Septentrion

"Jón l'Islandais" Bruno d'Hallouin. Roman. Gaïa Editions, 2010.

C’est à l’âge de sept ans que le jeune Jón Thorsteinsson est enlevé sur les côtes d’Islande par des pêcheurs anglais.
Au XVe siècle, cette pratique d’enlèvement d’enfants est suffisamment fréquente pour que le Royaume du Danemark (auquel l’Islande est inféodée) s’en inquiète et proteste auprès de l’Angleterre.
Ces enfants sont revendus en Angleterre où ils sont exploités comme domestiques et comme main d’œuvre à bon marché. C’est ainsi que Jón va se retrouver à Bristol où il va être employé en qualité de domestique au sein d’une famille de commerçants aisés : les Barstaple.

Il va ainsi passer son enfance à accomplir maintes corvées au service de cette famille de tisserands récemment reconvertie dans le commerce maritime.
Le jeune garçon n’oublie cependant pas d’où il vient et c’est souvent qu’il pense à son lointain pays et à sa mère.
Parvenu à l’adolescence, Jón va faire la connaissance d’autres jeunes gens qui, comme lui, et pour diverses raisons, se sont retrouvés à Bristol et cherchent à regagner leur pays d’origine.
S’étant secrètement concertés, les jeunes gens vont profiter d’une tempête pour s’enfuir en dérobant un vieux navire.

Après un périlleux voyage, Jón va retrouver sa terre d’Islande et tenter de se construire une nouvelle vie. Mais une épidémie de peste va mettre à bas tous ses espoirs de fonder un foyer. Quant à sa mère qu’il espérait tant revoir, il apprendra qu’elle est partie depuis plusieurs années s’installer aux Açores. Il apprendra aussi qu’il n’est pas né en Islande, mais dans cette mystérieuse contrée où plus personne ne va : le Groenland.

De ce Groenland, on ne sait en effet plus rien depuis de longues années. Colonisé au Xe siècle par les islandais qui s’y sont implantés à l’Ouest et à l’Est, le Groenland et ses établissements, après cinq siècles, va voir sa population subitement disparaître. C’est de là que viennent Jón et sa mère, dans un des derniers bateaux revenus en Islande. Quelle est, ou quelles sont, les cause de cette mystérieuse disparition des Groenlandais ? Nombre d’hypothèses ont été émises à ce sujet et aujourd’hui encore personne ne peut affirmer avec certitude les raisons de cette énigme. Épidémie ? Famine ? Refroidissement du climat ? Conflits avec les populations Inuits ? Il semblerait que toutes ces hypothèses aient joué un rôle dans la disparition de ce peuple groenlandais qui aurait poussé des expéditions jusque vers les côtes de l’Amérique du Nord.

Jón apprendra que son père est, lui, resté au Groenland. Il n’aura de cesse de faire la lumière sur le destin tragique des groenlandais. La tâche lui sera pourtant bien difficile. Il n’existe plus de navires en partance pour cette contrée abandonnée et au sujet de laquelle circulent d’étranges rumeurs de populations retournées au paganisme.

Mais en cette fin du XVe siècle, le monde européen est en effervescence. C’est l’âge des grandes découvertes avec les voyages de Magellan, Jean Cabot et Christophe Colomb. Le monde semble devenir plus grand au retour de chacun de ces explorateurs qui comblent un à un les vides laissés sur les cartes. Jón va ainsi profiter de ce formidable élan vers l’inconnu pour tenter de retrouver ses origines.

Bruno d’Hallouin, dont c’est ici le premier roman, nous livre un roman d’une grande sobriété et d’un grand respect dans la véracité des faits historiques. Dédaignant les effets spectaculaires et les détails parfois sordides qui émaillent souvent les romans historiques se déroulant au moyen-âge, il nous entraîne dans un récit captivant où transparaît sa grande passion pour l’époque des grandes découvertes maritimes. Cette sobriété dans la narration, alliée à une grande exactitude historique ravira les amateurs de romans historiques qui trouveront dans cet ouvrage une qualité comparable aux œuvres du grand Mika Waltari, le maître en la matière.

C’est donc avec grand plaisir et beaucoup d’émerveillement que le lecteur suivra le parcours de Jón Thorsteinsson, des rives de l’Avon aux fjords islandais, de l’archipel des Açores aux immensités glacées et désertes du Groenland, la quête d’un homme curieux de découvrir le secret de ses origines tandis qu’autour de lui le monde subit une profonde mutation sous l’impulsion de quelques hommes déterminés à élargir, au péril de leur vie, une représentation du monde qui n’avait pas évolué depuis l’écoumène de Ptolémée dessinée treize siècles auparavant.





Abraham Ortelius, Theatrum orbis terrarum, Anvers, 1595





Commentaires

Joelle a dit…
J'avais eu peur que ce soit pas facile à lire quand je l'ai vu lors de l'opération Masse critique. Mais quand je lis ton billet, ce livre m'a l'air bigrement intéressant !
cathe a dit…
D'habitude je n'aime pas les romans historiques, mais celui-ci a vraiment l'air intéressant. Et puis Gaïa c'est toujours bien ;-)
Il est dans ma PAL donc je ne vais pas lire ton billet. Je prévois de plonger dedans en avril. Je reviendrai lire après ce que tu en as pensé...
Ca va mieux? Plus les pieds dans l'eau?
deparlà a dit…
ton billet donne vraiment envie, en plus une découverte pour moi!
Je l'ai terminé il y a quelques jours et c'est un excellent roman. Comme l'a dit Joelle: "bigrement intéressant"!

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