"Lève-toi et marche !"





"Aide-toi et le ciel..." Yves Viollier. Roman. Robert Laffont, 2009.




Le tout dernier roman d'Yves Viollier (que j'avais découvert avec « Les sœurs Robin ») nous entraîne cette fois-ci dans les pas de Marie Gendreau, une femme d'une quarantaine d'années qui, devenue veuve, s'est consacrée à l'éducation de son fils unique, Simon, mais aussi et surtout à son engagement associatif au sein des JOC (Jeunesse Ouvrière Catholique).
Quand débute le récit, Marie est à l'aéroport où elle vient accueillir Simon, de retour d'une mission humanitaire en Haïti. Mais le jeune homme qui débarque ce jour là n'est plus cet enfant souriant et enjoué qu'elle a toujours connu. Simon, lors de sa mission, a découvert un autre monde, un monde de misère et de violence où survit tant bien que mal une population haïtienne qui, en plus de ses problèmes sociaux insondables, s'est vue décimée par l'ouragan Ike.
Simon n'a pourtant pas économisé son énergie pour aider les plus démunis et son engagement a donné un regain d'énergie à la communauté de religieux à laquelle il coopérait. Son dévouement, ainsi que son attachement envers Augustin-Aristide, un enfant abandonné et recueilli par la communauté, vont susciter l'admiration de ses pairs.
Mais un jour, échappant à sa surveillance, Augustin-Aristide est enlevé, probablement par une organisation tirant ses subsides du trafic d'êtres humains.
Rongé par le chagrin et le remords de n'avoir pu protéger ce gamin innocent, Simon va s'enliser dans une profonde dépression, aggravée par la contraction du paludisme. Les moines du centre où il œuvrait vont tenter, non sans difficultés, de la convaincre de rentrer en France.

Et c'est ainsi que Simon rentre chez lui, accueilli par une mère profondément inquiète à son sujet, prête à tout pour le sortir de ce noir écheveau de pensées qui semble le ronger de l'intérieur.
Mais la vie continue et Marie doit continuer à s'occuper des adolescents en difficulté qu'elle a pris en charge dans le cadre de la mission épiscopale qui lui a été confiée. Pendant ses absences, Simon reste seul à la maison, broyant du noir.

Puis un jour, c'est le choc. Simon a voulu mourir et s'est défenestré.
Après une longue période de coma, il va reprendre conscience mais va se réveiller paraplégique.
Déjà accablée par la mort de son mari, voici Marie face au cruel constat d'un fils qui a voulu mettre fin à ses jours et qui se retrouve finalement contraint de se déplacer dans un fauteuil roulant. Comment en sont-ils arrivés là tous les deux ? Leur altruisme, leur engagement envers les plus faibles, attitude qui nourrissait leur foi chrétienne, n'était-il que le chemin qui allait les mener tous deux vers cette impasse ?

Alors chez Marie le doute s'installe : pourquoi dépenser son temps et son énergie à tenter d'aider les autres, au point de négliger le malaise de ceux qui nous sont les plus proches ? Pourquoi tenter de faire le bien autour de soi, si en retour n'adviennent que malheurs et désillusions ? Dieu veut-il la mettre à l'épreuve comme il le fit pour le prophète Job, ou n'est-il qu'une entité pétrie d'indifférence et d'ingratitude ? Au final, Dieu existe-t-il ? Ou n'est-il qu'une création de l'esprit, une marionnette que l'on agite pour se donner bonne conscience et donner un sens à la vie?
Les réponses à ses interrogations, elle les trouvera au sein du groupe d'adolescents dont elle a la charge, ces gamins esquintés par l'existence et qui tentent de se relever, n'ayant comme seule arme que leur foi et leur détermination. La réponse , elle la trouvera aussi peut-être dans ce conte brésilien qu'elle partage avec d'autres fidèles un soir de Noël, lors de la messe de minuit :
« Un homme arrive au paradis et demande à Dieu une faveur : « Montre-moi ma vie ! » Dieu déroule devant lui une plage de sable fin. On y voit des pas : ceux de Dieu et de l'homme. Par endroits, il n'y a plus que deux traces de pas, plus profondes. L'homme se rend compte que ces traces-là correspondent aux moments les plus douloureux de sa vie et il reproche à Dieu : « Tu m'as laissé seul pendant les moments les plus difficiles de ma vie ! » Alors Dieu lui répond : « Ces traces de pas sont les miennes, parce qu'à ce moment-là je te portais... »

Yves Viollier, auteur vendéen, appartient à la Nouvelle École de Brive, mouvement littéraire spécialisé dans les romans dits « de terroir », ce qui ne transparaît pas dans les deux ouvrages que j'ai lus de lui à ce jour.
Bien sûr, l'action se déroule dans la région de prédilection de l'auteur, mais n'importe quel endroit de France ou d'ailleurs pourrait servir de décor au récit. Ce qui est prépondérant ici, c'est l'humain et non pas le paysage.
Dans « Les sœurs Robin » on découvrait deux vieilles dames en butte aux tentatives de leur entourage afin de les exproprier et de construire un immeuble en lieu et place de leur maison.
Avec « Aide-toi et le ciel... », nous suivons le parcours d'une mère et de son fils, profondément engagés dans l'action charismatique, mais qui vont malheureusement se retrouver confrontés à une série d'évènements malheureux qui ira jusqu'à faire vaciller leur foi chrétienne.
Rien de commun donc, avec le genre littéraire « de terroir » mais plutôt un récit ancré dans la réalité contemporaine, destiné à nous faire découvrir une frange de notre société : celle qui s'engage corps et âme pour une cause, qu'elle soit politique, philosophique, ou comme ici religieuse et caritative.

Je ne cacherais pas que j'ai eu un peu peur au début de ce roman. En effet, au vu du contexte, je craignais une apologie d'une certaine forme de militantisme chrétien empreint de prosélytisme, émanant de certains milieux catholiques trop souvent conservateurs et réactionnaires, voire familiers des idées nauséabondes d'extrême-droite. Il n'en est rien heureusement car Yves Viollier nous décrit ici des adhérents de la JOC, association de jeunes chrétiens créée en 1925 et qui a su, contrairement à d'autres mouvements, s'opposer lors de l'Occupation au régime de collaboration de Vichy et à l'attitude complaisante de l'Église en faveur de l'occupant nazi.
Les jeunes militants qu'il nous décrit ici avec beaucoup de tendresse ne se sont pas écartés, du fait de leur foi, de la société contemporaine mais vivent au contraire pleinement au sein de celle-ci, avec cette particularité en plus qui est celle de leur éveil à la spiritualité. Cette spiritualité, loin d'être un miroir déformant qui transforme la réalité leur permet au contraire de poser un regard critique sur le monde contemporain et d'éviter ainsi les impasses du consumérisme et de l'individualisme qui tendent hélas! à devenir la norme.

Je craignais aussi en abordant ce roman, de me trouver face à un de ces ouvrages qui veulent absolument véhiculer un message à portée philosophique et / ou religieuse, de ces livres qui prétendent apporter au lecteur les recettes du bonheur, comme excellent à le faire (bien pauvrement) des auteurs tels que Paulo Coelho. Mais Yves Viollier est, et reste un auteur, pas un quelconque gourou. Son but, en écrivant ce roman, vise surtout, à mon humble avis, à rendre un vibrant hommage à nombre d'anonymes qui œuvrent à leur manière à rendre la société plus humaine et plus généreuse.
Je ne cacherais pas non plus que j'ai moins aimé ce roman que « Les sœurs Robin », l'intrigue m'étant apparue cousue de fil blanc et par trop prévisible.
Me reste cependant l'impression d'un ouvrage agréable à lire mais qui malheureusement ne me laissera pas de souvenirs impérissables.








Commentaires

La Nymphette a dit…
Ce roman me tente beaucoup dans mon "carrefour de vie" actuel, merci pour l'artivle très complet ;-)

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