Le 2e Prix Landerneau # 3




"L'Attente du soir" Tatiana Arfel. Roman. Editions José Corti, 2008.




Il y a d'abord Giacomo, le clown vieillissant qui, suite à la mort de sa mère et la folie de son père, a repris les rênes du petit cirque familial.
Il y a aussi le môme, un enfant sauvage, abandonné dans un terrain vague, qui se nourrit de ce qu'il trouve dans les sacs poubelles du quartier environnant.
Il y a enfin Mlle B. une jeune femme qui a grandi entre l'indifférence et le désamour de ses parents.

Giacomo tente tant bien que mal d'assurer la survie du cirque, repoussant le plus loin possible le moment où, trop vieux et malade, il devra mettre les clefs sous la porte et en finir avec sa vie d'errance. Pour cela, il continue ses tournées, exhibant devant un public de plus en plus clairsemé les tours de ses caniches savants et les prestations de la belle trapéziste Ismaëla. Mais les recettes sont de plus en plus maigres et le spectre de la faillite s'approche inéluctablement.

Pendant ce temps, dans une ville froide et triste, le môme grandit seul, sous un abri de ferrailles et de déchets, au milieu d'un terrain vague. Abandonné peu après sa naissance, il a survécu par miracle, se nourrissant d'ordures. Ignorant le langage des hommes, c'est en peignant qu'il réussit à interpréter le monde qui l'entoure, trouvant ses couleurs dans les jus colorés s'échappant des poubelles et les appliquant sur de vieux papiers d'emballage.

Mlle B. quant à elle, a grandi entre un père indifférent et une mère dénuée de toute tendresse. Élevée comme une chose dans un appartement étouffant, elle deviendra, une fois atteint l'âge adulte, une ombre grise, prématurément vieillie, un personnage dont le physique et le comportement, sans couleurs ni reliefs, lui conféreront une sorte d'invisibilité, à la fois prison et rempart contre le monde extérieur. Á cela s'ajoute le traumatisme d'une grossesse imprévue lors de son adolescence, grossesse qui s'ensuivra par la naissance d'un enfant qui lui sera arraché par sa mère qui s'évertuera à faire disparaître ce nourrisson compromettant.

Ces trois destins, celui du vieux clown, du môme, et de Mlle B. vont bien évidemment ( ce qui est d'ailleurs un peu trop prévisible) finir par s'entrecroiser lorsque le Circo Giacomo va planter son chapiteau dans le terrain vague où s'est réfugié l'enfant sauvage. De cette rencontre entre ces trois solitudes va naître un nouvel élan qui va permettre à chacune d'entre elles de retrouver enfin l'espoir.

En abordant « L'Attente du soir », le lecteur est très vite séduit par la qualité d'écriture et se trouve rapidement emporté par ces trois voix qui se succèdent et racontent leur douloureuse histoire. Mais l'on comprend malheureusement trop vite que ces trois personnages sont liés et que la suite du récit ne peut que tendre vers une rencontre finale et libératrice. En cela, le roman de Tatiana Arfel m'a laissé légèrement dubitatif au vu de cette intrigue « téléphonée » mais dont j'espérais, malgré tout, qu'un rebondissement inattendu démonte dans les toutes dernières pages mes certitudes sur la conclusion du récit. Hélas! Ce ne fut point le cas et la lecture s'achemina lentement vers la fin, sans surprise ni contrecoup susceptible de démentir le trop évident épilogue de cette histoire.

Reste l'écriture, brillante, ciselée, d'une grande qualité, qui m'a permis de suivre jusqu'au bout ces trois personnages au long de leur parcours. Attachants, de par leur humanité, les protagonistes de cette histoire, soumis à la cruauté de l'existence, ne peuvent qu'éveiller notre compassion et nous inciter à leur souhaiter de trouver le chemin de la paix et de la sérénité.
Quant à l'atmosphère dans laquelle baigne le récit, elle est à déconseiller à toute personne un tant soit peu déprimée, tant l'ambiance qui y règne est grise, voire glauque. J'ai pour ma part éprouvé le même malaise à lire ces lignes qu'à contempler une toile de Bernard Buffet (je n'ai rien – entendons-nous bien – contre Bernard Buffet mais ses peintures sont ce que je connais de plus visuellement déprimant).

Je dirais donc pour conclure que « L'Attente du soir » est un conte moderne qui m'a marqué beaucoup plus par son ambiance désespérante ainsi que par sa prose sensible et poétique plutôt que par le déroulement de son récit, trop attendu et sans surprises.
Les avis (plus enthousiastes que le mien) de Lily, Sylire, Anne, Michel, Cathulu, Papillon et Caroline.


"Tête de Clown" Peinture de Bernard Buffet



Commentaires

Theoma a dit…
Je n'ai pas accroché autant que je l'aurais voulu. L'ambiance m'a pesé, j'ai trouvé le temps long malgré la très belle plume.
Anonyme a dit…
Un roman que je n'ai pu achever: trop plombant et d'une absolue tristesse!
Dommage car l'écriture est très belle et d'une grande force romanesque.
Katell

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