goshima.
Le temps presse pour le jeune homme s'il veut déclarer sa flamme à Yûko avant qu'ils ne soient séparés. Il doit donc agir très vite avant qu'il ne soit trop tard mais entre temps le destin vient de frapper un coup en la personne d'un autre jeune homme qui est le fils du président de la banque Sumida, banque qui détient la majorité des parts de marché de la compagnie Goshima.
Takashi va alors tomber de déceptions en désillusions et faire l'amer constat que sa position au sein de la compagnie – si gratifiante et confortable soit-elle – n'est que relative. Son avenir professionnel pourrait en effet se trouver gravement compromis s'il ne sacrifie pas ce qui lui est le plus cher aux intérêts supérieurs de la compagnie Goshima. Il va apprendre à cette occasion les circonstances réelles qui l'ont amenées à travailler pour Goshima ainsi que la cause véritable du décès de son père – lui aussi employé de la compagnie – survenu lors d'un voyage d'affaires à Londres onze ans plus tôt.
Et qu'en est-il de cette prédiction qui lui est faite en pleine rue par un ékisha (devin, diseur de bonne aventure), prédiction qui le voit vivant à l'étranger, marié et père de deux enfants, prédiction placée sous le symbole du trèfle ?
Avec « Mitsuba », Aki Shimazaki nous livre, comme pour la pentalogie du « Poids des Secrets », un récit en forme de parabole sur le destin et l'ironie du sort. Remarquablement construit, ce court roman, sous l'aspect faussement anodin d'une histoire d'amour sur fond de réussite sociale, entraîne le lecteur dans une spirale qui le tiendra accroché jusqu'aux dernières pages.
Comme pour « Le poids des secrets » Aki Shimazaki dénonce les travers de la société japonaise, ses archaïsmes toujours présents sous le vernis de la modernité et de la technologie, son conformisme de facade, son système de castes étendu à tous les niveaux de la société , sa culture d'entreprise qui fait de chaque employé un être soumis, corvéable et malléable à volonté.
Un roman concis et virtuose, un petit chef-d-oeuvre d'habileté où Aki Shimazaki, en habile tisserande, entremêle les fils du destin avec ceux du hasard.
Dans les mythologies grecque, romaine et scandinave, le destin est représenté par la figure des Moires, des Parques ou des Nornes, trois femmes qui tissent le destin inéluctable des mortels. Si au lieu du rouet et du fuseau elles avaient été pourvues d'une plume et d'une feuille de papier, Aki Shimazaki serait assurément l'une d'entre elles.
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