Céline. Louis-Ferdinand Céline pour la littérature. Louis-Ferdinand Destouches pour l’état civil et la médecine. L’homme et son œuvre ne finissent pas de nous interroger, particulièrement l’imbrication de l’œuvre et de la réalité chaotique de la vie du médecin-écrivain. Céline et ses livres ont toujours été le théâtre de prises de position radicales et contradictoires, repoussant toutes les limites, à commencer par celles du langage. L’humanisme le plus enflammé côtoie la misanthropie la plus radicale. L'homme ne fait pas ce qu’il dit de pire et ne dit pas ce qu’il fait de mieux. Ces tiraillements vont se décupler pendant l’Occupation, et particulièrement dans ce qu’on nomme couramment l’exil de Céline. C’est à cette période que s’intéressent Paul et Gaëtan Brizzi et Christophe Malavoy. Ce dernier, plus connu pour sa carrière de comédien au théâtre et au cinéma, est l’auteur de plusieurs récits, parmi lesquels plusieurs interrogent déjà la guerre et Céline, même pas mort !... (Editions Balland – mai 2011), portrait du bonhomme acariâtre. De juin 1944 à mars 1945, le docteur Destouches est ballotté dans l’Europe occidentale. Menacé, il quitte Paris, avec sa femme Lili et le chat Bébert. Destination le Danemark, pour y récupérer un petit magot sous forme de lingots d’or. Mais les déplacements ne sont pas simples dans les semaines qui suivent le débarquement des alliés en Normandie. Ce sera Baden-Baden, Berlin puis Sigmaringen, et enfin Copenhague. Dix mois d’errance dans la folie d’un régime nazi en pleine décadence, auprès d’un gouvernement de Vichy à l’agonie, au milieu d’une mascarade d’hommes corrompus et cruels et de femmes vendues et complices. Une question est posée à Céline : collabo convaincu ou opportuniste ? « Faut jamais se montrer difficile sur les moyens de se sauver de l’étripade » répond le docteur. Une autre question est posée aux individus : « qu’est-on prêt à faire ou à ne pas faire quand il s’agit de sauver sa peau ?». Cette magnifique bande dessinée donne une réponse parmi d’autres. Dans un monde où tout est verrouillé, Céline louvoie entre son intelligence aiguë, son instinct de survie, sa misanthropie et les failles qui s’entrouvrent de-ci de-là. En une parabole de la condition humaine, il dépeint des individus se raccrochant aux branches qui se présentent, même si elles sont pourries. Le magnifique crayonné de Paul et Gaëtan Brizzi, déclinant le gris dans toutes ses nuances, achève d’emporter le lecteur dans ce voyage au bout de la nuit humaine. Plus suggestif et dynamique que celui de Jacques Tardi qui, à plusieurs reprises, s’est courageusement attaqué à quelques monuments céliniens, le graphisme monochrome de La Cavale du Dr Destouches, précis et soucieux du détail, enveloppe parfaitement ce témoignage désespéré d’un monde où la couleur n’a plus sa place. Indispensable. Par F.Houriez

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