"On nous cache tout, on nous dit rien !"
"L'affaire Jeanne d'Arc" Roger Senzig & Marcel Gay. Essai.
Editions Florent Massot, 2007.
Que n'a-t-on pas écrit à propos de Jeanne d'Arc ? On a vu paraître, au fil des siècles, les plus beaux textes mais aussi les pires âneries. Cet ouvrage appartient – à mon humble avis – à cette dernière catégorie.
L'auteur, Marcel Gay, est journaliste dans un quotidien de la presse régionale, spécialisé dans la relation des affaires judiciaires, et n'est pas du tout historien de formation.
Par contre, son talent de reporter transparaît derrière chaque ligne de ce livre destiné à susciter l'intérêt du lecteur en lui fournissant des « révélations » sensationnelles sur un personnage historique à propos duquel on nous aurait menti de manière éhontée depuis des siècles.
S'il est un fait avéré, c'est que la théorie du complot visant à dissimuler la vérité des faits au plus grand nombre, est un argument de vente imparable.
L'auteur, Marcel Gay, est journaliste dans un quotidien de la presse régionale, spécialisé dans la relation des affaires judiciaires, et n'est pas du tout historien de formation.
Par contre, son talent de reporter transparaît derrière chaque ligne de ce livre destiné à susciter l'intérêt du lecteur en lui fournissant des « révélations » sensationnelles sur un personnage historique à propos duquel on nous aurait menti de manière éhontée depuis des siècles.
S'il est un fait avéré, c'est que la théorie du complot visant à dissimuler la vérité des faits au plus grand nombre, est un argument de vente imparable.
Que ce soit à propos de la mort du Christ, des premiers pas de l'homme sur la Lune, ou, plus récemment, des attentats du 11 septembre 2001, chaque nouvel article de presse, chaque ouvrage contestant la version officielle des faits est appelé à connaître un grand succès médiatique et par là même à propulser son auteur en tête des ventes. On a même vu récemment une oeuvre de fiction : Da Vinci Code, draîner des hordes de benêts en quête d'indices vers l'église Saint-Sulpice à Paris, par exemple, où ces hordes de naïfs s'imaginaient trouver des éléments propres à conforter l'hypothèse développée dans le roman. Ce que ces âmes crédules avaient laissé de côté, et qui est pourtant un argument majeur, c'est que le récit de Dan Brown est justement....un roman.
Le livre de Marcel Gay et Roger Senzig est beaucoup plus trompeur que le roman de Dan Brown en ce sens qu'il se présente sous la forme d'un essai. On y trouvera des documents photographiques ainsi qu' en annexe des facs-similés de documents de l'époque : chroniques, actes notariés, registres de comptes, etc... Tout ceci donne à l'ensemble – sans compter l'abondante bibliographie citée par les auteurs au fil des pages – une aura de respectabilité et de sérieux qui donne à croire que l'on se trouve en présence d'un ouvrage de référence dans lequel les auteurs se sont investis de manière scientifique. « Bigre! S'exclame le lecteur, abasourdi par cette avalanche de documents et de références historiques, voilà du sérieux, du tangible. Assurément, je suis en présence d'un ouvrage digne de foi au vu du travail de recherche de ses auteurs. »
Pourtant, il n'en est rien. Bien sûr, je ne mettrai pas en doute ici le travail de Marcel Gay et surtout de Roger Senzig : ils ont tous deux le mérite de croire en leur hypothèse et d'avoir effectué maintes recherches dans le but d'étayer celle-ci. Par contre, ce sont les arguments proposés ainsi que l'interprétation des faits et des écrits qui me laisse songeur, voire carrément sceptique.
Mais voyons d'abord quelles sont les idées avancées par nos modernes Holmes et Watson.
Pourtant, il n'en est rien. Bien sûr, je ne mettrai pas en doute ici le travail de Marcel Gay et surtout de Roger Senzig : ils ont tous deux le mérite de croire en leur hypothèse et d'avoir effectué maintes recherches dans le but d'étayer celle-ci. Par contre, ce sont les arguments proposés ainsi que l'interprétation des faits et des écrits qui me laisse songeur, voire carrément sceptique.
Mais voyons d'abord quelles sont les idées avancées par nos modernes Holmes et Watson.
L'ouvrage s'articule autour de deux postulats. Le premier propose la thèse « bâtardisante », vieux serpent de mer qui resurgit régulièrement : Jeanne serait la fille illégitime du duc Louis d'Orléans et de la reine Isabeau de Bavière, épouse de Charles VI, le roi fou, bien connue pour ses infidélités. Les auteurs mettent en avant pour étayer cette thèse le postulat d'un enfant déclaré mort-né – un garçon – dont on aurait perdu toute trace de sépulture. Ensuite, les auteurs s'interrogent : comment une simple bergère aurait-elle appris à monter à cheval, à porter un harnois, et aussi à manier les armes ? Seule une personne de noble extraction pourrait accomplir ces hauts faits. Mais je ne vois pas en quoi une femme de la noblesse de l'époque posséderait plus d'atouts qu'une fille du peuple pour guerroyer et monter sur un cheval de guerre. Mais l'idée – tellement séduisante de faire de la jeune lorraine une héroïne au sang bleu – n'a pu que séduire nos deux détectives. L'Histoire est tellement plus belle quand ses grandes figures possèdent une généalogie honorable. Les gens du peuple ne sont aptes, après tout, qu'à jouer les figurants ou, dans le meilleur des cas, à exercer le rôle de la piétaille. Mais que notre héroïne nationale se se prévale d'une ascendance qui la met au dessus du commun des mortels, voilà qui a plus de panache !
Le second postulat aborde la thèse « surviviste » : Jeanne, capturée par les bourguignons puis livrée aux anglais, ne serait pas morte sur le bûcher. Détrompez-vous, braves gens ! On vous a menti ! Par un habile subterfuge, ce serait une autre personne (sûrement une roturière!) qui aurait été brûlée vive. Jeanne, miraculeusement, échappe au supplice et réapparaît quelques temps plus tard, en qualité d'épouse d'un seigneur, Robert II des Armoises. Elle décèdera en 1449 à l'âge de trente-sept ans et sera inhumée à Pulligny-sur-Madon (54). Ce joli conte ne nous dit pas si après s'être mariés ils eurent beaucoup d'enfants...
Je ne m'étendrais pas sur la découverte d'un certain docteur Sergueï Gorbenko qui affirme, lui, avoir découvert le crâne de Jeanne d'Arc dans une tombe de la basilique royale de Cléry-Saint-André (45).
« Mais alors, me direz-vous, on nous a roulés dans la farine! Et ce depuis le début ! » Qui est donc à l'origine d'une telle mystification ? Ressortez votre exemplaire du Da Vinci Code (si vous ne l'avez pas encore jeté) : c'est le Vatican, encore lui, qui nous cache la vérité !
Au fin fond de la bibliothèque vaticane reposerait un document compromettant, mais – c'est vraiment balot – les auteurs n'ont pas eu l'autorisation de le consulter.
Au fin fond de la bibliothèque vaticane reposerait un document compromettant, mais – c'est vraiment balot – les auteurs n'ont pas eu l'autorisation de le consulter.
Bref, nous nageons en plein romanesque avec ce livre et il eût mieux valu que ses auteurs en eussent fait une fiction plutôt qu'une parodie d'essai historique.
J'ose à peine imaginer ce qu'un Alexandre Dumas aurait pu écrire en mettant en scène toutes ces affabulations.
Bien sûr, il est toujours utile et même nécessaire de remettre en cause l'Histoire officielle, ceci afin de poser un regard critique sur des évenements passés et d'apporter ainsi un regard objectif, détaché de toute tendance politique, religieuse ou idéologique, tout en se gardant de sombrer dans un révisionnisme systématique, voire dans le négationnisme comme certains ont tenté de le faire à propos du génocide juif pérpétré durant la seconde guerre mondiale.
Il en est de même en ce qui concerne une figure historique telle que Jeanne d'Arc, personnage dont on sait que l'Histoire officielle a fortement enjolivé les circonstances de sa vie dans le but d'en faire une icône nationale. Figure emblématique de la résistance à l'envahisseur, on aura accomodé cette pauvre Jeanne à toutes les sauces, même les plus nauséabondes, comme en témoigne le rassemblement du Front National le 1er mai de chaque année sous sa statue équestre.
Il en est de même en ce qui concerne une figure historique telle que Jeanne d'Arc, personnage dont on sait que l'Histoire officielle a fortement enjolivé les circonstances de sa vie dans le but d'en faire une icône nationale. Figure emblématique de la résistance à l'envahisseur, on aura accomodé cette pauvre Jeanne à toutes les sauces, même les plus nauséabondes, comme en témoigne le rassemblement du Front National le 1er mai de chaque année sous sa statue équestre.
L'Histoire et ses lacunes n'ont pas fini de questionner les hommes et ceux-ci n'ont pas fini de gloser à l'infini sur tel évenement ou tel personnage, avançant maintes suppositions et interprétations afin de tenter d'apporter une explication à toute énigme susceptible de modifier un tant soit peu la version officielle des faits.
Cet ouvrage vaut ce qu'il vaut – pour ma part il ne m'a pas convaincu – mais il a au moins le mérite de remettre en cause une interprétation un peu trop édulcorée et un peu trop convenue de ce personnage de l'Histoire de France.
Cet ouvrage vaut ce qu'il vaut – pour ma part il ne m'a pas convaincu – mais il a au moins le mérite de remettre en cause une interprétation un peu trop édulcorée et un peu trop convenue de ce personnage de l'Histoire de France.
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