Photo(s) de famille(s)
"Allumer le chat" Barbara Constantine. Roman. Calmann-Lévy, 2007
« Il se plante devant la porte ouverte, jambes écartées, poings sur les hanches. Il hume l'air. La nuit s'annonce douce et tranquille. Mais d'un coup, ses sourcils se froncent, une ombre passe, et sans se retourner...
Passe moi le fusil, j'vais allumer le chat ! »
Depuis sa sortie, ce livre a beaucoup fait parler de lui dans la blogosphère littéraire. Et à juste titre la grande majorité des lectrices et des lecteurs ont encensé ce roman. Et me voici donc, éternel retardataire, prêt à ajouter ma modeste contribution au concert de louanges qu'a reçu cet ouvrage.
Il faut dire que ce fut pour moi un vrai régal que de me plonger dans l'univers rural et délicieusement décalé de ce roman. J'y ai fait la connaissance d'une galerie de personnages qui, au départ peuvent apparaître un peu rébarbatifs mais qui s'avèrent finalement attachants et pittoresques, drôles et émouvants.
Ils me sont apparus comme des cousins éloignés de province, des oncles et tantes de la cuisse gauche que l'on a connu dans son enfance, puis que l'on a perdu de vue pendant longtemps, et que l'on redécouvre des années plus tard, à l'occasion d'un mariage ou d'un enterrement. Ces cousins et cousines, ces oncles et tantes, sous leur aspect un peu bourru nous apparaissent finalement comme des gens d'une profonde et sincère humanité, et l'on est surpris, en fin de compte, au moment des au-revoirs, de les quitter avec regrets.
C'est bel et bien cela que j'ai ressenti avec les personnages du roman de Barbara Constantine, avec Raymond, le grand-père ronchon aux talents de guérisseur, avec sa femme, Mine, dotée d'une bonne humeur inaltérable, avec le petit Rémi qui fait de l'eczéma et qui préfère le piano au foot. Mais aussi avec Josette et Edith qui découvrent le saphisme sur le tard, avec Pierrot, l'employé des Pompes-Funèbres qui se découvre un certain talent pour photographier les morts, avec Geneviève qui écrit des lettres enflammées à un détenu qu'elle ne connaît pas. Et puis aussi avec Momo le cantonnier qui va découvrir l'amour et la gastronomie sauvage. Avec Pierre, Paul et Jacques, les enfants du directeur des Pompes-Funèbres qui vont s'initier à la dégustation immodérée de grands crus. Et bien évidemment, Bastos, le chat philosophe et un rien pédant qui jette sur le monde un regard désabusé.
Mais « Allumer le chat » c'est aussi, en dehors de ses personnages hauts en couleurs, une histoire où chacun prend la parole tour à tour, un récit où tout le monde se raconte, humains et animaux, pour nous entraîner dans une aventure tendre, drôle et déjantée où l'on évoquera entre autres les auteurs de l'école du Montana, où l'on fera une rencontre "fracassante" avec un cerf, où l'on trouvera un moyen efficace de retrouver l'aspect originel d'une maison affreusement rénovée et où l'on s'initiera aux préparations culinaires tirées du Grand Livre des recettes sauvages de Marie-Rose.
Bref, c'est tout cela « Allumer le chat » et c'est même beaucoup plus tant ce livre regorge de personnages secondaires, de digressions, d'histoires parallèles, de situations étonnantes et rocambolesques.
Mais ce roman n'est pas, contrairement aux apparences, une farce campagnarde naïve et divertissante. Au travers des situations et des personnages rencontrés au fil du récit se dessinent en filigrane nombre de sujets graves et de questionnements propres à notre société contemporaine ainsi qu' à notre condition humaine. Car c'est bien de la vie dont nous parle Barbara Constantine dans ce roman : la vie dans tous ses états, avec ses hauts et ses bas, ses petites joies et ses gros chagrins, ses surprises et ses désillusions, ses rencontres et ses séparations, tous ces évenements qui accompagnent chacun, du berceau à la tombe, et qui font – n'en déplaise à ceux qui pensent que nos vies minuscules n'offrent aucun intérêt – que chaque existence, chaque histoire de vie, mérite de passer à la postérité.
Avec « Allumer le chat », ce livre pétulant et jubilatoire, Barbara Constantine nous offre une belle leçon de vie et d'optimisme, un conte moderne tout en humour et en finesse, un récit savamment orchestré en une polyphonie réglée comme du papier à musique, un puzzle délirant qui prend forme au fil des pages.
Un pur moment de bonheur à déguster comme une part de tartelette aux pets de lapin.
Les avis (ils sont nombreux) de Caro(line) , Amy, Cathulu, Clarabel, Papillon, Tamara, Cuné, Gachucha, Chatperlipopette et Bernard.
Commentaires
C. Sauvage, léditeur de Barbara